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Notre invité : François de Brigode, votre présentateur du JT préféré

Notre invité : François de Brigode, votre présentateur du JT préféré

François de Brigode, comment en êtes-vous arrivé au choix du journalisme ? Est-ce un choix ancré dans l’enfance ?
Oui il s’agit véritablement d’un choix d’enfance.
Chez mes parents, nous n’avons eu la télévision que très tard. Par contre, j’écoutais énormément la radio qui offrait en permanence un fond musical et d’information dans lequel j’ai baigné dès mon plus jeune âge.
A la maison, mes parents lisaient aussi chaque jour, le journal « Le Soir » et j’aimais aussi y découvrir les actualités du jour. Cela m’a éveillé à un certain nombre de choses et c’est ainsi que j’ai su dès l’âge de 12 ans que je voulais devenir journaliste.

Pour l’anecdote, un an plus tôt comme je voulais devenir agriculteur, mon père m’avait envoyé travailler pendant 2 mois  dans une ferme. A mon retour, je me suis rendu compte que d’une part, j’avais déjà d’énormes difficultés à me lever tôt le matin et que d’autre part je n’étais pas quelqu’un avec une âme très bucolique mais quelqu’un au contraire de très urbain !

Aviez-vous des idoles ? Par exemple de nombreux enfants ont été touchés par Luc Varenne ? Etait-ce votre cas ?
J’aimais beaucoup Luc Varenne qui est un des rares journalistes qui parvenait vraiment à mettre des images dans les oreilles des auditeurs mais je n’avais pas réellement de modèle.
Ce sont surtout les émissions de reportages qui me fascinaient. Je me souviens très bien de 9 millions 9, une grande émission de reportage de la RTBF !

Et comment êtes vous arriver à présenter le JT ?
Un peu par hasard. J’ai commencé par faire des piges pour RTL avant d’arriver à la RTBF où j’ai eu la chance de connaître un riche parcours.
J’ai commencé comme journaliste au magazine : « Ce soir » dans la région de Charleroi où j’ai pu toucher à différents types de journalisme : faits divers, économie, social,…
Ensuite je suis passé par différents services quand j’ai débuté ma carrière au Journal Télévisé : international, société, politique avant d’avoir la chance de présenter des émissions.

De la chance ? Cela existe cela ?
Oui c’est vrai qu’il faut pouvoir la forcer au bon moment. 
Je suis par nature quelqu’un avec beaucoup de projets qui aime travailler avec des petites équipes. Mais c’est vrai qu’il faut de temps en temps pouvoir imposer ses idées pour concrétiser des projets professionnels.

Aviez-vous un modèle dans le journalisme quand vous avez démarré votre carrière de présentateur ?
Non mais j’ai été marqué par la grande rigueur journalistique et le côté strict d’Alain Nayaert et par l’humour décapant de Jean-Jacques Jespers que j’ai eu comme professeur et avec qui je donne cours aujourd’hui à l’ULB.

Et aujourd’hui, quels collègues présentateurs appréciez-vous particulièrement ?
Carole Gaessler, la présentatrice du JT de France 3 en soirée pour la rigueur de l’information qu’elle propose dans le contenu de ses JT et aussi Laurent Delahousse qui ouvre des angles intéressants à l’information qui poussent les téléspectateurs à la réflexion.

François de Brigode, comment gérez-vous votre statut d’homme public ?
Bien. Il n’existe pas de star système en Belgique car les présentateurs de JT n’y sont pas surpayés comme en France.
Et puis, je suis quelqu’un qui a toujours su garder les pieds sur terre et qui n’a pas attrapé la grosse tête.
Comme je dis souvent, une fois qu’on n'a plus « sa tête dans l’aquarium », il faut pouvoir redevenir quelqu’un d’anonyme.

Comment pouvez-vous décrire votre vie quotidienne ?
J’ai aussi la chance d’avoir un entourage familial très serein qui n’a pas besoin de mon statut pour exister.  J’ai aussi un solide socle d’amis très fidèles. Je sors énormément. Je vais au cinéma plusieurs fois par semaine. Le dernier film que j’ai vu est : « Somewhere » de Sofia Coppola. Un beau film sur le spleen, très visuel, très contemplatif qui doit son intérêt davantage à l’image qu’à son scénario.
J’ai une vie bien remplie sans routine avec un métier passionnant que j’ai littéralement dans le sang !

A force de présenter au jour le jour les catastrophes du monde, depuis 1997, comment vos sentiments évoluent-ils ?
Il faut faire gaffe de ne pas trop se blinder et de ne pas être habité par le cynisme ou l’indifférence !
C’est très important de garder sa sensibilité tout en arrivant à bien la gérer. Un journaliste doit toujours veiller à rester capable de relativiser l’information et d’imaginer l’impact de celle-ci sur le long terme.

