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Marie-Paule Kumps, comédienne : la passion d'une passionnée !

Marie-Paule Kumps, comédienne : la passion d'une passionnée !

Marie-Paule, évoquons le parcours de votre vie. Quand et où a-t-elle commencé ?
Elle a commencé quand je suis née. Il y a de ça déjà un bon moment (Rires…). J’étais la quatrième de 4 enfants. Je pense que j’étais une petite fille assez choyée avec un grand frère qui avait 10 ans de plus que moi, ce qui me paraissait à l’époque très confortable.

Pourquoi ?
C’est un deuxième papa. Mon père travaillait beaucoup. Les pères à l’époque étaient moins proches de leurs enfants. Maintenant, ils langent les bébés. C’était bien pratique d’avoir un grand frère de 10 ans de plus que moi. Adolescente, il fut aussi mon confident. Entre un deuxième papa, un grand frère et deux sœurs, moi, la petite dernière, j’étais plutôt assez gâtée.
Je pense que j’ai toujours été quelqu’un qui faisait énormément de bruit. Probablement, parce que, quand il y a 6 personnes, ça fait beaucoup de monde et étant la plus petite, je voulais aussi m’exprimer. J’avais très envie qu’on m’entende et donc je parlais sans cesse et fort. On a retrouvé des enregistrements de petits moments quotidiens et on entend toujours une grosse voix qui essaie de se faire entendre. On ne comprend pas grand chose de ce qu’elle dit mais c’était moi ! Donc voilà, c’est la petite fille que j’étais … Une petite fille qui avait très très soif de vivre, de découvrir des choses. J’ai toujours été très gourmande de la vie.
 
Aviez-vous déjà en vous, toute petite, cette espèce d’envie, de passion de communiquer ? Rêviez-vous d’entrer dans la peau d’une autre petite fille ou d’une héroïne que vous aviez à l’esprit ? Une impression innée que vous étiez faite pour devenir comédienne ?
Oui, je pense. Je l’ai toujours eue mais pas de façon romantique. C’était plutôt l’envie de raconter des histoires, de faire rire les camarades, de s’inventer des rêves pour souffler, pour s’élever du quotidien parfois difficile, triste, chiant et lourd. C’est agréable et vital de se cultiver la tête pour mieux « ré-atterrir », pour être plus efficace, pour mieux jongler avec la réalité de la vie. C’est important de se nourrir de belles choses : une belle promenade dans la nature, admirer des chevaux, jouer avec des enfants, s’évader dans l’art : voir de belles peintures, écouter de la musique ou créer des choses, dessiner, lire et rêver.
Une amie que j’ai retrouvée il n’y a pas très longtemps me disait : « Ah, je me souviens quand on était en primaire, il y avait toujours un jour ou l’autre de l’année où on attendait les bulletins. On pouvait amener des jouets, on n’avait pas école. Tu faisais jouer les barbies, tu racontais une histoire. Finalement, tout le monde s’arrêtait et venait t’écouter » J’inventais des histoires, je les mettais en scène, déjà !

Vous n’avez donc pas changé ?
Je n’ai pas l’impression d’être devenue quelqu’un d’autre depuis mon choix d’orientation professionnelle. Je ne me perds pas entre la petite fille que j’étais et la femme adulte que je suis. Il y a eu tout un chemin. J’arrive à rester moi-même malgré une profession qui vous fait voyager dans beaucoup de rôles. Etre comédienne, c’est aussi une certaine vie publique même si en Belgique, ne nous leurrons pas, il n’y a pas véritablement de star système. Mais à l’intérieur de tout ça, j’ai l’impression que je m’y retrouve. Je reste Marie-Paule.

Qu’est-ce qui, subitement, vous a donné le signal, même si la voie semblait déjà tracée ?
Je viens d’une petite ville de la région de Charleroi (Gosselies). Le théâtre était quelque chose qui n’était pas très proche de moi mais m’attirait profondément. Quand je me suis retrouvée en humanité, comme j’avais des parents absolument adorables, que j’étais la petite dernière, que je travaillais très bien à l’école, je pouvais faire tout ce que je voulais, c’était fantastique. Je prenais le tram et j’allais à Charleroi. J’étais abonnée à plein de théâtres. J’allais au Palais des Beaux-Arts, à l’Hôtel de Ville voir tout ce qui était possible comme spectacle, comme concert. Ce monde était génial mais ne me paraissait pas imaginable pour moi. Quand je regardais la télé chez moi, j’aimais beaucoup les comédies. C’était le début des caméras invisibles, Pierre Tchernia, les frères Rouland. J’étais en admiration devant Jacqueline Maillan. Elle me scotchait.
J’ai commencé la sociologie à l’ULB et m’en suis lassée assez vite. J’avais tellement faim d’autre chose. Ce n’était pas encore le bon moment. Par le plus grand des hasards, un jour, une amie est venue me voir et m’a dit : « Je me suis inscrite à l’IAD en réalisation.  Ils ont une section en théâtre, ça a l’air fantastique. C’est ça que tu dois faire ! » Ce fut la révélation.
Vous voilà rassurée !
Je ne sais pas mais en tout cas, c’était la bonne voie.

