Je souhaite...

Conseils de psy

Qu’est-ce qui rend mon psy efficace ?

/ Par Boris Libois / Psychothérapies

Qu’est-ce qui rend mon psy efficace ?

Jeanne Siaud-Facchin est connue pour son accompagnement des « zèbres », enfants-vieillards et adultes précoces. Elle en fait une description clinique nuancée dans ses ouvrages « L’enfant surdoué. L’aider à grandir. L’aider à réussir » (2002) et « Trop intelligent pour être heureux. L’adulte surdoué » (2008).

Ma curiosité a été piquée lorsqu’elle explique dans son dernier ouvrage (2012) que « la méditation a révolutionné [s]a façon d’être » et que «  la méditation a beaucoup changé [s]a pratique de psy ». Par méditation, Siaud-Facchin entend simplement : se poser, ressentir, observer et laisser être. Cette approche s’inscrit, du point de vue méthodologique, dans le courant récent de la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT, dernière vague des thérapies cognitivo-comportementales) et, du point de vue spiritualiste, dans la vogue de la psychologie positive (illustrée par la trilogie de notre compatriote guérisseur Thierry Janssen).

Siaud-Facchin trouve dans la méditation de quoi étayer son intuition sur l’« hyperconscientisation » qu’éprouvent – parfois douloureusement – les personnes à haut potentiel, au « croisement entre l’intelligence aiguisée et l’hyperréactivté émotionnelle ». Alors, comment utiliser cette « hyperconscience » pour mieux être au monde ? Comment retourner cette capacité spontanée à se dissocier en une ressource pour une meilleure présence d’esprit plutôt que comme un handicap, source de souffrance ?

Michael Yapko, connu pour son traitement de la dépression par l’hypnose (2006), compare la méditation de pleine conscience et l’hypnothérapie, dans son ouvrage « Mindfulness and Hypnosis. The power of suggestion to transform expérience » (2011). Points communs : toutes deux peuvent s’inscrire dans une quête de spiritualité individuelle et fournir une technique thérapeutique, selon que l’on favorise l’acceptation sans destination ou que l’on poursuive des objectifs spécifiques. Dans ce dernier cas, on mettra l’accent sur la « contrôlabilité », condition préalable à la prise de décision, en distinguant ce sur quoi on peut agir et ce que l’on doit simplement laisser être, ici et maintenant.

Si l’efficacité de la méditation de pleine conscience dans le traitement de la dépression a été démontrée, conformément aux règles de la médecine fondée sur des preuves (« Evidence Based Medecine », voir notamment les ouvrages de Kabat-Zin, 2009, et Segal, Williams & Teasdale, 2006), quel est l’apport de l’hypnothérapie ? Yapko argumente que la méditation est en réalité une forme d’hypnose, réduite biologiquement par l’explication objectivante de ses bénéfices anatomiques (plasticité neuronale et régénération cellulaire). Cette approche nous prive du point de vue performatif du participant à la relation clinique, dans un contexte interpersonnel et à des fins thérapeutiques. Contre le « bioréductionnisme », Yapko valorise la dimension sociale (l'alliance thérapeutique) et l'apprentissage expérientiel (vivre les choses).

Cette discussion entre l’« idéologie de la maladie » (rôle tenu par la médecine occidentale technologisée) et les médecines complémentaires se poursuit dans l’ouvrage de Dr. Jean-Marc Benhaiem, « L’hypnose ou les portes de la guérison » (2012). L’auteur a créé en 2001 le premier diplôme universitaire d’hypnose médicale au CHU de la Pitié-Salpétrière. Vous lirez lu avec intérêt le chapitre « La psychopathologie est-elle soluble dans l’hypnose ? ». Extrait : « Davantage que la désignation de l’expression naturelle d’une maladie, le diagnostic psychopathologique apparaît donc comme un langage dont doit user le patient pour obtenir du soignant l’attention légitime qui convient au contexte du soin ». Côté psy, il est préférable d’adapter la thérapie au client que l’inverse, si l’on souhaite reconnaître et soulager la souffrance morale et relationnelle du patient.

Tel est le credo permanent de la thérapie stratégique brève, modélisée par l’école de Palo-Alto. La traduction et la publication récentes, par les éditions Satas, de trois ouvrages de Giorgio Nardone offrent une prise en main aisée du savoir-faire de celui qui, après son maitre Paul Watzlawick, excelle dans la déconstruction des solutions qui font empirer le problème et l’utilisation du stratagème thérapeutique pour faire sortir le client de ses automatismes (comporte)mentaux. Bref, pratiquer l’art du changement comme une hypnothérapie sans transe.

Finalement, quelle que soit la technique adoptée, la communication thérapeutique sera efficace si elle permet au client de revivre « l’expérience phénoménologique » de soi, des autres et du monde, en échappant au double biais mentaliste ou naturaliste, commun à la psychologie et aux neurosciences, et au travers duquel nous nous comprenons encore souvent et à tort. Contre toute objectivation du Self, Paul Ricœur décrit ainsi l’« intentionnalité », lieu originaire de la communication intersubjective : « Je suis hors de moi quand je vois, c’est-à-dire que voir c’est être mis en face de quelque chose qui n’est pas moi, c’est donc participer à un monde extérieur. Je dirais donc que la conscience n’est pas un lieu fermé dont je me demanderais comment quelque chose y entre du dehors, parce qu’elle est, dès toujours, hors d’elle-même » (Changeux et Ricœur, 2008).

Boris Libois

Boris Libois -  Psychothérapeute, Docteur en philosophie

Boris Libois

Rue Joseph Claes 74 - 1060 Saint-Gilles
Articles publiés : 7