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Conseils de psy

Y a-t-il une vie après le divorce ?

/ Par Dallaire Yvon / Problèmes de couple

Y a-t-il une vie après le divorce ?

Croyez-vous que les deuxièmes mariages aient plus de chances de réussite ? Détrompez-vous, ils ont un taux d’échec jusqu’à 25 % supérieur au premier mariage. Je passe sous silence les unions libres qui se font et se défont à un rythme de plus en plus accéléré.

Pourquoi est-ce ainsi et que peut-on faire pour qu’une première union puisse servir d’expérience positive pour la suivante afin d’augmenter les chances légitimes au bonheur conjugal ?

Les causes du divorce

D’après les sociologues et psychologues, le taux de divorce continue de grimper en Amérique, en Europe et dans tous les pays pour lesquels l’Organisation Mondiale de la Santé compilent les statistiques. De 5 % à 10 % qu’il était en 1890, il est passé à 18 % en 1920 et à 30 % en 1950. Pour les couples mariés dans les années 70, le risque de divorce s’élève maintenant à près de 50 %. On évalue les probabilités de divorce des couples mariés depuis 1990 à 67 %[i].

 

Les causes sont variées. La première tient probablement au fait que l’espérance de vie a presque doublé depuis un siècle. Comme les hommes et les femmes passent de plus en plus de temps ensemble, ils sont donc davantage confrontés à leurs différences, lesquelles deviennent de plus en plus conflictuelles au lieu de continuer d’être complémentaires, comme par le passé. La deuxième relève du domaine des illusions, la principale étant que l’« Amour » peut régler tous les problèmes. Tous ceux et celles qui se marient croient pouvoir réaliser le rêve du Prince charmant et de la Princesse qui, ayant fait deux enfants, seront heureux pour le reste de leur vie. Avez-vous déjà remarqué que les romans d’amour et les films d’amour hollywoodiens finissent toujours là où la vraie vie commence ?

 

La baisse de la pratique religieuse, la découverte de la pilule, la révolution sexuelle du mouvement hippie des années 70, le relâchement des mœurs, les lois plus permissives sur le divorce et sans coupable, la culture du Moi, la philosophie du « ici et maintenant »… sont d’autres éléments qui expliquent la fragilité des promesses faites au pied de l’autel ou devant la cour civile. On divorce aujourd’hui pour des raisons beaucoup plus égoïstes (incompatibilité de caractères, désaccord au sujet des priorités de vie, partage non-équitable des tâches…) que les raisons traditionnelles : violence, non-consommation du mariage, alcoolisme ou toxicomanies, refus de pourvoir ou infidélité. On s’engage aussi plus facilement, sachant que l’on peut divorcer plus rapidement, caractéristique de la société de consommation, du « jeter après usage ».

 

L’émancipation féminine, favorisée par une plus grande autonomie financière des femmes, semble toutefois être l’élément majeur de l’augmentation du taux de divorce : les femmes d’aujourd’hui n’acceptent plus, avec raison, de vivre des situations que leurs grands-mères n’avaient pas le choix d’endurer. Mais, lorsque l’on sait que 65 à 80 % des demandes de séparations sont faites par les femmes, on peut à juste titre se demander si l’on n’est pas allé trop loin. Les gens, hommes et femmes, divorcent parce qu’ils ne se sentent pas heureux en mariage ou parce qu’ils ne réussissent pas à se développer au plan personnel. Et les femmes, plus que les hommes, ont l’impression que les liens du mariage les transforment et les étouffent, leurs plus grandes attentes n’étant pas satisfaites.

 

D’après la sociologue française, Evelyne Sullerot[ii], féministe de la première heure et fondatrice de l’organisme Retravailler où elle a reçu plus de 500 000 femmes, dont beaucoup étaient divorcées, « Il ne faut pas oublier que ce sont les femmes, dans trois cas sur quatre, qui demandent la séparation… Et pourquoi la demandent-elles ? Diverses études montrent que la cause numéro un est le désappointement… Elles ne supportent pas le quotidien sans la romance : je m’ennuie, donc je veux refaire ma vie… ».

