29.12.2023 / Par Marie Joe Kfoury / Problèmes de couple

De quels problèmes votre couple souffre-t-il ? Partie 2 

Marie Joe Kfoury est thérapeute de couple à Auderghem (Bruxelles)

Problèmes parentaux et conflits dans l’éducation des enfants

Ils devraient fréquenter cette école. Non.

Il est essentiel de les éduquer avec rigueur. Non.

Laissons-les profiter de leur enfance. Non.

Surveillons de près, sinon, elle risque de faire une bêtise. Non.

Offrons-leur davantage de soutien financier. Non.

Retournons au camping qui leur a tant plu. Non.

Les désaccords concernant les approches éducatives des enfants, ou les différences d'opinion et de pratique en ce qui concerne les rôles parentaux, peuvent ébranler une famille et entraîner un sentiment de désamour entre les parents. La dynamique familiale est complexe, tissée de sentiments enchevêtrés, entre les parents, de chaque parent envers chaque enfant, et même au sein de chaque aspect de cette toile, il peut y avoir des tensions et des ruptures qui fragilisent la structure familiale.

La manière dont le couple gère les décisions et les discussions relatives aux choix concernant leurs enfants, ou toute autre décision touchant l'ensemble de la famille, peut servir d'indicateur de la santé de la relation. Être catégorique et distant par rapport à l'opinion de l'autre partenaire est un signe qui mérite d'être exploré plus en profondeur lors d'une thérapie de couple, afin d'aborder la façon dont chaque personne perçoit la situation et les risques potentiels ou cachés qu'elle perçoit. Une totale fermeture à la communication indique que l'individu est coincé dans une impasse au sein de la communication au sein du couple.

Ce qui rend la communication complexe, c'est que nous sommes souvent en proie à des conflits internes, et cela se traduit parfois par une communication maladroite qui peut déstabiliser notre partenaire. L'expression des difficultés que nous vivons est l'un des aspects que nous abordons lors de la thérapie de couple.

L'objectif de la thérapie de couple est d'identifier ces obstacles à la communication. Le but est de créer un espace où chaque partenaire peut partager son vécu et sa perception des choses, tandis que le thérapeute joue un rôle de facilitateur en encourageant la communication entre les partenaires avec curiosité et empathie

Problèmes de santé mentale 

Je deviens anxieux et ça te perturbe. Ta fatigue émotionnelle me déprime. Ton enthousiasme m'épuise. Ces deux ans de traitement médical, ça m'a usé, ça nous a usés.

Les problèmes de santé mentale ou physique d'un ou des deux partenaires peuvent exercer une pression significative sur la relation. États dépressifs ou maniaques, petits maux fréquents ou épreuves médicales longues et difficiles, laissent parfois un couple en lambeaux, difficile à réparer, délicat à soigner.

Mon partenaire est constamment triste, que dois-je faire ?

En posant cette question, cela pourrait signifier que vous avez probablement essayé d'aider votre partenaire à retrouver le moral, à leur suggérer des idées pour se sentir mieux, comment chercher un emploi, comment prendre soin d'eux-mêmes. Et à chaque fois que vous tentez de les soutenir, et que rien ne change, vous pouvez commencer à vous sentir impuissant, à ressentir une forme similaire d'impuissance à celle que votre partenaire ressent, puis vous pouvez commencer à ressentir de la colère parce que vous faites tellement d'efforts et qu'ils ne font rien, et ensuite vous pouvez commencer à vous sentir coupable de ressentir de la colère envers quelqu'un qui se sent mal. Et ces allers-retours entre le sentiment d'impuissance et le ressentiment ou la colère sont très courants chez les personnes qui entourent la personne en état de dépression.

La chose simple à faire, qui n'est pas du tout simple, c'est d'être présent sans prendre la responsabilité de faire changer la personne. Cette présence non jugeante et sans anxiété face à la tristesse devient la porte de la transformation. Mais comment être présent ? C'est simplement être vous-mêmes, partager avec l'autre une partie de votre histoire, prendre le risque d'être vulnérable sans craindre vos émotions difficiles. Parfois, la thérapie peut créer cet espace pour les deux personnes afin qu'elles se connectent avec elles-mêmes.

Une très belle fable intitulée "The Shadow Elephant" de Nadine Robert et Valerio Vidali illustre le pouvoir curatif de simplement permettre aux émotions difficiles d'être.

Voici le résumé de la fable :

Le livre s'ouvre sur une belle citation d'Antoine de Saint-Exupéry : "Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m’avoir connu. Tu seras toujours mon ami."

