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Chantal Goya : ni regrets, ni remords. La vie est cadeau !

Chantal Goya : ni regrets, ni remords. La vie est cadeau !

Entre rêve et réalité, entre émotion et sourire, Chantal Goya se balade dans la vie comme dans une histoire. Elle en connaît son début et ses rebondissements mais préfère croire à une histoire sans fin.
Cassée par la critique, démolie par certains media, Chantal poursuit sa route. Tel le petit poucet, elle sème ses cailloux sur le chemin de notre enfance et fait se retrouver, au détour d’un spectacle, des générations de spectateurs heureux et fidèles.
Sa galerie de personnages nous emmène visiter un monde d’innocence et de doux rêves : Mickey, le lapin, Bécassine, Guignol, Félix le chat…Les sublimes costumes et les décors grandioses construisent notre imaginaire.

En trente cinq ans de carrière dont plus de vingt-cinq consacrés aux enfants, Chantal Goya a vendu plus de trente et un millions de disques et réuni près de cinq millions de spectateurs !
Pour www.psy.be, elle passe en revue des moments forts de sa vie. Un entretien fait de sincérité et de simplicité à l’image de la femme (Chantal Deguerre) et de l’artiste (Chantal Goya).

Parlez-nous de votre enfance. Où et comment s’est-elle déroulée?
Je suis née au Vietnam (10 juin 1942). Là-bas, mon papa et ma maman travaillaient dans une plantation de caoutchouc au milieu de 30.000 hectares. Souvent, j’étais toute seule avec une nounou chinoise qui s’occupait de moi. C’était une enfance très simple, très proche de la nature. On allait de temps en temps à Saïgon. Maman me racontait qu’il y avait quelqu’un qui m’aimait beaucoup : une belle dame habitant un grand hôtel, elle me prenait sur ses genoux, me câlinait. C’était Marguerite Duras.
Je n’ai pas eu une enfance compliquée. Je n’avais pas beaucoup de besoins. J’étais heureuse comme cela, une petite fille toujours très joyeuse. J’y suis restée trois ans. Après, les moments difficiles sont arrivés. Ce fut la guerre. Toute la famille sera obligée de quitter le pays. Elle traversera, sur des bateaux de fortune parfois, la Mer de Chine, le golf de Thaïlande puis la Méditerranée via le canal de Suez.

Durant ces années de vie asiatique, j’imagine une petite Chantal heureuse dans une nature pleine de rencontres et de surprises. Assam, votre nourrice, vous raconte les histoires et les légendes de son pays. Vous, vous souriez, épanouie et positive. Suis-je loin de la réalité ?
C’est tout à fait exact. Quand un enfant est élevé par quelqu’un d’autre que sa maman, j’ai l’impression qu’il ressent moins les sentiments d’angoisse ou de tristesse qu’une mère pourrait reporter. Ma nounou avait beaucoup de sagesse, de philosophie et beaucoup de recul par rapport au monde extérieur. Elle a dû certainement m’inculquer cette vision de la vie.
Je n’avais peur de rien. L’insouciance a bercé mon enfance. Un jour, j’ai essayé de jouer avec une espèce de chose qui bougeait devant moi. C’était un serpent à sonnette. Il aurait pu me mordre. Moi, je le trouvais joli, drôle. Heureusement, tous les vietnamiens qui étaient dans la plantation lui ont sauté sur la tête pour le tuer sinon c’était moi qui mourais !
Je n’étais pas dans le genre «  petite fille empotée ». A un an, je parlais déjà très bien (presque tout), je marchais à 9 mois, j’étais déjà hyper délurée !

Vous arrivez à Marseille. La famille rejoint Toulon puis enfin Paris au terme d’un voyage digne des plus belles épopées. Quelles images gardez-vous de cette séparation géographique et sentimentale ?
Je me souviens d’un grand bateau, de ma nounou. J’avais beau être dans les bras de ma mère, ce n’était pas elle que je voulais. Assam est partie au milieu des vietnamiens. Je pleurais de tout mon cœur. Je ne l’ai jamais revue et la seule chose qui va me rester de cela, c’est que je n’aime pas être seule. Cet « abandon » m’a marqué et demeure en moi comme une frayeur. Il y a eu cette cassure. Beaucoup de choses s’effacent dans ma tête. Je ne vis pas avec mes souvenirs. Je n’ai pas éduqué ma mémoire à creuser dans le passé. C’est le contraire. Je suis en train de faire des projets plutôt que de regarder le passé.

