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Conseils de psy

Sonder le corps pour apprivoiser le trauma

/ Par Catherine Gerard / Psychothérapies

Sonder le corps pour apprivoiser le trauma

Sonder le corps pour apprivoiser le trauma

 

Les récents événements qui ont touchés une grande partie de la Wallonie ont impacté chacun de nous. Cela témoigne d’une humanité, d’une solidarité et d’une empathie qui aident à se relever dans des situations de détresse.

Un sentiment d’irréalité a amené notre psychisme à devoir tenter de concevoir ce qui ne lui paraissait pas possible dans notre pays, notre ville, notre village, notre rue, notre maison, notre rez-de-chaussée. Jamais notre psychisme n’a envisagé une telle projection dans la réalité. Et pourtant comme pour tout trauma, notre cerveau est au travail. Il cherche à reconquérir du contrôle, à réactiver des mécanismes de maîtrise. A comprendre. Ces mécanismes ne concernent pas uniquement les personnes sinistrées. Le trauma est collectif et le collectif cherche des mots comme une façon de sortir du néant. En témoigne, les patients que nous rencontrons qui éprouvent le besoin de dire, de parler, de mettre des mots sur cette situation sans pour autant avoir vécu ou avoir un proche impacté directement. Mais le trauma des images, l’information tel un réflexe pour essayer de comprendre sont autant de traumatismes dits vicariants. Cela signifie que sans avoir vécu le trauma, des symptômes du vécu des inondations peuvent se manifester, par exemple, sous forme de cauchemars ou de pensées intrusives. Il en va de même pour les personnes qui ont donné de leur temps pour aider et qui, occupées par l’action, se retrouvent ensuite face à un vécu, des images et des émotions à apprivoiser. Ce n’est pas toujours simple !

Le trauma est un phénomène particulier en psychologie car il laisse l’individu pétrifié. Dans un moment bref, la personne s’est vue morte, a vu l’autre mort ou a été en très proche contact avec la mort. Elle se distingue alors des autres par cette expérience de l’irréel. Si l’être humain connaît la fin, si chacun sait qu’il va mourir, la lutte pour vivre reste un combat difficile à mener. Pensons par exemple aux personnes présentant des troubles dépressifs ou anxieux. Ainsi, l’être humain met en place toutes sortes de stratégies pour tenir bon parfois au péril de sa vie lorsque, par exemple, l’addiction vient servir de béquille à une situation bancale, à un moment difficile à traverser. Il s’évertue à développer ses propres stratégies afin de repousser le temps et la mort. Cette question restera présente tant que l’humanité sera, les philosophes l’ont débattue depuis des siècles. Du trauma, il pourrait être dit que c’est le rapport inverse. C’est l’intrusion de la mort à un moment inattendu. L’absence de contrôle.

Dans les consultations, ces traumatismes sont nombreux et divers. Ils peuvent être liés à un vécu familial, à une situation de travail, ou plus largement à toute situation qui n’a pas permis d’être humaniser dans son rapport au vivant, à ce qui rend vivant.  La personne qui consulte n’en a pas toujours conscience. On peut dire qu’elle est bloquée, figée, gelée au moment de ce trauma, qui n’a pas pu être dit ou plus justement qui n’a pas pu être accompagné par la parole dans ce qui se vivait au niveau des émotions et du ressenti ici et maintenant. Car parler d’un trauma, c’est aussi le revivre et cela peut amener à refuser de consulter. Evidemment, le psychisme n’a pas envie de le revivre et il a raison. Il développe alors des stratégies d’adaptation pour « vivre avec ». Toutefois, quand le psychisme ne peut digérer ce qui s’est passé, il s’exprime autrement et principalement par le corps en développant différentes pathologies. Par exemple : des cauchemars, des troubles du sommeil, des maux de dos, de ventre, des migraines, ou encore de la fatigue, de l’anxiété, des pertes de concentration, de l’isolement, ... Si on élargit la question du trama à la question de toutes les souffrances psychiques inhérentes à la condition humaine, on peut penser que sans mots, le corps prendra toujours le relais pour s’exprimer. Le corps est un formidable outil pour sonder sa santé mentale. Bien sûr, toutes les pathologies corporelles ne s’expliquent pas par le psychisme mais nombre d’entre elles peuvent disparaître quand l’opportunité de mettre des mots sur ses souffrances devient incontournable. Quelques consultations peuvent aider à libérer des blocages anciens et à se libérer ainsi d’un poids, d’une charge qui ne permet plus d’avancer. Il conviendra alors de remercier son corps, ce merveilleux partenaire, d’avoir exprimé ce qui était indicible à un moment de son histoire.