 

Les conséquences du divorce

Doit-on considérer le divorce comme un échec ? Tout dépend. S’il n’y a pas d’enfants, les conséquences de la séparation peuvent être mineures. Par contre, les études plus récentes sur les conséquences du divorce sur les enfants démentent l’attitude dominante depuis vingt ans à l’effet qu’un divorce « réussi » avait moins de conséquences négatives qu’une famille dirigée par un couple malheureux. Mais, à mon avis, dire qu’un divorce réussi est meilleur qu’un mauvais mariage revient à choisir entre la peste et le choléra. Les conflits parentaux entourant le divorce provoquent souvent des effets désastreux chez les enfants, dans la mesure où ceux-ci s’en sentent coupables et forcés à choisir un camp. Ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que dans un divorce, c’est le couple d’amants qui se sépare ; le couple doit continuer d’assurer la « parentalité » qui, elle, est indéniable, indissoluble, indéfectible et irréversible. Le couple de parent est lié à vie. Malheureusement, la majorité des couples divorcés entretient une lutte pour le pouvoir sur les enfants, qui deviennent trop souvent objets de chantage. Ils oublient qu’un bon parent, c’est celui qui reconnaît l’importance de l’autre parent.

 

Le choix de l’enfant est toujours d’avoir une famille stable, si possible heureuse. Il semblerait de plus en plus que le profond traumatisme vécu par l’enfant, surtout les garçons, provient de l’éviction du père. Car éviction du père il y a, si l’on se fie aux statistiques. Au Québec, en 1997, selon Statistique Canada[iii], 70 % des enfants de familles séparées étaient sous la garde exclusive de la mère, 15,2 % sous garde partagée et seulement 14,8 % sous la garde exclusive du père. Dans la majorité des cas, les pères sont relayés au rôle de simple guichet automatique. La moyenne pour les autres pays, y compris la Belgique, semble s’établir autour de 82 % de garde exclusive à la mère.

 

L’entre-deux

Les hommes se remettent en ménage dans l’année qui suit leur séparation, les femmes peuvent attendre jusqu’à cinq ans. On ne sait trop pourquoi : dépendance des hommes par rapports aux besoins de base ? Plus grandes exigences des femmes devant une deuxième union ? Chose certaine, c’est que si les personnes qui divorcent ne prennent pas le temps de faire le bilan de leur vie conjugale antérieure, n’apprivoisent pas leur sentiment de solitude et d’incomplétude, n’établissent pas de meilleurs critères de sélection du prochain partenaire et ne se débarrassent pas des fausses croyances concernant la vie à deux, ils vont immanquablement répéter le même scénario et aboutir à une deuxième séparation, sinon à une troisième. Le prochain partenaire ne sera pas le « bon » puisque j’y serai !

 

Pour minimiser les conséquences négatives du divorce sur les enfants et permettre aux ex-conjoints de tirer profit de l’échec de leur mariage, les personnes divorcées doivent souvent avoir recours à une psychothérapie. La psychothérapie conjugale peut avoir lieu avant de procéder à la médiation, ce qui parfois peut sauver le couple, ou se faire, individuellement ou en ex-couple, après la séparation. La médiation règlera les aspects juridiques, financiers et de garde des enfants ; la médiation protège les droits des trois parties impliquées (père, mère, enfants), mais responsabilise aussi les parents.

 

La psychothérapie, quant à elle, amènera les personnes à prendre conscience et à modifier les fausses croyances, les attitudes négatives et les comportements destructeurs qui ont mené à l’échec de la relation (voir mon article : Comment être malheureux en amour publié sur www.psy.be). Elle les aidera aussi à éviter que leur besoin légitime d’aimer et d’être aimé les empêche de se retrouver dans une dynamique de dépendance ou de contre-dépendance émotive avec un nouveau conjoint, dynamique constituant souvent la principale cause psychologique d’une relation amoureuse qui tourne mal, une fois la lune de miel terminée. L’objectif ultime de cette thérapie : apprendre à être bien avec soi, à devenir plus autonome afin que le prochain conjoint soit un plus dans sa vie et ne vienne pas seulement remplir un vide ou contrer la solitude envisagée comme isolement.