Vous arrive-t-il de vous poser les grandes questions existentielles : Où vais-je ? Pour qui ? Pour quoi ? Etc…
La vie est quand même relativement courte. Au bout du compte on va tous mourir, on finit tous dans la tombe donc j’essaie tous les matins de me dire : je ne suis pas née pour me faire chier. Je n’y réussis pas à chaque fois, mais tous les jours, j’essaie de me dire que je vais faire le plus possible de choses qui vont me rendre heureuse, qui vont m’apporter du bonheur, du plaisir et pouvoir le partager avec d’autres. Voir le côté ensoleillé ou faire en sorte qu’il y ait du soleil même dans les moments les plus difficiles, toujours penser à viser une forme de bonheur. Et dans ce sens-là, mon métier m’a apporté beaucoup de plaisir. Je joue, j’écris, je mets en scène, j’ai donné des cours pendant 5 ans. C’est un métier qui prend beaucoup de place.

Vous êtes une femme, vous êtes maman, vous avez un compagnon, arrivez-vous à vivre avec un personnage qui est, littéralement parlant, en vous tous les jours ? Votre besoin de prendre des distances est vital.
C’est indispensable. Par exemple, à l’instant, je commence à jouer un spectacle qui s’appelle « Etape au Motel »** une pièce écrite par Bernard Cogniaux. Je joue le rôle d’une femme qui découvre que son mari la trompe. Il a une relation avec une autre femme. Une relation assez particulière parce qu’avec cette autre femme, il s’invente des histoires. Il ne lui a pas dit son nom, elle non plus. Ils sont vraiment dans une aventure très spéciale. Cette femme mariée est blessée. C’est très douloureux pour elle, elle a envie de garder son mari. Elle va prendre vraiment un rôle dans leur relation, elle va trouver une façon d’entrer dans leur histoire tout en lui laissant toute liberté de décider de l’issue fatale. C’est un personnage qui se joue tout le temps sur le fil de l’émotion. C’est quelque chose d’assez périlleux à jouer. Ce personnage m’accompagne à des moments de la journée, j’y pense comme une nourriture qui s’engrange, comme des images qui me traversent. Je peux les regarder de l’extérieur comme un photographe ou un cameraman. Et, parce qu’on a bien répété, on a travaillé la technique, on connaît le texte, on a la mémoire des mouvements et la mémoire émotionnelle, ce n’est qu’au moment où l’on se maquille, qu’on rentre tout doucement dans le personnage. L’émotion s’installe en moi. Quand le spectacle est fini, je prends le temps d’atterrir, de le quitter. Je pense que c’est indispensable pour la santé mentale sinon on pète les plombs.

Des personnes vous connaissant bien disent que vous êtes jusqu’au-boutiste et tenace. Etes-vous d’accord avec cet avis ?
Je me pose beaucoup de questions. Je n’aime pas vivre complètement au hasard. Je décide où j’ai envie d’aller. J’ai sans doute besoin de vivre comme ça.

On m’a dit aussi que vous étiez touche-à-tout et pressée ?
Dans ma vie, je n’ai jamais attendu à côté du téléphone pour qu’il sonne.
J’ai un parcours un peu particulier car j’ai la chance de jouer dans des théâtres subventionnés, dans de grandes maisons où on me propose des rôles vraiment qui me plaisent.
C’est vrai que j’ai eu souvent un emploi du temps assez chargé ces dernières années. Je viens de terminer « Les monologues du vagin », un texte qu’on ne doit plus présenter. Mais à côté de cela, j’aime bien aussi proposer des projets personnels que je produis moi-même ou avec mon compagnon.
Ma vie n’est pas une longue ligne droite bien tracée. Je suis passée par des chemins de traverse peut-être pas par des tournants à 180° mais de légers virages. J’ai encore envie de faire des choses différentes, de faire moins de théâtre et de m’intéresser plus au cinéma. J’ai envie de refaire de la photo. C’est bien d’avoir des tournants dans la vie. J’ai aussi envie de retrouver du temps pour être avec des amis. Donc, ma vie n’est pas une autoroute, une ligne droite. Je me suis rendue compte d’une certaine façon d’avoir peur de l’inconnu. C’est peut-être pour cela que je prends ma vie à bras le corps, que je me programme des choses, que je remets des projets, que je décide d’aller dans ce sens-là parce que, quelque part, je la conduis.

