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Anne Delvaux, 35 ans, savoure la vie !

Anne Delvaux, 35 ans, savoure la vie !

Votre enfance, Anne, c'était avec un père absent ?
On a tous notre jardin secret, une enfance particulière. Nous avons tous notre parcours, c'est difficile de dire belle ou pas belle, je dirai que c'est une enfance sans père, avec une mère et un frère dans des conditions pas toujours faciles. On n'a pas été gâtés par la vie au départ… On a grandi dans un building, dans une cité. Quand on est petit, cela paraît difficile parce qu'on a l'impression d'être les seuls à vivre cette situation. En grandissant, c'est une force. J'en parle plus facilement aujourd'hui en me disant que je ne serais pas ce que je suis si je n'avais connu ces choses-là.

L'absence d'un père renforce la volonté de se battre. La petite Anne a souffert ?
J'ai eu la chance que ma maman ait joué le rôle de celui qui n'était pas là. A ce moment-là on se dit: Moi petite fille, je ne peux pas me vanter d'avoir un père extraordinaire, on se sent vraiment très différente… Je me souviens qu'un jour, adolescente, j'ai vu le film « Mon père, ce héros », j'ai pleuré toute la soirée me disant: « C'est pas juste ! »… Et puis la vie passe, un jour chasse un autre, on se fait aux choses. Et même si on a des blessures, la vie est extraordinaire… J'ai un frère jumeau. On a tout vécu ensemble et tout partagé… Nos grands-parents nous ont énormément encadrés.

Vous avez eu l'occasion de revoir votre père ?
Non, il est décédé il y quelques années. La dernière fois que je l'ai vu, j'avais 8 ans.

Vous avez la rage au ventre ?
Je me rends compte que l'on a différentes perceptions de la vie avec l'âge… Maintenant à 35 ans, je ne me suis jamais aussi bien sentie dans la peau d'Anne Delvaux. Il y a une certaine connaissance des choses même si, comme dit Gabin, on ne sait jamais. D'ailleurs, je me demande ce que j'en penserai dans dix ans. J'ai comme un peu de regrets. J'aurais peut être dû faire un pas vers lui, mais la cassure ou la rupture était volontaire de sa part… La rancoeur laisse davantage la place à la réflexion.

Beaucoup de fragilité ?
Une petite fille timide, assez fragile justement à cause de tout ça. Toujours l'impression que, là où elle allait sans sa maman, elle allait être abandonnée. Plutôt au fond de la classe, qui ne disait rien, qui essayait d'être la meilleure élève possible mais qui s'effaçait. Je n'aimais pas l'école, trop difficile de se faire sa place. C'était un sentiment d'insécurité permanente, rien ni personne à qui me raccrocher, quelqu'un en qui avoir confiance. Et puis adolescente, j'ai commencé à faire entendre ma voix, à oser dire les choses, à oser exister… Une très lente évolution. Quand je vois mon parcours, je n'arrive pas à comprendre, à rapprocher la petite de la grande Anne Delvaux… Un grand écart entre cette timidité maladive et ces 400.000 personnes qui me regardent à chaque JT, qui me reconnaissent dans la rue. J'en suis touchée d'ailleurs. C'est peut être toujours la petite Anne qui a besoin de signe de reconnaissance.

Intéressante cette situation… Une espèce de revanche ? Quand je serai grande, vous allez voir ce que vous allez voir ?
Pas une revanche, mais me prouver à moi-même que je valais quelque chose. Cette petite fille qui n'a pas grandi dans les yeux de son père, n'a jamais pu être sûre d'elle, jamais. Toujours eu l'impression d'être un vilain petit canard. C'est peut être cela la quête, la reconnaissance, le besoin de vivre par les yeux des autres. Il me manquait des regards sur moi quand j'étais petite. Je pense que tout est dans l'enfance, dans ce qu'on a vécu…

L'amitié selon Anne Delvaux ?
Chez moi tout est basé sur la confiance, tout est lié: confiance, amitié, altruisme… L'amitié c'est une autre notion de l'amour, c'est quelque chose qui nous rapproche tellement fort des autres. Pour moi c'est aussi fort que l'amour, c'est indéfectible. C'est hyper important.

La trahison en amitié ?
Se dire : Non pas elle, pas lui ! Ca m'est arrivé plusieurs fois. Je ne reviens jamais en arrière, je ne pardonne pas jamais, jamais. Cette rigueur est peut être due à mon histoire. C'est plus fort que moi, ça m'anime vraiment de sentiments très forts. Une personne en particulier, qui était une amie, que je défendais face aux regards très critiques des autres, quelqu'un en qui j'avais énormément confiance mais qui me poignardait le dos tourné… C'est pour moi intolérable… La vraie amitié c'est un sentiment de joie immense tant la confiance n'est pas facile à instaurer…

Et l'amour ?
C'est une raison de vivre. Je vis pleinement l'amour avec mon mari. C'est extraordinaire tous les jours et ça ne faiblit pas. Je ne crois pas au coup de foudre… C'est quelqu'un que je connaissais depuis longtemps, je pense que ce n'était pas la bonne période pour se rencontrer et qu'à un moment on était prêt.

