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Conseils de psy

Y a-t-il une vie après la passion ?

/ Par Dallaire Yvon / Vivre à 2

Y a-t-il une vie après la passion ?

Vous négligez même vos amis et parents pour passer plus de temps avec votre « âme soeur ». Quand vous n’êtes pas ensemble, vous vous téléphonez. Au travail, vos collègues ont remarqué votre air épanoui, malgré vos traits tirés et vos bâillements. Vous partez souvent dans la lune, fantasmant sur votre prochaine rencontre. Vous flottez : vous n’avez jamais été aussi heureux qu’en ce moment. Il aura suffit d’une rencontre fortuite pour transformer et embellir votre vie. Le temps passe... 

Vous commencez à parler d’avenir : cohabitation, mariage, enfants, maison... L’autre aussi est d’accord pour attendre la venue des enfants avant de vous marier. Lui aussi veut deux enfants; elle aussi veut un condo au centre ville (ou une maison en banlieue). Tous deux voulez un grand mariage avec beaucoup d’invités pour leur crier votre amour et votre bonheur. C’est décidé, en juillet prochain, vous emménagez ensemble.

Tous vos amis vous ont aidé à vous installer dans votre nouveau logement. Les premières semaines ont été magnifiques. Après plusieurs nuits endiablés, vous commencez tranquillement à vous assagir, sachant l’autre tout près de vous, disposé et disponible. Vous commencez à mieux respirer convaincu que votre amour durera toujours. Vous vous laissez aller à jouir d’un bonheur maintenant plus tranquille. La chimie de l’amour fait effet.

Les mois passent. Vous comprenez de plus en plus la différence entre la passion et l’amour. Vous vous êtes organisés une routine de vie agréable : boulot épanouissant, dodo douillet dans votre nid d’amour, soupers avec des amis les week-ends, discussion autour de projets d’avenir… Vous constatez toutefois certaines différences dans vos projets : il veut toujours deux enfants, mais pas avant d’avoir assurer sa carrière; elle veut bien acheter la maison, mais préfère économiser avant pour diminuer l’hypothèque. Vous n’oser pas trop affirmer votre propre désir pour ne pas froisser votre partenaire, mais vous êtes quelque peu déçu.

Vous aviez bien remarqué, dès le début, quelques petits défauts chez votre partenaire, mais ils vous avaient fait sourire. Vous ne vouliez surtout pas que quoi que ce soit vienne émousser votre passion ou ternir votre bonheur; vous vous êtes dit que le temps et/ou l’amour allaient tout arrangé. Sauf que, avec le temps, vous trouvez que ces petits défauts prennent de plus en plus de place : il avait tendance à minimiser vos émotions, vous avez maintenant l’impression qu’il ne veut rien savoir de vos états d’âme, sauf s’il a une idée derrière la tête (lire : sexe); elle avait tendance à vous suggérer quoi faire, elle vous dit maintenant quoi et comment le faire et vous boude si vous ne le faites pas immédiatement.

Vous avez flotté dans le bonheur par-dessus la tête jusqu’au jour où vous vous rendez-compte que l’autre...

• diminue ses marques d’attention et ses appels téléphoniques ;

• ne parle que de lui, de sa famille, de sa carrière ;

• se couche après vous et non plus en même temps ;

• se laisse traîner de plus en plus (poils de barbe, linge) ;

• passe de plus en plus de temps avec ses amis ;

• parle de moins en moins dans l’intimité ;

• semble moins empressé à vous faire la cour et à faire l’amour…

Vous avez été passionné jusqu’au jour où vous vous rendez compte que vous êtes en train de devenir un « vieux » couple après seulement deux ou trois ans de vie commune. Vous voulez faire l’amour le soir, elle préfère attendre au lendemain matin. Vous voulez lui parler, il a une tâche urgente à terminer. Vous avez de plus en plus l’impression que l’autre vous fuit ou, au contraire, veut vous contrôler; vous vivez un véritable paradoxe passionnel entre votre désir de vous engager et votre peur d’être envahit par l’autre.

Le prince charmant que vous vouliez voir se transformer en roi majestueux se montre sous son vrai jour : un crapaud silencieux intéressé seulement au confort matériel et à la sexualité. La princesse qui vous supportait dans tous vos projets vous critique maintenant de plus en plus souvent et vous avez l’impression qu’elle vous rend responsable de ses frustrations. Vous découvrez lentement qui est réellement l’autre. Mais, malgré tout, vous continuez de l’aimer et vous vivez encore des nuits torrides, surtout après vous être réconciliés.

Dans les moments difficiles ou après une dispute particulièrement « passionnée », vous remettez parfois vos rêves et vos projets en question. Vous en arrivez même à vous posez l’une ou l’autre des questions suivantes : Dans quoi me suis-je embarqué ? L’autre m’aime-t-il vraiment ? Mais, après vous être expliqués et compris, après avoir pleurés ensembles, vous réaffirmer votre amour à l’autre et votre désir de tout faire pour que tout aille mieux. Vous promettez de changer, de faire plus attention et, à nouveau, vous flottez. Vous êtes tous deux remplis d’amour et de bonne volonté.

Vous décidez, à la suite d’un rapprochement particulièrement intense, de donner un fruit à votre amour et de prouver votre attachement et votre désir d’engagement dans la relation; vous décidez de devenir parents en plus d’être amants. Et à nouveau vous vous sentez transformés.

 

La chimie de l’amour

Trois types d’hormones interviennent dans le processus amoureux.

