Catherine, vous êtes Docteur en science et psychanalyste, qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
Tout est parti de mon vécu de jeune maman ( il y a bien longtemps:-). J'étais vraiment dans cet élan de cajoler mes tout jeunes enfants, de les entourer et les accueillir et pourtant je me sentais tellement limitée dans ma tendresse. C'était un pan de moi, je le savais, mais il restait étriqué, limité et « convenable ».
J'ai rencontré la psychanalyse corporelle qui a levé le voile de mes impossibles affectifs.
J'ai toujours été passionnée par la transmission familiale. Peut-être est-ce lié à ma fonction de professeur de génétique. Formatrice en psychanalyse corporelle et secrétaire de l'Institut Français de Psychanalyse Corporelle, j'ai longuement été plongée dans les comptes rendus de séance que nous collectons depuis plus de 40 ans.
J'étais en plein coeur de toutes ces souffrances humaines liées au passé qui révélaient autant d'indices et d'éléments concrets d'une transmission familiale dans les comportements récurrents d'échec.
Plus je creusais, plus j'étais devant la richesse de cette approche corporelle pour accéder à l'histoire et j'avais besoin de partager ces années de recherche et d'accompagnement.
Plus je me rencontrais moi-même dans cette recherche, plus j'avançais dans la contemplation de l'humain encore.
Je voulais que cela ouvre des pistes pour d'autres au-delà de moi-même.
Quels sont les principaux messages de votre livre ?
Tout d'abord j'ai posé le cadre précis des principaux courants et études du transgénérationnel depuis Freud en passant par Dumas, Abraham, Török, Tisseron, Lebovici et d'autres comme Jodorowsky, schützenberger, hellinger ou Clavier. Ces psychanalystes ont balisé une nouvelle approche sur la quête de sens de la misère humaine, celle de l'héritage transgénérationnel.
Bien sûr j'ai largement présenté les principes de la psychanalyse corporelle et le détail des étapes corporelles de cette technique qui permet un revécu concret d'événements du passé structurant la personnalité.
J'y souligne surtout trois éléments centraux de l'accompagnement par la psychanalyse corporelle :
D'abord, l'élément incontournable est la réconciliation avec notre histoire et les protagonistes de nos traumatismes de l'enfance... En psychanalyse corporelle, le corps atteint un tel niveau de reve?cu qu’il permet un apaisement en profondeur de ces éléments douloureux de notre vie en éclairant les circonstances et le sens de cette construction.
Deuxièmement, connaître son passé dans la contruction la plus intime de la personnalité permet de se mettre en paix avec nos fonctionnements d'échec dans notre vie courante. Autrement dit, connaître son passé n'a de sens que pour travailler cette réappropriation de l'histoire dans une amélioration du quotidien. L'objectif est de se re-connaître et se mettre en paix au présent. Nous accompagnons l'amélioration de vie par cette connaissance de nos mécanismes subconscients.
Troisièmement, les racines transgénérationnelles de nos comportements donnent systématiquement accès à notre place familiale – au mandat transgénérationnel comme dirait Serge Lebovici – pour nous mener au dépassement de l'histoire, à notre vraie place sur terre. Notre histoire prend sens par la conscience de la construction d'une personne unique avec un challenge de vie à relever pour soi, mais aussi pour l'épanouissement de l'humain.
Je me sens à la croisée des chemins entre la génétique, la physique quantique et la psychanalyse : là où l'observateur par le simple fait de son intention d'expérience impacte l'expérience elle-même et crée sa propre destinée !
Quel aspect vous fascine le plus dans votre recherche ?
Le plus fascinant c'est le corps ! Dans le lâcher prise il ne peut que revivre les éléments concrets de notre histoire. Il ne ment jamais et nous emmène dans un revécu sans commentaire. C'est à travers huit niveaux de confidence du corps que peu a peu se vit cette rencontre avec 4 traumatismes constructeurs de la personnalité ( la naissance, puis 3 moments clés dans la petite enfance, dans l'enfance et l'adolescence).
Pas à pas il nous livre les pièces du puzzle des instants les plus impactants dans l'apprentissage du petit enfant jusqu'à l'adolescence. En cela il est aussi notre allié le plus fiables car il livre ces éléments au fur et à mesure du travail d'intégration au quotidien. Il est dès lors le garant de notre stabilité psychique.
D'autre part lorsque nous parlons de la réappropriation des facettes de l'enfant il est un atout majeur car le revécu sans commentaire et concret des modalités d'être de l'enfant va faciliter le travail du présent. Imaginez vous l'importance de cette particularité de connecter et ressentir librement l'enfant lorsque l'adulte est piégé dans le clivage ou le déni de l'histoire. Dans tous les cas de figure, l'enfant pour adopter les modalités familiales a dû renoncer à une telle part de lui-même qu'il a frôlé la déraison. Il a alors enfoui et détruit en lui l'accès à cette part.
Avoir connecté concrètement la vraie nature de l'enfant par le corps permettra dès lors plus facilement d'accéder à de nouvelles solutions face aux schémas répétitifs du quotidien.
A qui s'adresse la psychanalyse corporelle?
La psychanalyse corporelle s'adresse à toute personne qui cherche à mettre du sens sur ses comportements insatisfaisants ou répétitifs pour améliorer son existence.
Elle s'adresse aussi à tous ceux qui souhaitent rencontrer leur vie intérieure pour se réconcilier avec eux-mêmes avec leurs parents et avec leur histoire familiale.
La psychanalyse corporelle s'adresse néanmoins à des personnes en bonne santé physique et psychique de par le principe de mise en mouvement de la technique corporelle et à son implication dans ses aspects émotionnels.
Chaque cas s'envisage évidemment avant la cure psychanalytique.
Vous posez aussi un autre point de vue sur l'accompagnement quel est-il ?
Je pense effectivement qu'après une recherche de mise en sens, d'apaisement de l'histoire et du quotidien, l'accompagnement doit aider chacun a rencontrer un sens personnel tourné vers le futur, vers la place identitaire dans des perspectives de service.
Appelez cela un sens spirituel ou humanitaire, peu importe, mais cela aiderait tout un chacun à mieux vivre les temps « modernes » où les sociétés invitent de moins en moins l'individu à vivre relié à l'autre, où chacun subit l'indifférence et l'isolement.
Il est grand temps de remplacer la pression sociale de performance et de l'avoir par une réalisation de soi par la conscience et le service. Pour cela vivre en conscience relié à son histoire apaisée et avec sa mission de vie à l'horizon serait gage d'épanouissement et d'harmonie dans le tissu sociétal.
Catherine Berte est Docteur en sciences et professeur de génétique.
Après 15 années de recherche fondamentale en biologie moléculaire à L’ULB couplée à l’enseignement de la génétique et de la biochimie à L’ULB, au CUNIC et en haute école, elle réoriente son parcours en se formant pendant 5 ans à la psychanalyse corporelle. Aujourd’hui son expertise de plus de 20 ans en psychanalyse corporelle l’amène à créer sa propre forme d’accompagnement par le corps pour tous ceux qui souhaitent mettre du sens sur leurs fonctionnements répétitifs et se libérer des scénarios d’échec ou d’emprise hérités du transgénérationnel.