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Conseils de psy

Les étapes psychologiques de la traversée du confinement

/ Par Dimitri Haikin / Covid-19

Les étapes psychologiques de la traversée du confinement

Psychologiquement, l’épreuve du confinement aura marqué considérablement tout un chacun. Un long processus, individuel avec de nombreux bouleversements émotionnels. 

 

Le 17 mars 2020*

Etape 1 : La phase de survie. Nous apprenons le début des mesures de confinement en Belgique. Celles-ci impliquent une restriction drastique de nos libertés individuelles et un éclatement de nos repères structurels. Nous sommes bombardés d’informations en continu, souvent contradictoires qui ne font qu’alimenter un vent de panique et nous plongent dans un mode « survie ». 

 

Sur le plan émotionnel, l’on constate une montée en flèche de l’anxiété (peur d’anticipation), de la frustration, de la colère et même parfois d’un sentiment de désespoir de voir s’effondrer tout ce que l’on a construit pendant des années. 

 

C’est la pagaille généralisée, la ruée désordonnée vers les stocks de papier WC, les bagarres dans les supermarchés pour arracher un paquet de farine. Le Président Macron lache explicitement lors de son allocution télévisée : « nous sommes en guerre ». La pression est maximale et il convient de gérer dans l’urgence l’occupation de nos enfants, la promiscuité conjugale et familiale. Nous sommes impuissants et sidérés par la déconstruction brutale de nos modes de vie.

 

Le 31 mars 2020*

Etape 2 : la phase de sécurisation. Nous commençons, chacun à asseoir de nouveaux modes de fonctionnement et à restructurer l’organisation de notre quotidien. Ainsi naissent de nouveaux repères qui nous permettent de sortir progressivement du mode de survie et de répondre à notre besoin de nous sentir à nouveau, en sécurité. « Restez chez vous », nous martèle-t-on.  Chacun à sa manière, reconstruit ses nouveaux repères et fixe ses propres objectifs pour mieux gérer son espace-temps. C’est l’heure du rangement des placards, du grenier, du jogging quotidien. 

 

Nous trouvons de meilleurs équilibres pour occuper nos enfants entre ses besoins d’apprentissages scolaires et ses moments de loisirs. Nous nous adaptons progressivement à la réalité du télétravail et les étudiants suivent les cours à distance.

 

Nous installons des rituels qui nous structurent et nous rassurent : notre cours de gym ou de yoga matinal, les applaudissements des soignants à 20h, l’apéro virtuel, la vidéoconférence avec nos parents et nos proches.

 

Chacun tente de faciliter l’organisation du quotidien : on fait ses courses en lignes plutôt qu’en supermarché, on privilégie l’achat de produits locaux de qualité pour mieux se nourrir, on ressort les machines à coudre des placards et on confectionne des masques pour soi, pour ses proches ou pour aider à plus large échelle.

 

Au niveau émotionnel, un belge sur deux** – il s’agit de ma lecture interprétative et subjective en écoutant les gens – s’apaise progressivement, se stabilise et même parfois ressentent un effet d’aubaine psychologique lié au confinement. Pendant ce temps, l’autre moitié de la population, plus fragile psychologiquement à la base continue à s’engouffrer dans un profond mal-être émotionnel. L’anxieux de base devient hyper-anxieux, l’impulsif de base devient agressif et le déprimé de base devient dépressif. 

Ceux qui ne supportent pas devoir répondre d’une autorité, quelle qu’elle soit continuent à braver les interdits et les amendes pleuvent.

 

La communication politique reste chaotique et souvent contradictoire. Des émeutes éclatent. Le beau temps pousse certains à marchander avec les nouvelles règles édictées. La gestion à géométrie plus que variable d’un pays à l’autre ne facilite pas la compréhension des mesures politiques mais la grande majorité des belges est respectueuse de celles-ci au nom du bien commun : la santé.

 

Le 14 avril 2020*

Etape 3 : Nous rentrons dans une phase d’habituation. Cette date marque la fin des vacances de Pâques. Nos vies sont de plus en plus structurées et nous démontrons que nous avons d’importantes capacités d’adaptation. Nous gagnons en efficacité et arrivons de mieux en mieux à clarifier nos vies professionnelles et personnelles.

Nous observons avec plus de distance émotionnelle les nouveaux enjeux sociétaux et prenons conscience que beaucoup de choses ne seront plus jamais comme avant…

Et si le Coronavirus était une opportunité pour réinventer le quotidien ? C’était mon premier article en lien avec le COVID-19, il date du 13 mars 2020.

 

Cet éveil des consciences, est, me semble-t-il de bon augure pour repenser nos modes de vie et nous recentrer sur notre essentiel.

 

Nous avons tous constaté d’énormes élans de solidarité. Oui, l’être humain a d’énormes capacités d’altruisme.

 

Sur le plan émotionnel, le besoin de serrer ses proches et ses amis dans les bras se fait de plus en plus long… Nous avons le besoin physique de nous toucher, de nous sentir proche pour déclencher l’ocytocine, cette merveilleuse hormone de l’attachement qui remplit nos cœurs d’amour et de joie.

 

Nous continuons à flancher cependant suite aux annonces quotidiennes du nombre des décès en Belgique et le manque de prévoyance à l’égard de la sécurité de nos aînés et des soignants dans les maisons de repos.

Voir que la Belgique occupe le wagon de tête du nombre de morts par millions d’habitants dans le monde est une information difficile à avaler. De même, la cacophonie autour de la réouverture des visites dans les maisons de repos donne le sentiment d’un manque de maîtrise de la part de nos gestionnaires politiques. Sur ce point, je continue à penser qu’avec un maximum de mesures sanitaires : sas extérieur, tests, port obligatoire du masque, il s’agissait d’une mesure politiquement courageuse et qui répond au risques accrus de syndromes de glissements chez les personnes âgées, en peine de besoin de reliance et plongées dans un isolement affectif devenu insupportable.

 

A venir… “Soon as possible” 

Etape 4 : le déconfinement progressif de notre société entrainera un double sentiment : celui d’une "liberté d’être" retrouvée pour ceux qui en bénéficieront et celui d’un prolongement de peine, injuste, pour les autres.

 

Nous allons apprendre à vivre avec de nouveaux codes : le respect de files structurées dans tous les commerces et lieux publiques, le port obligatoire du masque dans les lieux où la distanciation physique n’est pas garantie, des réunions à distance et en petits comités, etc.

 

Émotionnellement, cette phase apportera majoritairement du soulagement lié à la réappropriation de nos libertés et l’espoir d’un renouveau sociétal.

 

Elle engendrera aussi malheureusement un lot impitoyable de faillites si l’état n’agit pas efficacement pour aider les secteurs les plus défavorisés. Il y en a trop que pour pouvoir les citer.

 

Plus tard encore, en 2021…

Etape 5 : Ce sera l’étape de la résilience : la reconstruction profonde après la traversée des épreuves. Une transformation de nos manières de vivre, de nouveaux choix. Des réflexions politiques, des relocalisations de l’industrie et qui sait…de nouvelles décisions pour éviter une crise encore bien plus conséquente : celle de l’environnement.

 

*Les dates sont bien évidemment approximatives.

 

**C’est un raccourci bien sûr un peu caricatural mais qui correspond à l’observation de l’évolution émotionnelle de nombreux patients.