Décrocher un rôle dans une pièce qui a fait le tour du monde ***doit être perçu comme une nouvelle étape importante dans une carrière. Vous en êtes fière ?
Pourquoi avez-vous accepté « Les monologues du vagin » ?
J’étais plutôt heureuse qu’on me l’ait proposé. J’ai lu la pièce. Je trouve que ça reste assez américain avec une culture un peu différente de la nôtre mais nonobstant cela, je trouve qu’Eve Ensler l’a vraiment bien écrite. En même temps, elle revendique que ce sont des interviews de personnes. Raison pour laquelle elle a demandé que ce soit maintenant 3 comédiennes qui aient le texte en main pour qu’on se souvienne que ce n’est pas un numéro d’actrice mais bien des témoignages de femmes réelles qui ont un jour dit ce qui leur était vraiment arrivé. Elle a un vrai talent d’auteur.
Les conclusions de tous ces textes durs  sont ouvertes, pleines de foi, de confiance en l’avenir. La démarche est magnifique.
J’ai joué les 2 saisons de « Les monologues du vagin » et j’ai aimé partager avec le public. Il y a vraiment eu une interactivité avec des gens qui n’avaient pas l’habitude de venir au théâtre.
Ce mélange de textes difficiles et douloureux avec d’autres plus amusants, drôles et légers m’ont fait rencontrer des personnes après le spectacle qui me disaient : « Ca fait du bien de parler de cela, on ne parle jamais de sexe, ça libère ! ». Là, je me dis, c’est formidable. On a gagné sa soirée. Même si ça ne dit pas tout, même si ça ne solutionne pas les souffrances éventuelles, cette pièce a le mérite de délier un peu les langues. Je voyais des couples qui sortaient et discutaient.  J’apercevais, pendant certains textes, des femmes donnant des coups de coude à leur mari. C’est beau quand le théâtre vous permet de rêver, de réfléchir, de communiquer.  Dans ce sens-là, « Les monologues du vagin » sont une parfaite réussite.

Personnellement, vous vous souvenez de la première fois où vous avez entendu le mot « vagin » ?
Je devais être en cinquième ou en sixième primaire vers 11,12 ans. On commençait à parler d’éducation sexuelle mais de très loin.
Presque sur la pointe des pieds !
Je suis tombée sur un livre soi-disant scientifique avec des tas de schémas pour expliquer le fonctionnement de la femme et de l’homme. Je l’ai lu de A à Z, de la première à la dernière page comme si je lisais un livre d’histoire ou de géo. J’ai trouvé que c’était passionnant. C’était magnifique de comprendre surtout qu’à l’époque les parents parlaient quand même beaucoup moins de tout cela aux enfants. La relation avec ma mère a toujours été proche et franche. Si je posais des questions, elle me répondait.
Le mot « vagin » est un beau mot. J’aime les mots, en inventer. J’aime le langage de Marivaux, celui de Molière.

A propos du vagin, on l’appelle de différentes façons : le minou, le petit coin, le mistigri, le piou-piou, le kiki, la poupounette, la bébête, le poudrier, la chatte, le zizi, le zigouigoui, la craquette, la bibiche, le millefeuille, la boîte à ouvrage, l’affaire à suivre, la cicatrice… Lequel préférez-vous parmi tous ces petits mots-là ? Ou trouvez-vous cela complètement ridicule ?
Je ne sais pas si c’est ridicule. Je crois qu’il y a une espèce de vieille habitude qui consiste à ne pas dire les mots justes aux enfants quand ils sont petits. On dira souvent : « on va faire un petit dodo, maman va changer le pète ». On ne dira pas tellement à une petite fille : «  je vais laver ton vagin ou je vais te laver les lèvres ». Pourquoi ? Il faudrait le demander à quelqu’un à qui c’est le métier ? Chez moi, il avait aussi un petit nom .
Lequel était-ce ?
Quand j’étais petite, on disait la titine et puis ensuite toutes mes copines disaient le zizou et c’est resté le zizou. Il y a des mots qui, de l’extérieur, ont l’air tout à fait ridicules : le poudrier, par exemple, mais en même temps, est-il plus bizarre que le zizou ou la titine ?
 
