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La fessée. Pour ou contre ? Interview de Stéphan Valentin, Docteur en Psychologie
Stéphan Valentin, vous êtes Docteur en Psychologie et vous venez de publier un livre sur la fessée.
Pourquoi avoir choisi cette thématique ? Est-ce en lien avec votre histoire d'enfant ? Avez-vous reçu des fessées quand vous étiez enfant ?
Oui, mes parents m’ont donné parfois la fessée, mais je ne me souviens plus pourquoi. Cela arrive d’ailleurs à beaucoup de personnes — ne pas oublier la fessée elle-même, mais le “pourquoi” on a été fessé. La fessée n’a finalement rien d’éducatif…
Mon enfance ou ma vie privée ne me motive pas à écrire des livres. En revanche, j’écris pour proposer des solutions aux familles quand il y a problème dans la relation parents-enfant. Vous savez, on devient mère et père du jour au lendemain. Rien ne nous prépare à ce nouveau rôle et aux responsabiltés qui vont avec. Il n’y a pas encore de cours à l’école… En même temps, on voudrait être le meilleur parent du monde pour son enfant. On voudrait être parfait. Mais il n’y a pas de parents parfaits. Nous faisons tous des erreurs. Donc, on ne doit pas être trop dûr avec soi-même. Il suffit d’être un parent suffisamment bon. D’ailleurs, on devrait élever un enfant avec beaucoup d’amour, mais aussi avec des frustrations. Par exemple en disant “NON” à ses désirs quand il le faut. Et c’est à cause de ce “NON” que j’ai écrit ce livre sur la fessée. Un enfant cherche le “NON” parental, mais en parole. Un enfant ne cherche jamais une fessée. Dans ce livre sur la fessée, je voulais donner aux parents des arguments, des informations et des solutions pour se décider — j’espère — contre la fessée.
Quel était votre projet central en écrivant ce livre ?
Ce petit livre sur la fessée, je ne l’ai pas écrit pour interdire la fessée de façon idéaliste, mais pour envoyer le message: la fessée n’est en aucun cas une punition éducative/pédagogique. La fessée n’apporte rien à l’enfant. L’enfant apprend à obéir par la peur et cela ne l’aide pas à grandir et à s’autonomiser. La fessée agit en fait sur les mécanismes de la peur. L’enfant est plus dans la crainte que dans l’apprentissage des règles.
Plusieurs psys médiatisés comme Alice Miller ou Isabelle Filliozat s'insurgent contre la notion de l'obéissance. Quel est votre point de vue là-dessus ?
Il est important qu’un enfant écoute ses parents. Après tout, c’est eux qui savent ce qui est bon pour lui, qui lui posent des limites et qui lui apprennent les règles pour vivre en communauté. Obéir, cela a aussi un côté positif. Ce qui est important pour moi, est comment les parents obtiennent l’obéissance de leur enfant. J’en parle dans mon livre. L’autorité parentale se construit. Savoir trouver des solutions à des problèmes est la clé pour faire comprendre à l’enfant qu’on ne lui demande pas d’obéir parce qu’on est plus fort, mais parce qu’on sait ce qui est bon pour lui. Quand le parent montre ses compétences, l’enfant le respecte. C’est à ce moment qu’il devient une autorité pour son enfant sans être autoritaire.
La clé du déclenchement de l'acte de la fessée, n'est-elle pas finalement le moment où l'adulte bascule dans le sentiment d'impuissance ? Quels conseils pour gérer cela ?
Papa et maman sont en colère, ou ils ont eu une peur pas possible parce que leur petit a traversé tout seul la rue ou encore il fait sa crise au supermarché pour une glace au chocolat. Et voilà, la fessée arrive…La fessée est souvent un geste réactionnel quand on est débordé. On voudrait juste arrêter la crise de son enfant.