Ensuite, l'histoire se déroule en introduisant le protagoniste mélancolique, un éléphant bleu majestueux, abattu par un profond sentiment de tristesse face à un vaste dégradé de bleu. Certains disaient que l'éléphant était morose. D'autres prétendaient qu'il essayait de dissimuler sa tristesse. Certains affirmaient qu'il préférait l'ombre. Les autres animaux de la savane, joyeux, rayonnants de soleil, tentent de chasser la tristesse de l'éléphant en lui racontant des histoires loufoques, en dansant des danses extravagantes et en lui apportant leurs plats préférés.

Pas un sourire. Pas un son. L'éléphant écoutait attentivement, mais restait dans l'ombre. Et puis, un jour, une toute petite souris à bout de souffle émerge d'une autre échelle de l'existence et demande simplement si elle peut s'asseoir à côté de l'éléphant et se reposer un peu. Cette petite demande, cette présence non jugeante et sans anxiété face à la tristesse de l'éléphant, devient le portail de sa transformation.

L'éléphant est d'abord incrédule que la souris ne soit pas là pour le distraire de son chagrin avec un quelconque artifice. Mais ensuite, elle commence à lui raconter son propre récit – comment elle était sortie dans la savane pour retrouver le bien le plus précieux de sa sœur, une clé en or ; comment elle avait marché toute une journée, seulement pour devenir aussi perdue que la clé ; comment elle a maintenant peur de ne trouver ni ce qu’elle cherchait ni le chemin du retour. Quelque chose dans la situation de la souris, dans la facilité avec laquelle elle partage sa tristesse avec lui, déverrouille quelque chose en l'éléphant. Il commence à pleurer – de grosses larmes silencieuses. Puis elle commence à pleurer, par ce lien naturel et exquis de sympathie qui nous unit lorsque nous cessons de nous sentir séparés et seuls dans notre chagrin.

Lentement, « vidé de ses larmes », l'éléphant se lève, grand et léger, et hisse la souris sur son dos, offrant de la ramener chez elle. Doucement, sans malaise ni exigence, elle l'invite à lui raconter sa propre histoire.

« Je peux essayer », souffle-t-il alors qu'ils disparaissent ensemble derrière l'horizon de la solitude.

Addictions

Pour échapper au quotidien ou se détendre, pour s'exciter ou se calmer, on recourt à nos substances ou comportements préférés : un verre de whisky, une tequila, une cigarette, un joint, une ligne de c, une dose de ceci, on prend ce qui est à portée.

Il peut également s'agir de s'immerger dans des documentaires très explicites sur la sexualité humaine en gros plan, de passer la nuit à prendre des risques, de passer la journée à combattre des zombies.

Alcool, tabac, sexe, jeux vidéo : quelle que soit l'addiction, elle aura un impact sur l'harmonie d'un couple, la disponibilité de chacun, et la manière dont ils perçoivent l'autre.

Comme dans l'exemple de la fable sur la dépression, avoir des difficultés et se sentir très mal à l'intérieur de soi fait partie des émotions les plus difficiles que nous avons tendance à refouler à tout prix. Ce comportement est souvent encouragé socialement. Il ne faut pas pleurer, il ne faut pas montrer de signes de faiblesse, il ne faut pas exprimer de colère...

Il y a un livre que je suis en train de lire et qui aborde la question de la normalité dans notre société de manière très nuancée : "The Myth of Normal: Trauma, Illness, and Healing in a Toxic Culture" de Gabor Maté, un médecin canadien spécialisé dans la toxicomanie et les troubles mentaux. Ce livre explore en profondeur les idées de l'auteur sur la santé mentale, la toxicomanie et la société moderne. Il remet en question notre compréhension traditionnelle de la normalité et suggère que de nombreux problèmes de santé mentale et de dépendance peuvent être mieux compris en examinant les expériences de vie et les traumatismes des individus. Il explore comment la pression pour s'adapter à des normes sociales strictes peut créer du stress, de la souffrance et des comportements d'adaptation malsains, y compris l'abus de substances.

De plus, Maté suggère que la quête obsessionnelle de la normalité peut masquer les expériences de traumatisme et de souffrance qui se cachent derrière de nombreux problèmes de santé mentale et de dépendance. Les individus peuvent recourir à des comportements d'adaptation malsains, tels que la toxicomanie, pour faire face à ces traumatismes, au lieu de recevoir le soutien et la compréhension dont ils ont besoin.

Une perspective plus nuancée de la normalité, qui reconnaît la diversité des expériences humaines tout en mettant l'accent sur la compréhension plutôt que sur le jugement, peut être bénéfique dans le contexte d'une thérapie de couple. Elle permet d'explorer comment chacun a sa propre conception de la normalité et comment remettre en question des pensées rigides tout en explorant le vécu de chacun au sein de la relation avec l'addiction.

Les thérapeutes guident les couples dans la résolution des conflits de manière calme et respectueuse, en mettant l’accent sur la compréhension mutuelle plutôt que sur la victoire dans les arguments.