Et le journalisme ?
Je faisais des études politiques, économiques et sociales. Je ne savais pas trop quoi faire. En 2ème candi, certains profs m'ont mise sur la voie. Je me suis prise au jeu, j'trouvais ça sympa ! Que sympa ! Et finalement plus j'ai découvert le journalisme, plus j'ai aimé. Mais pas le journalisme tel qu'on le conçoit actuellement. Malheureusement, je trouve que les vrais journalistes commencent de plus en plus à manquer, désolée pour la profession ! Le vrai journalisme d'investigation, le vrai journaliste avec un sens critique avec une envie aiguë de débusquer l'information, de la chercher, de ne pas se contenter des paravents. Ce vrai journalisme là me plaisait, avec ce souci de dire la vérité… Faire savoir la vérité, dire les vraies choses, faire découvrir le monde, c'est extraordinaire…

Quelles furent les étapes difficiles ou joyeuses de la vie d'Anne Delvaux ?
L'enfance avec ses douleurs. L'adolescence fut un peu critique parce que c'est à ce moment là qu'on comprend mieux l'impact de son enfance sur sa vie. Un peu plus révoltée, je l'étais… Quitte à partir de la maison pendant 15 jours sans donner de nouvelles… Mais surtout la joie d'être engagée rapidement après mes études. Commencer tout de suite à pouvoir travailler à « Cartes sur table ». Mettre beaucoup de mon âme dans ces dossiers à défendre… Un peu comme Zorro me sentir utile, encore une espèce de besoin de reconnaissance.
Je garde de ces périodes de ma vie une envie d'aller de l'avant avec les facettes de ma personnalité.

C'est à dire ?
Capricieuse et difficile ! Ce sont mes traits de caractère, je suis entière ! Quand je n'aime pas, je le dis. Je suis vraie, je dis ce que je pense. J'apprécie pas, je m'en vais.

Ca va ? Vous aimez ? On continue ?
(Rires...) Oui! Je ne suis pas un ange. On ne donne qu'une image de soi. Il y a quand même une femme de caractère derrière l'image.

Justement l'image, son importance ?
C'est fou le poids de l'image ! Ca va très loin, les téléspectateurs ont presque l'impression que je leur appartiens. Si j'ai l'air un peu fatiguée, ils m'envoient un mail pour me dire de prendre des vitamines et même le nom des vitamines… Ils me maternent. Je trouve ça très touchant. Evidemment, il y a des limites et elles ne sont pas souvent franchies. Mon changement de coloration de cheveux a passionné les foules (rires), je m'attendais à un léger effet de surprise, qui n'était pas recherché… C'est mon côté entier: un jour j'ai décidé de changer de couleur de cheveux et je l'ai fait ! Ca fait plaisir ces réactions parce que c'est la preuve qu'on est suivie, aimée par le public avec une fidélité exaltée. Les Belges sont très gentils, très polis. Ils me reconnaissent et passent leur chemin… C'est plutôt sympa.

Je suis certain que vous recevez des lettres d'amour ?
Oui, mais je les éconduis ou je n'y réponds pas lorsqu'elles sont trop enflammées… On parlait d'amitié: j'ai une personne de 80 ans qui m'écrit régulièrement. Ce n'est pas une lettre d'amour. Il me parle de sa vie, de ses autruches (rires), il a une écriture tellement jolie que je le lis, lui réponds. On s'envoie des cartes de vœux, c'est mignon…

Anne se regarde ?
Je n'arrive toujours pas à me regarder. Je crois savoir une chose aujourd'hui : je suis moi même. Au début lorsque je présentais, je rentrais dans un costume trop lisse, je n'étais pas moi-même. C'était presque un rôle. Je devais trouver mes marques. Je pense être authentique.

Anne, cassante ?
Oui parce que je suis animée par la justice. Je traque vraiment l'injustice par la perfection dans le travail C'est parfois difficile pour ceux qui m'entourent…

Anne et ses animaux ?
4 chats et un chien : Valentin, Zazie, Alma, Ciboulette et Bonaparte… De la société de protection animale ou de la rue. Toujours Zorro : Eux, c'est peut être moi quand j'étais petite: Je les sauve. A chaque fois je craque même pour un chat très mal en point, tout abîmé, derrière une cage. Si j'en trouve un dans la rue, je le ramène… Déjà petite, j'avais une espèce de sensibilité pour la vie, tout ce qui vit. Je vais vous faire sourire: Quand il avait plu, en allant à l'école, je marchais de telle sorte à éviter les petits vers de terre. J'arrivais en retard à l'école… Et oui ! Je savoure ma vie. Je trouve que le monde est bien fait. C'est beau de voir la montagne, la mer. Devant la nature, je me sens toute petite, émerveillée. J'ai soif de vivre de belles choses, de profiter de la vie. J'ai tellement peur qu'elle s'arrête. Pas tout de suite svp, je suis tellement curieuse de tout !

Anne Delvaux, ni regrets ni remords ?
On peut toujours se dire qu'on aurait pu mieux faire les choses. La vie m'a parfois réservé des surprises et je l'en remercie. Je devais certainement vivre cela pour être ce que je suis aujourd'hui. Je me sens plus forte. J'aurais pu devenir une petite fille superficielle, égoïste, vivre dans mon monde. Je n'ai pas vécu ça et j'en suis franchement heureuse. Parfois on me dit : Ce soir tu étais très belle. Je préfèrerais qu'on me dise : tu as bien fait ton boulot. Tu nous as très bien sensibilisés à cette cause, à cette problématique.

L'après JT ?
On n'est jamais longtemps présentateur. Je retournerai sur mes terres de prédilection parce que je suis fortement attirée par les problématiques du Sud quel que soit le continent. Ce qui est extraordinaire dans mon métier c'est qu'on apprend aux gens et qu'on apprend soi-même aux contacts des autres. J'ai hâte de découvrir d'autres pays, d'autres peuples.
J'aime l'Afrique et son hospitalité !

Que diriez-vous à celui ou à celle qui vient de vous lire ?
Que ceux qui se sont reconnus dans mes joies et mes souffrances se sentent moins seuls. Partager ses émotions, c'est peut-être aider quelqu'un à se reconnaître ! Etre utile !

Serge Vanhaelewyn