 

Refaire sa vie

Contrairement à la croyance, la vie existe après le divorce, et elle peut même être meilleure à la condition d’avoir pu comprendre et « réussir » son divorce, ce qui signifie clarifier votre lien avec votre ex-conjoint et développer une bonne entente. Quel paradoxe ! Ils sont drôles les psys ! Au moment où on divorce parce qu’il n’y a plus d’entente possible, ils nous disent qu’il faut nous entendre pour continuer d’évoluer, surtout sur ce qui nous divisait le plus, soit l’éducation des enfants et l’administration du budget. Pourtant cette condition, se pardonner et pardonner à son ex, est absolument nécessaire pour augmenter les chances de réussir son deuxième engagement. Même si le divorce est souvent vécu comme un véritable traumatisme, on n’en meurt pas et on peut même en tirer d’excellentes leçons de vie. Une fois les plaies pansées, on peut penser refaire sa vie.

 

Sauf que vous n’avez plus 25 ans et, probablement, que votre prochain amoureux, lui non plus, n’aura pas 25 ans et aura, lui aussi, un ex-conjoint et un ou deux enfants. Si la vie du premier couple n’était pas facile, n’imaginez pas que la vie de votre second couple sera plus facile si, en plus, vous devez composer avec l’ex et les enfants de l’autre. Évidemment, le nouvel amour pourra se construire plus facilement si ni l’un ni l’autre n’avez d’enfant, si vos divorces se sont déroulés amicalement et si vous avez su profitez d’une période de solitude pour vous enrichir de connaissances sur vous-même, l’autre sexe et la vie à deux.

 

Mais les probabilités sont fortes que vous deviez apprendre à vivre dans une « famille recomposée ». Ce ne sont plus maintenant seulement deux personnes qui vont s’unir dans un nouvel amour, ce sont deux mondes composés chacun d’un ex, d’enfants, d’une famille, d’une belle-famille, d’amis, sans parler d’un style de vie bien établi, d’un patrimoine parfois bien garni et de projets personnels et/ou professionnels en voie de réalisation. Votre nouveau conjoint n’est pas seulement un potentiel, il est aussi une histoire, histoire dans laquelle vous vous immiscer comme un nouveau chapitre dans un roman, un suspense dont vous ne soupçonnez pas tous les tenants et aboutissants.

 

Le couple et la famille recomposés

On choisit rarement le moment pour « re-tomber en amour ». Le nouvel amour peut venir trop tôt ou trop tard. Il peut venir au moment où le divorce n’est pas réellement consommé, provoquer la colère des enfants, susciter de fortes réactions chez l’ex et le nouveau conjoint qui découvre qui est votre ex, étonner votre famille et vos amis… Le couple et la famille recomposés comportent de nombreux écueils qui n’existaient pas dans le premier couple et la première famille. Même dans les cas de garde partagée et d’entente sur les valeurs éducatives, il se peut que le ou les enfants doivent faire face à des pièges néfastes pour eux ou n’acceptent pas le nouveau conjoint et qu’ils refusent de retourner chez l’autre parent. Il se peut que les enfants de votre nouveau conjoint vous rejettent ou contestent votre autorité et votre droit d’être « là ». Vous aurez à vous défaire d’anciennes habitudes pour vous en créer de nouvelles avec ce nouveau conjoint, ce qui risque de ne pas toujours être facile. Quelle seront les limites de cette nouvelle famille élargie : qui, par exemple, inviter ou exclure lors des anniversaires et des périodes de fêtes ? Comment composer avec trois ou quatre couples de parents pour l’organisation des vacances annuelles ? Comment interagir lorsque des ex, des beaux, des demis, des grands, des nouveaux se retrouvent ensembles ? À qui iront vos biens lors de votre décès ? Que deviendront ces enfants qui ont maintenant trop de parents et de grands-parents ?

 

Une fois passée la première phase de fusion remplie d’optimisme et d’espoirs, vous aurez, tout comme la première fois, a faire face à la vraie vie : perte d’illusions, éducation, tâches ménagères, budget… et de nombreux doutes sur le choix de votre deuxième conjoint. Après une période d’adaptation plus ou moins longue, plus ou moins difficile, vous aurez une dure décision à prendre : rompre à nouveau ou vous engagez définitivement, malgré toutes vos différences ; ce que vous ne pourrez faire que si vous ne vous exiger pas un changement en profondeur. Si vous décidez de consolider ce deuxième couple, vous serez alors prêt à former un nouveau « Nous » émotivement (deuxième mariage), matériellement (achat conjoint d’une maison ou autre projet financier) et familialement (pourquoi pas un nouvel enfant pour une véritable famille reconstituée et composée de frères et de sœurs et de demi-frères et demi-sœurs).