Le meilleur moyen d’éviter la fessée: mettez votre enfant à l’écart dans sa chambre. Essayez de le faire avant d’ “exploser”. Souvent, la fessée arrive, car on n’a pas réagi assez tôt. On répète vingt fois, “arrête je t’ai dit” . Pourquoi ne pas lui dire, “Ecoute, si tu continues, tu seras puni et tu dois aller dans ta chambre!”. L’enfant a alors le choix d’arrêter sa bêtise ou d’être puni en continuant. Je sais, cela est plus facile à dire qu’à appliquer, car quand on est face à son enfant qui nous tient par sa colère et ses cris, qui sait exactement où “appuyer” pour nous mettre nous aussi en colère… — mais en agissant plus vite, on évite justement cet état de débordement. Certains parents estiment qu’ “envoyer l’enfant dans sa chambre” n’est pas une bonne punition, car il peut y jouer. En fait, même si l’enfant y joue, il ne le fera pas avec son plaisir habituel, car il souffre du fait d’être séparé de vous — de maman et papa qu’il aime plus que tout. C’est ça la punition.
Quand je parle, en Belgique,à la radio de créer une loi qui interdit la fessée comme c'est le cas dans de nombreux pays, de nombreux auditeurs bondissent et vont même jusqu'à l'insulte. Comment expliquez vous cela ?
Certains parents s’imaginent qu’on va envoyer le procureur dans la chambre d’enfant. Il n’en est rien. En fait, il ne s’agit pas que l’enfant puisse aller à la police ou devant la cour pour accuser ses parents quand il a reçu une fessée. Par contre, une loi pourrait envoyer le signal qu’il ne faut pas frapper son enfant, qu’il a un droit d’avoir une enfance sans violence. Un devoir qui devrait être soutenu par toute notre société.
Mais au fond, les parents pensent-ils qu’une fessée, même« petite », représente une forme de violence ? Après tout, ce type de raisonnement est transmis de génération en génération. Probablement, beaucoup pensent que c’est de leur droit de donner une fessée à leur enfant. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle devrait avoir sa place dans la relation parent-enfant. Et si nous réfléchissons bien: On n’a pas le droit de frapper sa femme, ni les personnes âgées, ni les animaux… et les enfants alors!
Que faire pratiquement quand un parent tape ou fesse publiquement son enfant ? Comment réagir ?
C’est une question délicate, car il faut beaucoup de courage pour intervenir. Souvent on a peur de se faire insulter par le parent, il pourrait devenir agressif. Mais si on n’agit pas, on devient spectateur et en quelque sorte on autorise cette punition violente. Donc, c’est à chacun de nous de décider s’il se sent assez fort et responsable pour intervenir afin de montrer au parent qu’il n’agit pas en tant que parent responsable. Fesser son enfant, surtout publiquement, est un acte humiliant. L’enfant ne l’oubliera jamais. Si on veut intervenir, c’est de façon calmer, sans crier en faisant remarquer au parent qu’on ne frappe son enfant.
Quels messages souhaitez-vous faire passer aux parents qui nous lisent ?
La fessée est une manière de frapper et donc une violence physique. La fessée ne peut pas servir comme punition “educative” pour poser des limites. En aucun cas, la fessée n’affirme l’autorité. Au contraire, c’est lorsque le parent est paniqué par sa perte d’autorité qu’il en vient aux coups. Bien sûr, une fessée peut échapper et on ne devient pas pour autant une “mauvaise” mère ou un père “fouettard”. Mais la fessée est un échec. Souvent les parents le ressent très vite. Ils culpabilisent. “J’ai frappé mon enfant! Comment j’ai pu faire ça?!” Pour gérer l’après-fessée, il faut chercher le dialogue avec l’enfant pour essayer de réparer ce geste violent en s’expliquant et aussi en sachant s’excuser. Vous savez, tous les parents aiment leurs enfants. Les enfants les aiment en retour. Et la fessée nuit à cette relation parents-enfant . J’espère que les parents trouvent dans mon livre des alternatives à la fessée pour dire “NON” à leur enfant.
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