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Mon amant a l'âge de mon père

/ Par info psy.be / Vivre à 2

Mon amant a l'âge de mon père

Le couple fréquentait un club de sport où régulièrement ils rencontraient des gens de tous âges, dont Robert, qui avait la quarantaine bien assumée. Le courant est vite passé entre eux et les rencontres ont été plus fréquentes. Au fil des semaines, Robert s’est senti de plus en plus attiré par Julia et a bien dû reconnaître qu’il en était devenu complètement amoureux. Julia ne s’en rendait pas compte, mais quand une amie commune lui a ouvert les yeux, cette révélation lui a fait l’effet d’une bombe. Tout dans la personnalité de Robert représentait l’homme accompli, rassurant, mûr et expérimenté. Le petit monde bien sage de Julia lui a paru subitement étriqué et les affres de la passion l’ont précipitée dans les bras solides de cet homme qui n’attendait que ça.

Dès lors, Julia est entrée dans l’excitation de la double vie : officielle et sereine avec Alan, clandestine et passionnelle avec Robert. Contrairement à toutes les idées qu’elle avait sur la morale et l’honnêteté, cette situation ne lui paraissait pas difficile à vivre. Elle se sentait heureuse des deux côtés et s’organisait de manière à ne pas devoir véritablement mentir. Pas de questionnement torturant, pas de réflexion morale, pas de perception des risques quant à son avenir ou la construction d’une famille. Elle ne se posait pas la question de savoir ce qui se passait dans la tête d’un homme qui choisissait de vivre une relation adultère avec une jeune fille de l’âge de la sienne, à laquelle il n’offrait aucun avenir. La passion de la relation œdipienne les aveuglait, tout occupés qu’ils étaient à vivre secrètement le plaisir de ces moments aussi intenses que rares. Robert pimentait ses semaines d’homme d’affaires surchargé et équilibrait par la même occasion une vie conjugale amicale mais sexuellement éteinte. Il invitait Julia dans des restaurants raffinés, lui demandait de l’accompagner en voyage d’affaires qu’il allégeait ainsi par la présence de sa jeune maîtresse et leurs ébats dans des hôtels discrets. Il était heureux, elle était fascinée, ils étaient amoureux… Ni l’un, ni l’autre ne se préoccupait du caractère évidemment déséquilibré de cette relation, à savoir que Julia était à l’aube de sa vie d’adulte et avait encore tout à construire.

Bien-sûr cette histoire a une fin et ce n’est pas celle dont Julia rêvait…On se doute que Robert a poursuivi sa route vers d’autres aventures, on peut se dire aussi que la relation avec Alan n’y survivra sans doute pas, tant la vie sans Robert a soudain paru fade à Julia,  « et elle, elle reste là , cœur en croix, bouche ouverte, sans un cri, sans un mot » comme le chante Jacques Brel dans Orly, « la voilà sans lumière, elle tourne sur elle-même et déjà elle sait qu'elle tournera toujours… »

Sans repère, Julia ère. Les hommes de son âge lui paraissent bien gamins. Plus âgés, ils sont mariés, ont une famille, elle butine, elle cherche, mais plus jamais elle ne retrouve la force de cette passion qui reste inégalée et la ravage encore quelques années plus tard, lorsqu’elle se décide à consulter.

Aurait-elle dû refuser les bras de Robert dès le début ? Est-ce lui le coupable de cette profonde déstabilisation ? Etait-ce bien ou mal, merveilleux ou scandaleux ? Je ne jugerai pas les aspects moraux ici, ce n’est pas mon rôle et notre société a beaucoup évolué sur ce point, mais il importe de réfléchir aux dégâts d’une relation œdipienne. Robert était pour Julia, qu’elle le reconnaisse ou non, un homme de la génération de son  père, marié de surcroît, mais il était accessible, lui… Il était tout ce que son père - le premier homme de sa vie, l’homme impossible par excellence - avait représenté aux yeux de la petite fille qu’elle fût, c’était un homme accompli, professionnellement installé, qui n’avait plus rien à prouver, il était sécurisant, riche, paternaliste, mais il s’intéressait vraiment à elle, il l’écoutait comme jamais son père ne l’avait fait, la regardait amoureusement, lui consacrait du temps, la conseillait dans ses choix. Julia était subjuguée, fascinée, elle se sentait valorisée, elle pouvait patienter des jours durant pour vivre un de ces moments fugaces et passionnels que Robert distillait au gré de ses disponibilités et le secret de cette relation n’en augmentait que plus le caractère exceptionnel. Il dictait lui-même les règles de leur relation, les moments qui lui convenaient, imposait sans difficulté ses envies, ses idées, sa vision du monde, Julia prenait tout, acceptait tout, incapable du moindre recul tant la passion l’aveuglait tout en la comblant d’un bonheur jamais connu.

Quelle leçon tirer de l’histoire de Julia et Robert ? Chacun jugera selon ses propres critères, mon propos est juste d’attirer l’attention sur le caractère œdipien d’une pareille aventure, aspect qui est généralement nié par les protagonistes de telles relations, alors que ce critère, en dehors de toute considération morale, constitue un facteur évident d’aveuglement. Toute femme est en partie marquée par le premier homme qui a compté dans sa vie, la plupart du temps son père, et cette empreinte marque d’une manière ou d’une autre sa quête amoureuse, la plupart du temps assez inconsciemment. Cette  première relation avec le père reste un repère et si le souvenir en est bon, la jeune femme réveillera cette mémoire en présence d’un homme qui lui ressemblera un peu, qui évoquera suffisamment son père pour qu’elle ressente cette impression familière qui la sécurise et l’attire. Si au contraire, la relation au père est un tissu malheureux, elle peut se sentir attirée par un homme qui représente l’inverse et aura pour office de réparer les blessures, afin de prouver au père combien il a été décevant. Mais parfois la douleur est si profonde et si masquée ou tellement destructrice que la jeune femme répétera sans conscience ce qui l’a fait souffrir enfant, tant il est difficile d’affronter son passé les yeux ouverts et de faire le travail nécessaire pour s’en différencier et construire une vie libérée de ses influences délétères.

Quoi qu’il en soit, lorsqu’une femme jeune, à l’aube de sa vie adulte, entre dans une passion amoureuse pour un homme de la génération de son père, il n’est pas difficile pour les témoins d’y voir un caractère œdipien, mais cette caractéristique est moins liée à la différence d’âge – qui en soi n’est pas un problème -  qu’au caractère impossible de la relation avec un homme marié qui n’offre pas de construction d’avenir. Ce qui caractérise l’histoire de Julia, c’est le traumatisme lié au mélange de l’intensité amoureuse et de la voie sans issue. La suite de sa vie a été l’illustration des dégâts imprévus et pourtant prévisibles, une quête éternelle où rien n’a pu atteindre les sommets de la passion vécue avec Robert.

Si notre chemin croise celui d’une Julia errante, disons-lui combien cette passion a été une belle page de sa vie, certes, mais qu’elle ne ressemble pas à ce qu’elle peut espérer d’une relation avec un homme qui pourrait devenir un compagnon au long court, un homme avec lequel un projet de vie est possible. Comparer une relation œdipienne secrète et sans possibilité de construire une famille avec un projet d’avenir qui unit à un homme au quotidien, c’est comme comparer un incendie de forêt et un bon feu de bois dans la cheminée. Au fil des ans, c’est un choix de vie bien différent !

Marie Andersen

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