 

Les familles recomposées d’aujourd’hui sont perçues beaucoup plus négativement que les familles recomposées d’antan, surtout parce qu’elles l’étaient après un veuvage plutôt qu’après un divorce. Ces familles étaient considérées sur le même pied que les autres, alors que maintenant elles sont souvent vues comme sources de problèmes. C’est pourquoi il vous faudra encore plus d’amour, de foi, de vaillance, d’endurance, de connaissances, de moments heureux, de projets communs… non pas pour refaire votre vie, car on ne peut jamais repartir à zéro, mais pour la continuer.

 

 

(Encadrés)

 

Espérance de vie

L’espérance de vie était de 25 ans seulement au temps des cavernes ; juste le temps de se reproduire. Au Moyen Âge, elle atteignait 35 ans ; ce qui nous donnait un peu de temps pour faire autre chose. En 1900, l’espérance de vie des femmes était de 51 ans et de 47 ans pour les hommes. Au moment où j’écris ces lignes, il y a plus de centenaires vivants que dans toute l’histoire de l’Humanité et notre espérance de vie moyenne tourne autour de 80 ans. Les biologistes nous prédisent une durée de vie de 120 à la fin du prochain siècle.

 

Conséquences négatives du divorce

Des études récentes démontrent de plus en plus de liens entre le divorce et les situations problématiques suivantes :

- Augmentation des familles monoparentales dirigées par les femmes

- Processus de déliaison entre les enfants et le père

- Attitude ambivalente des enfants envers leurs parents

- Les adolescents collent à la maison de leur mère

- Peur de l’engagement marital

- Taux de divorce plus élevé chez les enfants de parents divorcés

- La délinquance et le décrochage scolaire, particulièrement chez les garçons

- Problèmes socio-affectifs, alcoolisme, toxicomanies, vagabondage et suicide

- Les adolescents restent d’éternels adolescent croyant que tout leur est dû

- Le phénomène des enfants et des adolescents tueurs

- Augmentation de la violence conjugale

 

 

Pièges néfastes pour l’enfant

L’enfant messager : « Tu diras à ton père de payer sa pension. »

L’enfant espion : « Avec qui ta mère est-elle sortie ? »

L’enfant témoin : « Tu as vu ce que ton père m’a fait ? »

L’enfant béquille : « Je ne sais pas ce que je ferais sans toi ! »

L’enfant bouc émissaire : « C’est de ta faute si je ne peux pas garder de blonde. »

L’enfant adulte : « C’est toi l’homme (ou la femme) de la maison maintenant. »

L’enfant monnaie d’échange : « En garde partagée, je ne paie pas de pension. »

L’enfant confident : « Si tu savais comme je suis malheureuse. »

L’enfant otage : « Tu n’iras plus chez ton père si « l’autre » est encore là. »

(Tiré et adapté du livre de Gisèle Larouche, Du nouvel amour à la famille recomposée, Éd. De l’Homme, Montréal, 2001. Lecture fortement conseillée.)

 

[i] Statistiques rapportées par Daniel Goleman, L’intelligence émotionnelle. Comment transformer ses émotions en intelligence. Ed. Robert Laffont, 1997, p.169.

[ii] Entrevue accordée à Renata Libal du magazine L’Hebdo, #39, 25 septembre 1997.

 

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Yvon Dallaire vient de publier un 4e livre intitulé Homme et fier de l’être, disponible partout. Il exerce en pratique privée au Centre Psycho-Corporel de Québec et offre des conférences au Québec et en Europe, sur demande : info@optionsante.com ou visiter son site : www.optionsante.com

 

 

 

 

Dallaire Yvon -  Psychologue

Dallaire Yvon

515-1495, Ave Roger-Lemelin - G1S 4E2 Québec
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