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Psy.be reçoit Richard Ruben, l’homme qui refait sans cesse le monde !

Psy.be reçoit Richard Ruben, l’homme qui refait sans cesse le monde !

On lit souvent que l’homme contemporain est en crise d’identité, que son rôle sociétal à changé. Hier c’était plus clair, non ? Y avait Gonzague, y avait Ronny mais qu’est-ce qui caractérise le mâle d’aujourd’hui ?
La réalité c’est surtout que l’homme et la femme d’aujourd’hui court sans cesse ! Tout va tellement vite que les gens n’ont plus le temps de rien. On travaille, on travaille, on travaille. Nous sommes pris dans un système où on est obligé d’avancer car si on fait les choses à moitié, on est balayé, on n’existe plus. Comme, les hommes courent, ils n’ont plus suffisamment de repères et ne savent plus vraiment à quoi ils servent et quel est le sens à donner à leur vie.
C’est justement le thème de mon nouveau spectacle, « Ruben refait le monde » ! C’est l’histoire d’un gars qui découvre qu’il lui reste 14.000 jours à vivre et qui se demande : « Mais à quoi vais-je bien pouvoir servir ? »
C’est finalement une question que se posent beaucoup d’hommes à 40 ans, quelles traces vais-je laisser ? Comment vais-je changer la face du monde ? Il fait le compte de tout ce qui lui fait du bien dans la vie et de tout ce qui lui fait du tort. C’est l’heure du grand bilan à 40 ans. La crise amène la créativité. Au fond, quand un homme se remet en question, c’est déjà un signe de bonne santé !

Finalement, laissez une trace est-ce tellement important ?
Les écrivains laissent des traces. Les grands artistes parfois aussi mais aussi des traces moins visibles, des traces émotionnelles lors des spectacles.  Il s’agit donc de traces plus éphémères qui traversent les cœurs.
La télé-réalité nous démontre que beaucoup de gens cherchent à laisser des traces de leur passage. Andy Warhol avait raison quand il écrivait : "A l'avenir, chaque personne aura droit à son quart d'heure de gloire." Du coup, même si ils ne savent pas pourquoi, les gamins aussi veulent être connus. Ils interprètent qu’être connu équivaut à devenir rapidement riche !
Nos enfants, sont des absorbeurs, des panneaux photovoltaïques. Ils nous imitent. Quelle responsabilité nous avons !

Richard, vous êtes en colère, là, non ?
Je suis animé par la rage mais une belle rage ! Je suis un homme souvent indigné mais aussi heureux. J’ai toujours voulu refaire le monde même si je sais au fond de moi que cela n’amènera rien de bien concret. C’est ma nature, mon caractère : je suis un désespéré optimiste ! (Rires).

Comment percevez-vous les femmes de notre époque ?
Les femmes se sont émancipées. Elles sont très stressées car elles cumulent beaucoup de choses. La pression sociale est énorme. On leur demande d’être à la fois, de bonnes épouses, de bonnes mères, des fées du logis et de bien faire l’amour. Faut la santé, non ?

Et votre personnage favori, Gonzague, a-t-il lui aussi, évolué ?
Oui, Gonzague a grandi. Aujourd’hui, Gonzague parle de tout : de Dolto, de l’emploi, des huissiers, de la crise, de Yann Arthus-Bertrand, du viagra, du bio et du burn-out.
Il est devenu citoyen du monde et peut aujourd’hui se promener facilement en spectacle en France ou ailleurs alors qu’il y a 20 ans, il était très local (Brabant Wallon) et très typé.

Richard Ruben, malgré votre multi culturalité originelle (père anglais né à Alexandrie et mère alsacienne née à San Salvador), êtes-vous particulièrement attaché à la Belgique ?
Oui, c’est vrai, j’aime la Belgique. Je suis très choqué par nos hommes politiques actuels. Ils sont prêts à tout. Ils sont résignés et se mettent à table avec un homme qui a tenu des propos révisionnistes : Bart De Wever. C’est très grave car un pays qui fait un accord avec l’extrême droite est un pays mort endéans les 5 ans. Je suis très pessimiste pour l’avenir de la Belgique. L’extrême droite est comme Frankenstein, elle vous absorbe !
Moi, je suis un idéaliste dans l’âme. Je rêve encore, comme Albert Jacquard, d’un monde sans frontières. Alors, oui, les résultats électoraux m’inquiètent profondément !

