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Conseils de psy

Des bonheurs enfuis aux trésors enfouis

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Des bonheurs enfuis aux trésors enfouis

Trajectoire ou destination ?
Je peux constater l’idée répandue qu’accéder au bonheur, c’est acquérir une chose précise, parvenir à un état déterminé. La simple expression d’y accéder donne le sentiment qu’il existe une voie à découvrir.
Pourtant, la multiplication des possessions ou des relations, l’obtention d’un diplôme ou l’aisance matérielle semblent insuffisants voire bien pauvres dans certaines balances de vie. Alors, peut-être, le bonheur serait-il soutenu par notre société de consommations (ou de consolations, nous dirait Claude Javeau), par la multiplication des plaisirs et de tous ces besoins créés par un marché imaginatif ?

Mais il me semble que l’avoir n’est pas forcément en rapport étroit avec l’être, encore moins avec celui qui devient. Martens nous écrit à ce propos : “De toute façon, entre la stimulation mercantile des besoins et la profusion des satisfactions (…), il reste peu de place pour la pensée, moins encore pour le choix.” Contrairement à l’idée qu’on peut s’en faire d’emblée, l’accès rapide aux satisfactions empêche de penser au chemin pour y parvenir, encore moins au cheminement auquel ces plaisirs participent.
En ce sens, se défouler obscurcit le chemin, se libérer pour redevenir acteur de ses choix passe par la trajectoire. En effet, je crois que c’est le cheminement qui rend le bonheur possible davantage que la destination.

Sensation ou perception ?
Epictète écrivait déjà il y a quelques centaines d’années que “ce ne sont pas les choses qui nous font souffrir mais bien la perception que nous en avons”. Ou encore, peut-on lire dans Hamlet : “Rien n’est en soi ni bon ni mauvais ; tout dépend de ce qu’on en pense”. Trop souvent nous avons un regard moral ou sympathique sur ce que nous ou notre entourage traversons. Nous créons des échelles de valeurs entre des événements et des vécus, nous alarmant d’une situation ou, à l’inverse, banalisant une autre.

Je peux constater que ces échelles de valeurs sont malmenées par nos vécus. Notre existence peut surprendre nos représentations, nos réactions elles-mêmes peuvent se révéler déconcertantes. Par ailleurs, les remarques des autres sur ce qu’ils supposent important dans notre vie peuvent être assassines, un mal-être supplémentaire aux événements déjà difficiles à traverser. Comment gérer les croyances des autres ? Comment se faire comprendre, que les autres prennent la mesure de l’impact ? Que dire à qui afin d’être compris à l’endroit juste pour nous ?

Tout ceci m’amène à penser un principe extrêmement simple à savoir que le bonheur est subjectif. Principe proche d’une banalité mais dont l’application pour soi et pour les autres est loin d’être évidente. Me départir en tant que psychothérapeute des projets que je pourrais avoir pour les personnes qui me consultent est le premier pas que je dois franchir pour les aider vraiment.

En somme, dans une relation d’aide, le rôle du thérapeute est celui d’accompagnateur plus que de guide. Watzlawick nous résume dans Changements, paradoxes et psychothérapie que : “(…) les limites d’une psychothérapie responsable et humaine sont bien plus étroites qu’on ne le pense généralement. Si elle ne veut pas être la cause du mal qu’elle soigne, la thérapie doit se limiter à soulager la souffrance ; elle ne peut prendre pour objet la quête du bonheur” (p.77).

C’est dans le cheminement que s’élabore le bonheur lorsque notre état d’esprit permet d’y accéder, soutenu par un parcours de vie et des ressources. Mais comment ce bonheur, ce bien-être pourrait-il se matérialiser ? Le bonheur est-il l’absence de malheurs, le bien-être absence de douleurs ?

Bonheur et rythmes d’existence
Le bien-être n’a de sens que s’il est différent d’un autre état ; il n’existe que par contraste. Il est illusoire et mensonger de penser que nous pouvons être heureux tout le temps. Comment notre cerveau pourrait-il distinguer une chose permanente ? Seule la différence fait sens, seuls les écarts sont significatifs. A l’instar de beaucoup de réalités humaines, le bonheur s’éprouve quand le malheur se prouve.
L’homme apprend que l’existence consiste en l’équilibre périlleux entre subir le trop de l’environnement ou souffrir du trop peu, selon von Kaenel. Mais Thomas d’Ansembourg nous rappelle que tout ce qui nous fait du mal ne nous fait pas forcément du tort, afin de distinguer la sensation de la perception, l’événement du vécu.

