/ Par Valérie Henrotte / Management
Pratique de la bienveillance en pleine conscience
Le terme bienveillance s'accorde depuis quelques mois avec des concepts nouveaux. D'une connotation un peu gentillette, il est manifestement classé aujourd'hui dans la catégorie des outils clé liés au développement personnel, ainsi que professionnel. Passer du concept à sa conjugaison au présent de l'indicatif, 1ère personne du singulier, peut toutefois nous laisser hésitants.
Voici un exercice simple et rapide, précédé d'un contexte qui explicite son utilité, ainsi qu'un exemple de plan d'action qui pourrait l'intégrer.
Pour commencer, illustration de la bienveillance dans son aspect "orienté vers notre entourage" : au quotidien, je forme des groupes sur leur lieu de travail. Une dizaine de personnes issus de services différents, se connaissant peu, sont rassemblées afin de se former ensemble sur un thème, par exemple le leadership. Certains sont plus extravertis que d'autres, réfléchissent tout haut, sont expressifs, spontanés, et monopoliseraient le temps de parole si je leur en laissais l'opportunité. D'autres sont plus réfléchis, analysent tout bas, préparent ce qu'ils vont dire avant de s'exprimer, et ne le feraient peut-être pas du tout si le temps de parole était constamment utilisé par leurs collègues. En temps que leader du groupe, mes responsabilités sont d'amener chacun à pouvoir comprendre les outils proposés, et être capables de les mettre en pratique un minimum déjà pendant la formation. Je dois donc entre autres garder les interactions centrées sur le sujet , fréquemment les recentrer, faire intervenir chacun avec le type d'exercice qui lui permettra de s'entrainer d'une façon qui lui convient, assurer une variété suffisante de styles d'exercices, gérer le temps à disposition, etc. Mon attention est pleinement utilisée à chaque instant par une multitude de stimuli différents. L'un des participants, que je nommerai ici Steph, est l'un de ceux qui s'expriment le plus. Il partage largement ses expériences professionnelles, et diffuse à ses collègues très clairement ses idées et conseils. Il se montre davantage dans une dynamique de persuasion, que d'écoute et de réflexion. Quelques places à sa droite, Sam est bien plus taiseux. Depuis 3 journées que ce groupe travaille sur le thème, on l'entend rarement. Par contre, quand je lui pose une question, sa réponse amène aux autres une vision de la problématique abordée qui leur inspire des idées d'approches différentes. Pendant l'après-midi, Steph s'adresse à Sam : "Peut-être que je me trompe, mais il me semble qu'aujourd'hui, tu as l'air plus détendu que les autres jours". Sam rougit légèrement, laisse passer quelques secondes qui doivent paraitre à d'autres une éternité, puis répond, la voix un peu tremblotante : "Tu es perspicace. Depuis plusieurs semaines, je craignais vraiment mon évaluation, car c'est mon emploi qui est en jeu. Et hier, je l'ai eue. J'avais raison de m'inquiéter, elle n'était pas positive, par contre j'ai compris que mon supérieur hiérarchique va me soutenir pour progresser, et ça, ça me soulage vraiment". Quelques nouvelles secondes de silence ont suivi. Je voyais les visages tès expressifs, des yeux s'agrandissaient, accompagnés de haussement de sourcils, des têtes s'inclinaient, des soupirs fusaient, et ce non verbal était éloquent. Sam a reçu ensuite plusieurs messages d'encouragements de ses collègues, et j'ai ensuite ramené les échanges vers notre sujet avant qu'il ne soit trop mal à l'aise de par ce focus sur lui. Nous avons tous pu voir avec plaisir que sa tête était plus relevée et que son visage esquissait un sourire que nous avions encore rarement pu lui voir. Steph, habituellement peu dans une dynamique d'écoute, avait utilisé son énergie centrée vers l'extérieur pour percevoir ce que d'autres n'avaient pas vu. Il a ensuite montré par une simple question à son collègue qu'il le voyait, malgré son style discret, et qu'il lui accordait non seulement une importance, et aussi de la bienveillance. En moins d'une minute, il a visiblement apporté à son collègue un regain d'énergie. Je ne serais pas surprise que son intervention ait aussi un impact sur l'image et l'estime que Sam a de lui-même, ce qui pourrait l'aider à développer les compétences en communication attendues par sa hiérarchie. En tant que leader de ces groupes, seule, je peux assurer un niveau de performance suffisant par rapport aux objectifs des journées. Par contre, si les participants, par leur attitude, leur savoir-être, jouent un rôle constructif comme celui qu'a endossé Steph, la valeur ajoutée de nos journée augmente de manière exponentielle à chaque apport. J'ai pris pleine conscience que dans les rôles que peut endosser un leader, celui de mettre en place, et de soigner un climat relationnel qui permette et encourage la bienveillance des uns envers les autres, est aussi nécessaire que d'organiser le travail, clarifier les objectifs et donner du feedback de manière adaptée. Alors si en tant que leaders je considère la bienveillance comme "gentillette", il me reste à lier ce terme officiellement aux valeurs que j'affectionne telles que l'efficacité et l'orientation résultats par l'atteinte d'objectifs clairs et cohérents.
