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Psy.be reçoit Sébastien de Fooz qui en 184 jours rallia à pied Jerusalem depuis sa ville natale de Gand

Psy.be reçoit Sébastien de Fooz qui en 184 jours rallia à pied Jerusalem depuis sa ville natale de Gand

Bonjour Sébastien De Fooz, qui êtes-vous ?

Je suis quelqu'un qui va surtout à la recherche du dialogue car c'est ce qui grippe le plus le monde d'aujourd'hui. 
A la base je suis journaliste et reporter. En voyageant aux quatre coins du monde, je me suis rendu compte que les conflits naissent de l'incapacité de rentrer en dialogue. Tout dialogue implique un dialogue intérieur et un dialogue avec autrui.
En partant de ce constat , j'ai voulu être mon propre moyen de communication et traverser diverses zones d'opposition : c'est-à-dire des régions où il y a des oppositions pour des faits religieux, culturels ou ethniques. C'est de là qu'est née mon idée de traverser l'Europe, la Turquie et l'Orient à pied jusqu'à Jerusalem qui représente aux yeux des opinion publiques l'unité et la paix. Malheureusement, l'actualité nous prouve que c'est tout le contraire.

Mais comment vous est venue cette drôle d'idée de rallier Gand à Jerusalem, à pied et en solitaire de plus ?
J'avais déjà marché de Gand au Finistère au terme de mes études en 1998 avec l'objectif d'utiliser la marche comme le moyen de communication le plus simple pour entrer en contact avec les autres. C'est donc une démarche tout fait à l'opposé des moyens de communications actuels car au plus les moyens de communication se développent, plus la distance interpersonnelle semble augmenter !

Quand vous avez regardé la carte du monde avant votre départ... vous ne vous êtes pas dit : "je suis complètement fou" ?
La même folie qui consiste à croire que dans le monde d'aujourd'hui l'homme est bon. Au fil de mes rencontres, je voulais voir jusqu'où la bonté de l'homme irait. Ce qu'a mes yeux est incroyable, c'est qu'en quittant mes habitudes et mon monde sécurisant pour aller vers l'inconnu, c'est là  justement que j'ai rencontré l'humain !

Oui, c'est dans cette démarche de lâcher prise, au-delà des différences et des zones d'opposition, là où ma survie dépendait de la rencontre que j'ai rencontré la bonté de l'homme.

Un voyage de 184 jours mais surtout de 184 visages qui m'ont démontré la complexité de notre monde, de toutes les oppositions et contradictions de ce monde mais aussi de tout ce qui nous relie. 

Aujourd'hui, je sais que ce qui nous relie est plus grand que ce qui nous oppose.

Vos motivations ont-elles évolué au fur et à mesure de votre périple ?
Plus je rentrais dans l'inconnu, plus je rentrais dans mes zones d'inconforts : seul face à ce que je ne connaissais pas. 
Cela a impliqué de me mettre dans un état d'adaptation et de fluidité continue.

Même face à un ours en pleine Transylvanie ?
Oui, cette bête a couru vers moi. J'étais excessivement calme. Je me suis dit que dois-je faire face à cette bête ? C'est dans ce calme que mon cri primal - un hurlement terrifiant qui a fait fuir l'ours - a surgi ! Manifestement c'était ce que je devais faire puisqu'il est parti sans demander son reste.

Tout quitter comme cela pour un si long voyage est-une expérience unique en son genre ?
Le fait de tout quitter peut-être comparé à la sculpture car le sculpteur est face à sa matière et pour arriver à l'essence même de son art, il doit déconstruire, enlever le superflu, enlever les scories.

Pour le marcheur au long cours, la survie passe par le fait de déconstruire petit à petit toutes ses peurs qui l'empêchent d'entrer en dialogue intérieur dans ses propres zones de résistances ou avec autrui. Plus de 97% de nos peurs sont irraisonnées !

Quelles sont les plus grandes peurs que vous avez déconstruites ?
En premier lieu la peur de la solitude. Plus je découvrais cette solitude, plus je me rendais compte qu'elle était habitée par ce que je suis, par les ressources que j'ai et peut-être aussi par le divin...

Le divin ?
Le divin c'est l'unité. C'était ressentir que je faisais partie intégrante du paysage, que je n'étais plus étranger au paysage et que lui ne l'était pas plus pour moi. Pour cela, j'ai traversé de multiples paysages intérieurs : des forêts sombres et menaçantes, des montagnes ardues et puis surtout mon désert intérieur.

Une autre grande peur ?
La peur que l'autre soit une menace bien sûr.

Avez-vous pensé à renoncer ?
Oui. Après quatre mois et demi de marche, pour première fois, j'ai senti un découragement et un abattement total. J'étais épuisé physiquement et moralement et j'ai perçu une grande peur de mourir d'épuisement. C'était comme si toutes mes peurs intérieures devenaient extérieures et se cristallisaient en un danger physique qui s'approchait inexorablement de moi. 
C'est exactement au moment où j'ai commencé à douter que surgit devant moi, une meute de kankals, ces chiens errants d'Anatolie. 

Effrayants, certains portaient des colliers avec des aiguilles et avec des clous, ceux-là mêmes qui les protègent des loups. Encerclé par ces molosses qui essayaient de me mordre et avec le peu de force qui me restait, je les ai tenus à distance avec le manche de brosse que j'avais emmené de la cuisine de ma mère. Grâce au bruit du bâton qui transperçait l'air, j'ai pu les tenir à distance. Quand j'ai jette des cailloux, ils sont partis. 
Ensuite, je suis tombé à genoux avec la seule volonté de pleurer... 

Au moment où je croyais que s'en était fini, tout d'un coup, j'ai entendu le chant du Muezzin. J'étais à proximité d'un petit village qui n'était même pas répertorié sur ma carte. Je me suis redressé et me suis avancé en direction du chant. Au loin, un minaret surgissait du petit village. A son entrée le muezzin m'attendait et me fit signe de le suivre jusqu'à l'arrière cour de sa mosquée. Une table était dressée avec de la nourriture et des boissons. Il m'a obligé de manger et de boire alors que je n'en étais plus capable. J'étais dans un état second. 

Une fois mes forces revenue, il m'a parlé en allemand et m'a expliqué qui il était et qu' il y a une heure de cela il priait dans son minaret. 

En voyant une silhouette s'approcher,  il crût reconnaître au loin son fils qui revenait au village. Il n'est jamais revenu car celui-ci s'est suicidé trois ans auparavant, à 31 ans, exactement l'âge qui était le mien en arrivant là... 

Sébastien, quelles conclusions tirer de tout cela ?
De cette expérience de synchronicité, j'ai retenu que plus tu t'abandonnes, plus tu te rends compte que ce qui doit arriver est juste pour toi.
Le dialogue est vraiment un espace de liberté où tout est possible. 
Tant qu'on est dans le refus de l'autre, on est dans le refus du salut, c'est à dire l'occasion de s'élever.
Et quand l'être s'harmonise, c'est tout son environnement qui s'harmonise. 
Avant ce voyage, j'étais sclérosé par mes peurs. Aujourd'hui, j'ai confiance et j'ai l'espoir. 
J'ai aussi l'envie de continuer de témoigner contre les peurs qui nous figent !

 

Interview réalisée par Dimitri Haikin, Directeur de www.psy.be

Sébastien de Fooz est :
Chef de projet à Institute Of NeuroCognitivism
Coach. Conférencier. 
Membre de la commission de surveillance des prisons.

Découvrez ici le livre de Sébastien de Fooz  : "A pied à Jérusalem : 184 jours, 184 visages". Editions Racine