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Je devais caresser mon père.

/ Par info psy.be / Mal-être

Je devais caresser mon père.

Un jour, ce qui devait arriver arriva, des photos oubliées dans une armoire révélèrent à son conjoint cette double vie qui la rongeait. Ce fut comme un verrou qui sautait, libérant la pression accumulée depuis tant d’années, qui tel un torrent de lave expulsa avec elle les souvenirs répugnants d’une enfance brisée.

Les parents d'Aline se trompaient l’un l’autre et se disputaient haut et fort, avec comme seul témoin cette petite fille unique qui aurait donné ciel et terre pour que cela s’arrête. Lorsqu’ils se séparèrent dans un déferlement de haine, elle tâcha de survivre à cet écartèlement, sage et protectrice avec sa mère qui virait doucement vers la folie, sérieuse et complice avec son père qui multipliait les conquêtes d’un soir et buvait avec ses compagnons d’infortune, qui ne manquaient pas de « reluquer la gamine ». Dans cet enfer, son père créa un oasis de tendresse mielleuse, havre de paix où elle le retrouvait pour elle seule et où il l’éveilla aux plaisirs des sens, des siens surtout. Pour lui montrer « combien il l’aimait », il la caressait, lui montrait les recoins secrets de son tout jeune corps et le plaisir qu’elle pouvait en tirer, et puis en échange, elle pouvait le caresser, caresser cette chose qui sous sa menotte de 7 ans se raidissait étrangement et se déversait dans un soupir de bonheur. Aline voyait bien qu’elle rendait son père très heureux. Il le lui disait d’ailleurs, c’était « leur petit secret », rien qu’à eux deux, comme un privilège. Aline ne pouvait pas en parler, bien-sûr, et  bien qu’infiniment mal à l’aise, elle sentait qu’elle y prenait un certain plaisir.

C’était mal et c’était bon à la fois. Autant enfermer tout ça au plus profond de soi, éviter le regard des hommes, ce regard qui déshabille, qui désire, ce regard qu’elle connaissait si bien chez son père et ses amis de beuverie…

Aline grandit et à 20 ans, elle décide courageusement de se débarrasser de ses souvenirs gluants et affronte son père, pour lui rendre la responsabilité de ce passé qui l’obsède. Offusqué, il nie en bloc, la belle-mère furieuse la traite de folle, de lubrique, de perverse et la jette à la rue. Elle est seule, elle hurle à l’intérieur, enfant doublement blessée…

Pour éviter l’abandon, la honte, la culpabilité et la solitude et retrouver doucement des liens sages avec son père, elle pardonne. Pour y arriver, elle minimise « ces quelques attouchements » dont elle ne parlera plus, lui trouve excuses et circonstances atténuantes et renoue avec sa belle-mère pour éviter la rupture du couple qui lui mettrait son père « sur les bras ».

Et la voilà prisonnière d’un scénario pervers qu’elle reproduira sans conscience, trompant l’homme qu’elle aime et qui la comprend comme un frère, son refuge de douceur et de respect, avec un autre qui a autorité sur elle et qui la baise tendrement, passionnément, clandestinement…

Aline, comme tous les enfants abusés sexuellement par un membre de la famille, devra passer par l’émergence douloureuse d’une pensée lucide, qui reconnaît la perversité de son père, (il peut aussi s’agir d’un beau-père, d’un grand-père, d’un oncle, d’un grand frère, etc, et même d’une mère !), une prise de conscience qui rendra à son père la responsabilité entière de ces actes inacceptables, même si adulte elle peut en comprendre la genèse qui parfois, on le sait, traverse les générations. Il n’est pas l’heure, Aline, d’expliquer les comportements de ton père, il ne devait pas faire ça. Même si aujourd’hui, ce n’est plus qu’un vieillard pathétique et inoffensif, il t’a maltraitée, manipulée, mal aimée, utilisée, il a gâché ton enfance, t’a humiliée, culpabilisée, meurtrie et tu n’en es pas responsable. Tu n’étais qu’une petite fille qui essayait de survivre, tu ne pouvais sans doute que te taire et laisser faire…

Il ne pouvait pas transgresser les lois naturelles et sociales qui interdisent non seulement l’inceste, c-à-d le rapprochement sexuel entre individus apparentés, mais aussi la pédophilie, les deux formant ensemble un piège dont l’enfant est totalement incapable de se défaire, puisque son agresseur est aussi son père, qu’il a donc autorité sur lui, pourvoit à sa subsistance et à sa sécurité, et peut se montrer gentil et tendre.

Chaque enfant abusé, maltraité, violé dans son âme et dans son corps doit savoir que, même s’il s’est senti complice, collaborant et parfois même heureux de ces rapprochements pervers -  qui, il faut le dire, se passent le plus souvent sans violence, sans devoir forcer l’enfant, ce qui explique sa culpabilité – chaque enfant abusé a le droit à cette reconnaissance de son innocence d’alors, même des dizaines d’années après. C’est en passant par le dur chemin de la lucidité, de la déconstruction des scénarios qui minimisent et pardonnent, c’est en rendant à qui de droit la responsabilité entière de ces transgressions ignobles, que pourra s’arrêter la répétition des scénarios de souffrance et se construire une vie amoureuse et sexuelle nettement plus saine.

Il faut oser sortir du silence, affronter les souvenirs nauséabonds qui remontent, courageusement regarder ce passé refoulé et pour se faire, l’aide d’un professionnel compétent est bien souvent indispensable, et d’autant plus quand la parole de la victime ne rencontre que portes de bois et dénégations.

Marie Andersen

info psy.be -  Psychologue, Psychologue clinicien(ne), Psychothérapeute, Coach, Sexologue, Praticien(ne) bien-être

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