L'exercice : choisissez une interaction en particulier; exercer une compétence pendant un temps restreint est plus confortable et motivant. Par exemple un repas de famille, une réunion professionnelle. Pendant cette interaction, placez un peu plus que d'habitude votre focus attentionnel sur le visage, la posture de vos interlocuteurs. Sont-ils penchés vers les autres ou en retrait? Leur gestuelle est-elle animée? Leur contact visuel est-il soutenu? Leur mâchoire semble-t-elle contractée ou détendue? Dans un premier temps, vous pouvez vous limiter à cet entrainement simple. Dans un second temps, quand ce qui précède sera devenu plus facile, intégré, vous pourrez essayer de faire une hypothèse sur l'état d'esprit de votre interlocuteur, voire vérifier votre perception, un peu comme Steph l'a fait dans l'exemple plus haut. (Ex : "j'ai l'impression que tu es agacé, est-ce que je me trompe?"
Votre plan d'action pourrait donc ressembler à ceci : "pendant la prochaine semaine, je vais lors d'une interaction à laquelle je participe, observer le non-verbal de mes interlocuteurs (contact visuel, mâchoire, posture, gestuelle). Pendant la semaine qui suivra, je vais poser des hypothèses sur l'état d'esprit d'un ou de plusieurs interlocuteurs. Pendant la 3ème semaine, si je remarque un état d'esprit qui semble désagréable, je vais, avec bienveillance, montrer mon intérêt à mon interlocuteur en vérifiant, par une question, si mon hypothèse est correcte".
Bon entrainement à vous tous, et n'hésitez pas à partager vos impressions avec moi sur ce thème!
Valérie Henrotte
Genappe - 1470 Genappe
Articles publiés : 7
Type :
Psychologue , Psychologue clinicien(ne) , Psychologue du travail , Psychothérapeute , Coach , Coach en entreprise , Lifecoach/coach de vie
Spécialités :
Communication non violente (CNV) , Conseil , Méditation , Méditation de pleine conscience , Prévention et traitement du Burn-out , Psychologie positive , Relaxation , Soutien , Thérapie brève , Thérapie cognitivo-comportementale , Thérapie en marchant , Thérapie orientée solution
Problématiques :
Addictions , Problèmes d’éducation , Problèmes liés au travail , Problèmes scolaires , Stress , Stress post-traumatique , Troubles de l'attachement , Prise de parole en public , Troubles de l'identité , Troubles du sommeil , Violence , Problèmes de couple , Angoisses , Anxiété , Assertivité , Boulimie , Burn-out , Confiance en soi , Deuil , Emotion , Estime de soi , Fatigue chronique , Harcèlement , Hypersensibilité
Publics :
Adulte , Ado , Couple
Du même auteur
Tous les articles de cet auteur/ Par Valérie Henrotte / Etre soi
Marcher en extérieur pour soigner son intériorité
Entre le moment où je m'éveille le matin, et celui où mes yeux se ferment en m'endormant le soir,...
Lire la suite/ Par Valérie Henrotte / Covid-19
Ressentis/émotions désagréables en période de confinement : comment réagir pour en ressortir plus épanoui?
Au quotidien, l'être humain désire et recherche instinctivement le bien-être. Nous nous connaissons bien...
Lire la suiteArticles sur le même sujet
Tous les articles sur le même sujetCommunication innée et pourtant parfois très complexe
/ Par Florence de Cooman / Management
« Entre ce que je pense dire, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis ;ce que vous avez envie d&rsquo...
Lire la suiteLe comportement des managers n'est pas la première cause du stress au travail
/ Par info psy.be / Management
L’Estime (Etude sur le Stress au Travail – IME) est une étude internationale menée par l’Institut de médecine environnementale (IME) en partenariat avec l...
Lire la suite