Richard, depuis le début de notre rencontre, vous semblez en ébullition permanente. Qu’est ce qui vous pousse come cela à 42 ans ?
Je suis entrain de renaître à 42 ans ! Mes moteurs ? Je me répète chaque jour que rien n’est fatal, que rien n’est jamais définitif…et cela me donne de la force. 
De plus, en vivant au quotidien, en parallèle, l’adolescence de mes enfants de 12 et 14 ans, cela me donne la sensation de rajeunir chaque jour et cela entretient ma capacité de remise en question permanente et mon envie de refaire le monde toutes les cinq minutes ! Et puis la scène m’offre l’occasion à chaque fois de sublimer sainement ma révolte adolescente, cela me fait du bien !

40 ans, serait-ce l’âge de la maturité ?
Je crois que devenir mature c’est avoir réussi à couper deux cordons. Le premier est celui de la dépendance avec ses parents. Le second cordon est plus complexe. Il consiste à se défaire des idées reçues par ses parents, de ses croyances pour vivre heureux, serein et être pleinement soi-même.
Cela dit, il ne faut pas jeter le bébé et l’eau du bain. Les parents transmettent des valeurs souvent essentielles qu’il ne faut pas rejeter.

Que pensez-vous de la « méchanceté » de certains humoristes ?
Souvent il y a une confusion entre méchanceté pure et acidité dans l’humour. Parfois mes propos sont durs mais ils sont toujours assortis également de bienveillance. C’est une question de générosité sur scène et de connivence avec le public. Certains sont parfois moins « méchants » que moi mais sont cependant beaucoup plus agressifs.

Richard, quel est le principal rôle social d’un artiste comique comme vous ?
D’interroger la vie des gens mais sans que cela ne paraisse prémâché. Avec une « cool attitude »  naturelle. Oui, être comique c’est avant tout s’intéresser aux autres et à leur vie.

Quand vous est venu l’idée de devenir artiste ?
Depuis l’enfance. J’ai commencé tôt. Je me dis parfois : « trop tôt » car je n’ai pas eu suffisamment de temps pour regarder simplement la vie.J’ai commencé comme imitateur mais assez rapidement j’ai trouvé que ce n’était pas très honnête de vivre sur la notoriété des autres.Cela fait 20 ans de scène. Je fais entre 120 et 130 spectacles par an. Je ne réalise toujours pas très bien.

Comment concevez-vous vos spectacles ?
Mes spectacles sont les fruits d’interminables brainstormings et partages d’idées qui partent dans tous les sens avec ceux que je nomme mes accoucheurs de spectacles. Sam Touzani, mon réalisateur amène heureusement le côté structuré des choses que j’ai n’ai pas spécialement. Sam est le complément nécessaire à ma créativité diffuse.

Richard, et en-dehors de  vos personnages de spectacles, quel homme êtes-vous ?
Un « bordelique organisé » (sic) mais un homme rationnel quand même. Non, un artiste ne peut pas tout se permettre parce qu’il est artiste ! Je suis quelqu’un de simple qui vit le présent. J’ai une personnalité un petit peu tourmentée mais je dors très bien la nuit ! Je suis quelqu’un de cash qui ne calcule pas ce qu’il va dire. Du coup, parfois je mets les pieds dans le plat, c’est le revers de ma personnalité.
Émotionnellement, je suis souvent dans un état d’exaltation ou dans le « down ». « Le down », je le regarde avec beaucoup d’humour. Il ne pose pas de problème. C’est par exemple le baby blues à la fin d’un spectacle, quand c’est terminé. La dépression post-partum de l’artiste !
On m’a déjà qualifié aussi de paresseux qui travaille !

Que pensez-vous des psys ?
J’ai beaucoup de respect pour eux. Je me demande si je ne ferais pas un jour une psychanalyse ! Vous croyez que c’est utile, Monsieur le psy ? En tout cas, cette discussion c’est pour moi déjà une première séance gratuite !
Heureusement que les psys sont là car le mal du siècle à guérir est le désespoir.

Mais vous aussi en tant qu’artiste comique vous faites de la thérapie, non Richard ?
Oui, au fond c’est vrai, comme le vôtre, notre métier consiste parfois à rendre des gens que la vie a rendue aigres ou désabusés, un peu plus heureux.

Interview réalisée par Dimitri Haikin, Psychologue.


Vous voulez assister au nouveau spectacle de Richard Ruben ?
Toutes les infos sur http://www.richardruben.com/