Votre première aventure sexuelle est-elle un bon souvenir ? Vous n’êtes pas obligée de répondre…
Je n’ai pas beaucoup de mauvais souvenirs. J’essaie toujours de voir le bon côté des choses. J’ai eu quelques amoureux dans ma vie. J’en garde de tous un excellent souvenir. Il y en a beaucoup qui sont restés de grands amis.
Oui, ma première aventure sexuelle a été formidable, magnifique. Cela dit, j’ai eu beaucoup moins de plaisir que j’en ai dans ma vie sexuelle actuelle. N’empêche, c’était un homme que j’aimais, j’en étais très amoureuse donc c’était génial. Ma vie sexuelle s’est nettement améliorée en vieillissant (sourire…).

Vous considérez le sexe comment, vous, en tant que femme ? La comédienne joue-t-elle de son corps ?
Nous, les comédiens, on a appris à fonctionner avec l’ensemble de notre corps : avec la tête pour comprendre un auteur, son texte, pour ressentir ce qu’il veut dire, ce que le personnage dit ou ne dit pas, ce qu’il veut faire et ce qu’il n’ose pas. Ensuite, lorsqu’on passe sur le plateau, qu’on se met debout et qu’on joue, il faut faire fonctionner avec son corps, avec son émotion, avec son cœur. J’aime voir un corps qui porte et qui défend un texte.
Moi, j’ai besoin de vivre dans la vie avec tout : ma tête, mon cœur et mon corps. Faire l’amour a une certaine importance. J’ai un compagnon avec qui je m’entends très bien et avec qui je fais très bien l’amour. On a un bel équilibre à ce point de vue là. Le sexe a toujours été lié à des émotions fortes.
Même si parfois j’ai eu plusieurs amants en même temps, j’ai toujours fait l’amour en éprouvant des sentiments pour l’ensemble de la personne.

Quelles sont les qualités qu’un homme doit avoir pour vous séduire, Marie-Paule Kumps ?
J’aime être étonnée. Je suis séduite par l’intelligence du cœur. L’homme qui soigne la relation humaine. J’aime les gens qui ont un certain humour. J’aime quand on arrive à prendre une distance et à rire de soi, des autres.
Mais, c’est aussi physique. Vous croisez un regard, un visage et ahhh … il se passe quelque chose et même si ça n’aboutit à rien, l’instant aura été merveilleux et surprenant.

Quand Marie-Paule devient coquine, on peut s’attendre à quoi ?
Quand je suis coquine avec des copines, j’aime sortir. Qu’on se libère, qu’on parle de tout ce qu’on veut, qu’on dise plein de sottises. J’adore rire. Je peux dire des tas d’âneries et faire la sotte au restaurant, embêter les gens. J’aime faire ça. Etre coquine avec mon homme, c’est avoir envie de lui, le surprendre. L’émoustiller, faire monter le désir peut-être à un moment inattendu !

Plaisir, désir, sont deux mots importants pour vous, en tant que femme ?
Oui, oui très. Ca doit rester important, je pense.
Pour moi, le sexe fait partie de mon corps et de ma personnalité. C’est une partie qui est autant à soigner que je soigne mon cerveau, ma santé.
Les gens chez qui cela devient une obsession, sont des personnes qui souffrent ou qui ont souffert.

Que peut-on vous souhaiter pour que la comédienne et la femme vivent en parfaite harmonie ?
J’ai envie de changement, de légèreté, d’être moins dans un travail qui me donne du souci à long terme.
Envie de choses plus légères, plus faciles, de rencontrer de nouvelles personnes, j’ai envie d’air frais pour l’instant. Non pas que je sois lassée des amis ou des gens que je connais mais j’ai envie de faire d’autres choses : de tourner, d’écrire mais pas que pour le théâtre. M’épanouir en prenant un peu plus de temps pour moi, de m’inscrire à un cours d’histoire de l’art. Prendre encore un petit tournant.

***Elle a été traduite en 26 langues, jouée dans 30 pays .Quelques propos recueillis concernant l’auteure Eve Ensler : « Je dis VAGIN parce que j’ai lu les statistiques : partout dans le monde les vagins endurent des mauvais traitements – 500.000 femmes violées chaque année aux seuls Etats-Unis, 100.000.000 de femmes dans le monde ayant subi des mutilations génitales, violences sexuelles contre des petites filles, persécution des lesbiennes, harcèlement sexuel, terrorisme à l’encontre de la liberté de reproduction, et ainsi de suite… »
 

**Du  7 au 28 octobre : « Etape au Motel », une pièce de Bernard Cogniaux, une production de l’Atelier 210 et de la Compagnie du Cahos. Petite salle du théâtre des martyrs, place des martyrs à Bruxelles.
Théâtre de la place des Martyrs 22, Place des Martyrs, 1000 Bruxelles. Réservations 02.22 33 208 www.theatredesmartyrs.be.