Une nouvelle vie commence pour vous. C’est en quelque sorte une seconde naissance pour Chantal. Vous ne connaissiez rien de la France dont vous êtes pourtant citoyenne. Comment réagissez-vous ?
C’est encore un trait de mon caractère : je trouvais cela génial de découvrir une nouvelle vie, de voir des amis, des familles que je ne connaissais pas.
Je regardais tout le temps les cheminées car je croyais que le père Noël allait arriver. On m’avait dit qu’il passait par-là. Il n’y avait pas de Père Noël au Vietnam.
Je n’ai jamais été une petite fille angoissée. Pour vous dire au Lycée Chabrol dans le dixième arrondissement, toutes les filles avaient une jupe bleue marine d’uniforme en serge mais hélas ma mère n’avait pas assez d’argent pour ce genre de tissu. J’en portais une autre et j’étais la plus heureuse de la classe ! Je n’étais pas complexée du tout. On ne m’a pas élevée par rapport aux autres mais par rapport à moi-même.

Vous n’avez jamais été envieuse ?
Je ne sais pas ce que c’est l’envie, la jalousie ou l’orgueil. Les gens qui ne me plaisent pas, je leur dis en face car je suis très catégorique. Au contraire, je trouve épatant que des personnes réussissent et qu’ils aient de l’argent. Cela prouve que moi aussi je peux en avoir (Rires…).
Comme vous voyez, je ne suis pas envieuse du tout.

Dès l’âge de douze ans, vous avez dû vous occuper de la maison. A peine après avoir quitté l’enfance, vous avez dû y replonger et vous occuper de toute la petite famille. C’était faire face à de lourdes responsabilités pour de si frêles épaules. Pas évident ?
Maman était très malade. A 35 ans, elle avait un grave problème de calcium. Elle était très fatiguée. Du coup, j’ai fait la maman très jeune. Je m’occupais de mes frères et sœurs et comme j’ai un bon esprit d’organisation, je faisais tout moi-même. Je trouvais cela plus simple. Je ne me suis jamais posée de questions en fin de compte. La vie, elle avance avec ses bonheurs et ses problèmes. J’ai  tout gardé de mon caractère d’enfant : décidée, joyeuse et même pas peur des autres !
Je n’ai peut-être pas eu tout ce que je voulais sur le plan matériel mais j’étais enrichie du plus beau cadeau qu’une petite fille peut attendre : l’amour de toute ma famille.

Le temps passe. Il y a une rencontre magique. Jean-Jacques Debout arrive dans votre vie. Comment avez-vous reçu ce coup de tonnerre dans votre cœur ? Coup de foudre ou éclair aveuglant ?
J’avoue avoir été déstabilisée. C’était lors d’un mariage. Jean-Jacques est assis au piano. Il joue merveilleusement bien. Il croise mon regard, se lève, se dirige vers moi et me dit : « Mademoiselle, j’ai comme un flash, je suis certain qu’un jour on se mariera, on aura deux enfants, vous serez célèbre vers trente ans et vous chanterez à l’opéra ! » Je l’ai pris pour un fou.
Reprenant mes esprits et mon pragmatisme et voyant qu’il était presque minuit et que j’avais raté le dernier métro (gare à l’engueulade de papa), je lui ai demandé de me raccompagner chez moi. Jean-Jacques a accepté et c’est en tout bien tout honneur que nous nous sommes quittés non sans que je lui aie donné mon n° de téléphone.
Peu après, je partais pour quatre mois en Angleterre comme jeune fille au pair en oubliant peu à peu ce garçon et cette soirée particulière.
Il n’y a pas de hasard. A mon retour, je tombe nez à nez en plein Champs Elysées sur Jean-Jacques. Il me parle de la Rose d’or d’Antibes où il doit chanter, me demande de l’accompagner, j’invente un gros mensonge à mes parents, je pars avec lui, on ne s’est plus quitté !

La vie vous a parfois joué de vilains tours : des déboires financiers, les longues périodes de déprime de Jean-Jacques, des critiques féroces, une émission de télévision (le jeu de la vérité sur TF1 de Patrick Sabatier) qui vous a ridiculisée. Comment gérer autant d’impacts négatifs ?
Le bonheur est plus important que les difficultés ! Je me dis que toute ma carrière est un miracle. Jamais je n’aurais imaginé tout ce succès. L’important pour moi est d’être sur une scène et de donner du bonheur. Vous vous rendez compte de la chance que j’ai. Les salles sont pleines. Cela fait 35 ans que je ne reçois que du bonheur. Ce n’est pas demain la veille que je me priverai à mon tour d’en donner ! Mon plaisir reste intact. Entre nous, recevoir de jolis bouquets de fleurs et plein de sourires à la sortie de chaque spectacle, n’est ce pas la plus belle des récompenses ?