Avez-vous un souvenir particulièrement marquant à nous raconter ?
J’ai été très ému un soir après un JT par l’appel téléphonique d’une femme qui m’a exprimé qu’elle était très dépressive et que le fait que je dise chaque soir à l’antenne : « à demain » l’aidait à rester en vie.  J’ai eu là le sentiment agréable d’être utile et j’espère qu’aujourd’hui encore, elle va bien.

Un autre soir, j’ai annoncé la mort de 4 skieurs belges dans une avalanche. Le lendemain, j’ai découvert dans le journal, la photo d’une fille que j’avais bien connue. J’ai tout de suite téléphoné à sa mère qui m’a dit avoir été étonnée par le ton « détaché » qui était mien lors de ce JT… Cela m’a touché.

Pensez-vous que l’actualité influence le moral des belges ? A la baisse ?
Non, s’informer permet de comprendre le monde. S’il y a davantage d’informations aujourd’hui que par le passé, les catastrophes et les crises politiques ont toujours existé et puis nous n’avons pas connu de guerres tout de même ! 

Cependant, les problèmes de santé mentale ne cessent d’augmenter. Qu’en pensez-vous ?
Cela me touche car j’y ai été confronté directement. Avant cela, je pensais comme bon nombre de personnes qu’un dépressif n’avait qu’à se bouger et à prendre en charge lui-même !
Ensuite, ma mère a fait une dépression nerveuse pendant 7 ans. J’ai relativisé ce point de vue. J’ai aussi une filleule schizophrène. Je prends tout cela beaucoup plus au sérieux que par le passé.
Par contre, je suis très méfiant par rapport aux antidépresseurs. J’ai vu tellement de gens carburer avec ce type de produits… C’est un problème chez les médecins. Moi quand j’ai un coup de bleus, j’ouvre une bouteille de château Chasse-Spleen et cela va mieux ! Je suis intimement convaincu que la fête est le meilleur antidépresseur qui existe !

François, vous avez toujours l’air frais comme un gardon.  Quels sont vos secrets ?
Au JT, on fait des journées éprouvantes de 12h. Le soir, bien souvent, je sors jusqu’à 1h ou 2 h du matin. J’ai la très grande chance d’avoir une condition physique extraordinaire.
Je pratique aussi 3h/semaine de sport en salle. J’ai une bonne hygiène alimentaire même si je ne me prive de rien et je m’aménage régulièrement des breaks durant lesquels je voyage tout en gardant un œil ouvert sur l’actualité, ma passion.

Pouvez-vous nous décrire les traits dominants de votre caractère ?
Je suis quelqu’un de fonceur jusqu’à l’excès. Quand je suis sur les rails, je suis sur les rails !
Sur le plan social et amical, je suis un homme très fidèle. Par contre, quand quelqu’un me trahi, je suis rancunier jusqu’au bout !
Je crois aussi être quelqu’un de créatif. J’ai beaucoup de projets mais j’ai aussi la capacité de passer rapidement à autre chose une fois un projet mis sur pied.

Vous avez aussi la réputation d’être un fêtard hors pair ?
La fête fait partie de ma vie. J’ai connu la vie estudiantine. Cette page est bien sûr tournée mais je peux encore faire la fête jusqu’à 5h du matin sans que rien ne soit programmé du tout. Oui, je suis hédoniste. Ma compagne aussi !
Cela ne m’empêche pas d’apprécier aussi des moments de solitude et de contemplation. Je ne suis pas nécessairement hyperactif !
Je vis dans le présent. Chez moi, tout est une question de moments, rien n’est jamais…programmé.

Quels sont vos plus grands défauts ?
La rancune comme je vous l’ai expliqué et puis parfois aussi d’avoir un premier jugement excessif. Je suis un peu perverti par mon métier où l’on doit tout décider très vite.
Je sais aussi que mon humour parfois sarcastique peut aussi faire certains dégâts. Du coup, j’essaye de ne pas être au taquet ! 

Vos plus grandes fiertés ?
Sur le plan personnel, sans réclamer la médaille du beau-père, ma plus grande fierté est d’avoir élevé avec ma compagne, sa fille que j’ai connue à l’âge de 5 ans, en lui inculquant un grand esprit de liberté dans ses choix de vie.
Une autre fierté est d’être parvenu à conjuguer mes envies précoces de journalisme dans une boîte qui ouvre de multiples perspectives.
Et comme ce ne sont pas mes envies ou les projets qui manquent…

 

Interview réalisée par Dimitri Haikin, Directeur de www.psy.be