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Conseils de psy

/ Par info psy.be / Etre ado

Les conséquences psychologiques d'un procès d'assises

Il y a l'avant procès, le procès et l'après procès. Traverser chacune de ces étapes demande beaucoup de courage et de force de caractère.
Penchons-nous sur les vécus des différents acteurs:

Les jurés
Quand un citoyen est tiré au sort et désigné comme juré, c'est d'abord l'effet de surprise qui prédomine.
Il se dit : "Ah bon, pourquoi ça tombe sur moi ? Cela n'arrive donc pas qu'aux autres".
En règle générale, il ne connaît pas les méandres de la justice et découvre un monde totalement nouveau.
C'est souvent le début d'une expérience éprouvante.

Pendre connaissance des tréfonds d'un dossier, être confronté à des photos de scènes de crime et à la détresse des familles des victimes demande de pouvoir gérer sa sensibilité et ses émotions avec énormement de recul.
Le juré se doit de rester impartial. Il ne peut absolument pas montrer un quelconque débordement émotionnel au risque d'être récusé sur le champ.
On lui demande de conserver un esprit critique, c'est-à-dire de ne pas juger avec son cœur mais avec sa raison.

Le respect du devoir de réserve impose aussi de ne rien réveler même à ses proches.
Or quand la charge émotionnelle est telle, il est tellement naturel d'avoir besoin de parler à des personnes de confiance.
C'est donc un travail très minitieux et très rigoureux où il est nécessaire de prendre beaucoup de choses sur soi.
Un rôle que nous pouvons tous être amenés à endosser un jour, sans aucune préparation psychologique...

Or les mécanismes de projection et d'identification sont bien là:
«J'ai une fille, s'interroge Alain, juré récemment dans un procès d'assises. Jamais je ne pourrai être objectif pour les crimes sur enfants.»
« J’ai vraiment été perturbé ce soir-là, impossible de dormir, tout est repassé : les dépositions des experts, des psychologues, des médecins... »
Et une phrase lancinante : « Si on avait fait cela à ma gamine... »
Il faut pouvoir traverser cela. C'est difficile car les jurés restent des humains avant tout !

Contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, en Belgique, les jurés décident seuls de la culpabilité de l'accusé.
Le vécu de cette prise de responsabilité engendre parfois aussi, chez le juré, un fort sentiment de culpabilité. Surtout quand des zones d'ombre subsistent.
Heureusement, la subjectivité de chacun se noie dans le pot commun et c'est la collégialité qui fait la valeur de la décision.
Il y a toujours des différences d'appréciation, mais c'est la règle de la majorité. Etre juré, c'est aussi un apprentissage de la démocratie.

On comprend bien pourquoi autant de jurés nous disent souhaiter tourner la page après un procès et ne plus reparler de tout cela.


Les avocats
Mariner dans une telle horreur n'est pas toujours une sinécure.
A ce propos, Jean-Philippe Rivière nous confiait dans le cadre d'une interview exclusive pour Psy.be : "Il m’arrive d’étudier des dossiers et d’avoir la nausée. J’ai 18 ans de barreau et parfois, je claque un dossier en disant je ne peux plus lire cette horreur".
Suite à la question : "Pendant tout le procès Dutroux, l’homme Jean-Philippe n’a-t-il jamais envahi l’avocat Rivière ?", il répondit : "Je n’ai montré que la facette de l’avocat, encore que… A un moment, c’est devenu carrément impossible. J’ai dû faire un effort sur moi-même pour ne pas lui lancer mon pc portable à la figure.
Il a eu une réflexion qui ne concernait pas ma cliente, mais Ann et Eefje. Là, l’avocat a failli s’effacer.
J’ai dû me faire mal. Les ongles me rentraient dans les paumes de la main tant je serrais les poings.
J’aurai eu envie de le démolir". Témoignage éloquent de cet avocat expérimenté qui conclut en avouant être sorti usé nerveusement et moralement de ce procès, abîmé.

Sans doute serait-il très utile que les avocats bénéficient d'une aide psychologique, de supervisions individuelles pour pouvoir vider quelque part leurs émotions.

Les familles des victimes
Ils viennent et entendent les détails horribles des crimes subis par leurs proches.
Si cela ressemble à une véritable torture morale, ils témoignent pourtant que c'est important pour eux d'assister à ce procès qu'ils ont tant attendu.
C'est une question de loyauté vis à vis des proches disparus. La cour d'assises représente surtout le lieu de la sanction, voire de la réparation. L'entame nécessaire d'un travail de deuil long et pénible, parfois sans fin, jusqu'au dernier jour de sa propre vie.
Lors d'un procès, il arrive que certaines personnes de la famille ressentent un fort sentiment de culpabilité. Coupable d'être encore en vie alors que le proche n'est plus là, ou encore coupable de ne pas avoir pu protéger celui-ci des griffes de l'assassin.
C'est un peu comme le syndrome des survivants juifs ressenti par ceux qui ont pu échapper à la Shoah. C'est important que les familes puissent exprimer leurs émotions et qu'elles puissent être entendues à tout moment.
Heureusement, contrairement aux jurés, les familles et le public ont plus de possibilités d'expression. Dernièrement, lors de grands procès très médiatisés, ils eurent droit à une salle privée dans laquelle ils pouvaient lâcher leur détresse, leur colère et leur dégoût.
Certaines personnes choisissent aussi de séquencer leur présence au procès. C'est important de pouvoir écouter ses limites et ainsi se préserver à certains moments.
Ne surestimons pas nos forces.

En conclusion
On comprendra aisement que l'expérience d'un procès d'assises, quel qu'en soit le jugement final laisse toujours des traces psychologiques marquées au fer rouge.
Il est donc capital que chacun puisse recevoir l'aide psychologique indispensable face à un pareil évènement.

Lire l'interview de Jean-Philippe Rivière, avocat : http://www.psy.be/articles/interviews/jean-philippe-riviere.htm

Revoir la vidéo de l'émission : "Au quotidien" 

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