La présence au monde, entre manque et excès, crée une expérience fondatrice de notre histoire de vie. Ce vécu fait rupture face à notre envie de continuité, à notre besoin et représentation du beau futur qu’on voudrait se donner. Je veux distinguer trois temps d’expression possibles pour qu’un bien-être s’échafaude, pour qu’un apprentissage s’élabore dans les interstices de cette présence au monde.

- Le passé : Nous pouvons célébrer les souvenirs que nous avons, nous réjouir des liens que nous avons tissé, des événements plus ou moins délicats que nous avons traversés. Nous plonger dans un album photos, revoir des amis perdus de vue, nous émerveiller d’une remarque, d’une blague, d’une situation cocasse ou même d’une déconvenue avec du recul. Célébrer, ce mouvement semble fort inutile dans ce monde désensorcelé quand les croyances n’habitent plus qu’Internet ou ma dernière voiture. Où suis-je sans l’identité que mes souvenirs me procurent, même s’ils sont douloureux ?

- Le présent : Nous pouvons aussi profiter de l’activité, des échanges, de l’environnement d’aujourd’hui. Simplement respirer profondément et me gonfler des sensations de l’ici et maintenant, me sentir vivant de ma participation à ce grand tout en laissant mes peurs et mes colères me traverser sans me ternir. Toute sensation peut étancher ma soif, de l’évident mais merveilleux rayon de soleil à la réalisation de mes projets mûrement construits. Que serions-nous sans les ancrages de la présence, avec intensité et authenticité ?

- Le futur : Nous pouvons enfin jouir de notre imaginaire, de notre capacité à nous projeter. La force d’une idée à mettre en œuvre, d’un rêve à réaliser est immense et peut, à elle seule, légitimer nos choix de vie. Le désir fait partie intégrante du bien-être, il active les mêmes zones cérébrales, il crée de toutes pièces des voyages intérieurs. Notre société de biens consomme la satisfaction sans laisser suffisamment de place au souhait, l’immédiat (ou devrais-je l’écrire l’e-media) remplace le plus tard, notre vie se crédite du tout de suite. Qui sommes-nous sans nos envies et nos rêves ?

Trois temps pour trois présences au monde : le désir, le plaisir, le souvenir.

Trois actions pour trois mouvements de vie : imaginer, jouir, célébrer.

Et vous, qu’avez-vous appris dans vos familles ? Surtout ne te réjouis pas d’un bonheur, il est éphémère, demain tu seras peut-être triste. Ne te fais pas d’idée de ces vacances, tu risques d’être déçu. Le monde d’hier était bien plus doux qu’aujourd’hui, avant on savait en profiter ! J’envisagerai dans un prochain article par quelles méthodes nous pouvons à coup sûr nous organiser une vie malheureuse.

Conclusion :
Face à ce désir de trouver sa part de bonheur sur terre, la psychothérapie semble se tailler une place de choix. Non pas comme un objectif à la démarche mais bien comme un moyen et un moteur pour celui qui chemine.

Souvent, mon entourage me demande comment je peux écouter les malheurs du monde toute la journée sans m’écrouler, devenir pessimiste ou abandonner le métier. Mais c’est oublier deux éléments importants qui fondent ma joie et mon entrain dans ce travail : d’une part, toutes les réussites possibles auxquelles j’assiste et dont je m’émerveille ; d’autre part, l’honneur et le plaisir que j’éprouve à être le confident, celui à qui on prête ce qui ne peut être dit ailleurs, voire ce qui doit être tu absolument.

Je ne voudrais pas que vous vous mépreniez, je ne me réjouis pas du malheur d’autrui. La douleur, la souffrance de l’autre n’est jamais le ferment d’une curiosité malsaine ou sadique. Mais la sincérité de l’échange et la profondeur des émotions rendent ces moments intensément humains.
Pour finir ces quelques mots de vie et de métier, je citerai un anonyme : “La chose la plus importante dans cette vie, c’est d’aider les autres à évoluer, même si cela implique de modifier notre course.”

Benjamin Adant

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