Et à ceux qui vous posent la question de la peur du ridicule, que leur répondez-vous ?
Que j’ai un caractère fort ! Rien ne m’arrête. Ce sont les autres qui vous rendent ridicule. Annie Cordy est-elle ridicule lorsqu’elle chante « la bonne du curé » ? Non, elle fait rire ou sourire ! Moi, c’est pareil ! Je suis dans mon monde magique. Je me fiche de certains critiques qui ne peuvent exister que par leur pseudo  « QI » et leur « pseudo vanité » !

Lors de vos spectacles, on voit parfois applaudir trois générations de spectateurs : la mammy, la jeune maman qui vous a découverte petite et le jeune enfant  qui a appris à vous connaître. Etes-vous une institution transgénérationnelle à vous toute seule ?
Je n’ai pas changé ma façon de donner depuis 35 ans. Il y a une génération qui a été émue par mes chansons à l’âge de 5 ans. Les souvenirs d’enfance, on les garde au fond de soi comme une douce caresse mais on aime aussi les partager. Je suis un peu tout cela, je pense !
Si j’avais vu Blanche Neige en vrai, je l’aurais toujours aimée. Une jeune maman m’a dit un jour : « vous êtes un dessin animé vivant ! ». Je me battrai toujours pour que les enfants soient heureux et que leurs parents retrouvent le chemin de leur enfance et gardent un cœur d’enfant.
Les petits sont des êtres délicieux. Je me souviens de certaines de leurs réflexions. Au début, quand je chantais et commençais à proposer mes grands spectacles, un gamin est venu me dire : « je te vois en couleurs alors qu’à la télé, c’est en noir et blanc ! »
Souvent, quand je ne suis pas habillée en robe de scène, les enfants me cherchent, regardent au ciel alors que je suis à 2 mètres d’eux ! Ils sont tellement sincères. S’ils ne vous aiment pas, inutile d’insister, c’est raté !

Si je vous demande de me parler de vos défauts et qualités, oseriez-vous avouer vos petites faiblesses ?
Je suis parfois de mauvaise foi. Je crois avoir raison mais je sais pertinemment que j’ai tort et fais semblant de l’ignorer. En revanche, je suis une brave fille, gentille et pas compliquée.

Imaginons un album photos souvenirs, quelle est celle que vous regarderiez avec bonheur et celle que vous seriez capable de déchirer ?
 Celle à voir, et même à revoir, serait la jolie photo de famille avec mes enfants et mes petits-enfants. Celle que je déchirerais pour l’oublier à jamais serait le souvenir de ce vendredi 13 décembre 1985 (et oui, c’était un vendredi 13 !) en direct depuis le Palais des Sports de Lyon, après avoir donné deux représentations du ***Mystérieux Voyage devant 10 000 personnes en tout, je participe à l’émission « Le Jeu de la vérité » de Patrick Sabatier. En costume de scène, dans mes propres décors et devant mon public, j’ai été agressée et insultée au téléphone par des téléspectateurs. Dans mon rôle de Marie-Rose, je m’attendais, comme il était prévu d’ailleurs, à des questions posées par les enfants. Les questions furent terribles : « spectacle trop nul, trop cher, combien vous gagnez, vous abêtissez les enfants, vous êtes trop vieille... » Je me suis défendue tant bien que mal en essayant en même temps de faire plaisir à ma salle qui me  réclamait d’être Marie-Rose. Usée et excédée, je me suis réfugiée vers les enfants amassés devant la scène et suis partie chanter pour eux. A l’écran, le résultat est désastreux. Ma prestation sera jugée très mauvaise par la presse mais aussi, et c’est plus grave, par le public. Coluche dira sur Europe 1 : « Ils ont tué le Père Noël, c’est dégueulasse, on ne touche pas au Père Noël ! ».

Votre image de chanteuse est salie, les ventes de disques chutèrent et les moyens investis dans vos spectacles devinrent beaucoup plus modestes. Malgré cette baisse de popularité, vous n’abandonnez pas votre carrière pour autant. Que du contraire ! Comme vous dites souvent : «  la vie est belle, si on la rend positive ! » Je vous laisse le mot de la fin…
Je vous aime !

*** Chantal Goya sera à Forest National le 27 avril à 16HOO  dans "Le mystérieux voyage de Marie-Rose", comédie musicale écrite et mise en scène par Jean-Jacques Debout ; décors de Pierre et Tristan Simonini.