1. Les phéromones ou phérormones. Ces effluves sont produites par les glandes apocrines situées sous les aiselles, autour des mamelons et dans les aines. Même émises à dose infime, elles donnent une empreinte olfactive personnelle unique et possèdent le don d’attirer certaines personnes et d’en éloigner d’autres. L’amour n’est peut-être au fond qu’une question d’odorat. Ne dit-on pas des gens qui nous sont antipathiques : « Celui-là, je ne peux pas le sentir! »

2. La phényléthylamine. C’est une substance chimique cérébrale qui déclenche des sensations d’allégresse, d’exultation et d’euphorie. Le coup de foudre est l’état d’un cerveau submergé d’emphétamines naturelles : nous sommes en amour avec les sensations que nous éprouvons devant l’image que nous nous faisons de l’être aimé. Les drogués de l’amour vont de coup de foudre en coup de foudre à la recherche de l’excitation déclenchant la production de phényléthylamine et la passion.

3. Les endomorphines. Ne pouvant carburer très longtemps à la phényléthylamine, le cerveau la remplace après un temps variable par une espèce d’opiacé qui fait diminuer l’amour-passion et se développer l’amour-attachement : les amoureux peuvent maintenant parler, manger et dormir en paix. Sécurité, stabilité et tranquillité sont maintenant au rendez-vous.

 

Passion vs Amour

Passion et amour ne sont pas synonymes. La passion est constituée d’états affectifs intenses, mais peut dégénérer en véritable obsession. L’amour, c’est ce qui subsiste lorsque la passion du début s’atténue. L’amour est un sentiment englobant tendresse et dévouement. Pour que l’amour véritable puisse exister et perdurer, trois éléments sont nécessaires: attirance, admiration et projet. Ces éléments doivent être canalisées vers la même personne et être réciproques, à moins de vouloir être malheureux.

L’amour est basé sur une attraction physique et sexuelle réciproque : ne dit-on pas « faire l’amour » pour désigner les relations sexuelles. De plus, on ne peux aimer quelqu’un que si on l’admire. L’admiration est un sentiment de joie et d’épanouissement devant ce qu’on juge beau ou grand. Il n’y a de l’amour que dans le respect. Finalement, deux personnes qui s’aiment partagent les mêmes projets, les mêmes rêves : mariage, maison, enfants, succès professionnels, implication sociale, vacances, retraite…

 

Le paradoxe de la passion

Qu’on le veuille ou non, tout couple est au prise avec un paradoxe, source de conflit : un désir intense de fusion passionnelle qui, lorsque satisfait, se transforme en besoin de prendre de la distance afin de laisser revenir le désir de la fusion. Lorsque vous avez faim, vous mangez et la faim disparaît ; pour connaître à nouveau la faim, vous devez être un certain temps sans manger. Ainsi en est-il de la passion : la passion tue le désir au même titre que manger tue la faim.

Par définition, on désire ce qu’on ne possède pas. C’est pourquoi les débuts d’histoire d’amour sont généralement passionnés, n’étant pas assuré que l’autre sera toujours là. Mais au moment où, dans le couple, s’installe une certaine sécurité et une certaine routine, la passion ne peut que diminuer. Seules la distance et une certaine insécurité peuvent faire renaître et entretenir le désir.

Deux individus ne peuvent avoir le même degré de désir fusionnel. L’un des deux partenaires voit nécessairement son désir satisfait avant celui de l’autre et veut alors prendre une certaine distance pour réactiver son désir, ce qui provoque l’intensification du désir de l’autre. D’où le paradoxe : si l’un veut fusionner au moment ou l’autre veut prendre de la distance, cela augmente le besoin de distance du second, laquelle distance augmente le désir du premier. Plus tu me poursuis, plus je te fuis ; plus je te fuis, plus tu me poursuis. (Principe de l’ombre).

Le défi du couple consiste à créer une juste distance entre le désir de fusion et le besoin d’autonomie de chacun des deux partenaires, désir et besoin qui évoluent avec le temps.

 

Moments difficiles vs relations difficiles

Tout couple vivra des moments difficiles. Ces moments difficiles sont sains et utiles lorsqu’ils permettent à chacun des partenaires de faire valoir ses attentes et ses besoins face à la vie de couple. Ces moments difficiles permettent ainsi aux deux amoureux de mieux se connaître et mieux se faire connaître. La négociation et le règlement positif des conflits est ce qui amène le couple à développer une véritable complicité. Deux amants intimes sont aussi deux ennemis intimes, à la condition que la guerre intime se fasse dans le respect.

Ces moments difficiles tournent malheureusement souvent en relations difficiles lorsque l’un des deux partenaires refusent de se remettre en question et manipule l’autre par la culpabilité (C’est de ta faute si on se chicane), par le pouvoir (Je te quitte si tu ne changes pas), par la peur (Si tu continues, je te frappe), par la jalousie (Tu n’as pas le droit d’exister en dehors de moi), par la servitude (Tu ne peux pas te passer de moi), par le chantage (Je me suicide si tu me quitte) ou la faiblesse (Je ne suis rien sans toi). Lorsque vous avez tout essayé et que l’autre refuse de changer, vous avez une décision à prendre : vous résigner ou déménager. Mais avant de vous décider, allez en thérapie.

 

Yvon Dallaire, Psychologue, Sexologue, Conférencier et Auteur canadien de nombreux volumes sur les relations homme femme : http://www.optionsante.com/yd_livres.php. Il est co-créateur de la formation en psycho-sexologie appliquée aux couples avec le Dr Iv Psalti http://www.formationsexologue.com, formation réservée aux intervenants en thérapie conjugale. 

 

Dallaire Yvon -  Psychologue

Dallaire Yvon

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