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Conseils de psy

Un jour, en deuil de son...portefeuille !

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Un jour, en deuil de son...portefeuille !

Tous ces tracas administratifs, les blocages de mes comptes, quelle perte de temps, tout cela me fatigue, me partage-t-elle ! Elle me paraît mettre une telle énergie pour justifier encore une fois, son rendez-vous post-posé (Ce qui ne me posait aucun problème, la cadre de notre thérapie n’ayant pas été transgressé.), que j’ai du mal à entendre sa fatigue. Car, ce que je perçois c’est une agitation diffuse ; ça part dans tous les sens ! Je me sens perplexe, je décide d’interrompre ce que je projette être du blabla et lui partage ma difficulté à la rencontrer. Notre "Nous" n’est pas à NOTRE rendez-vous de l’Ici et Maintenant ! Et d’une traite, de me répondre : "C’est exact, je n’avais pas envie de venir, mais cela n’a rien à voir avec vous. En fait je suis très en colère contre mon mari. Savez-vous ce qu’il a osé me dire ? Et sans me laisser le temps de répondre : "Il m’a dit que je n’avais plus qu’à en faire mon deuil !"

Vous comprenez, me dit-elle, toutes ces photos, tous ces témoignages d’instants privilégiés, et puis ce petit bout de la carte d’identité de papa auquel était agrafé sa photo, ce bout de carton vieilli, qui sentait le cuir, c’est à moi que ma mère l’avait offert, lorsqu’il est décédé ! Il voudrait que j’en fasse mon deuil ! Et puis quoi encore, s’époumoner-elle en tapant son poing sur l’accoudoir de son fauteuil. Ma cliente discourt avec force, mais à aucun moment je n’ai l’impression que nous sommes ensemble elle et moi, dans une rencontre authentique, comme nous en avons eues. Elle tempête à voie haute, seule avec elle-même, contre un homme qui de toute évidence dans cette pièce, brille par son absence et envahit le vécu de ma cliente. Et moi, et moi, et moi ??? Cette colère me pèse, il me vient un goût de trop, mais que se passe-t-il dans cette pièce, si ce n’est un évitement de nous rencontrer ? Pour...Quoi... ? En quoi suis-je partie prenante ? Ma cliente ne semble pas savoir rentrer en contact avec moi. Vraisemblablement ni ma posture corporelle, ni mes mimiques, ni mon silence ne l’accrochent ! Je me sens envahie d’une immense tendresse pour cette femme qui frôle le grotesque tant les griefs qu’elle adresse à cet homme sont drôles! Quel passage vais-je donc prendre pour "accompagner" cette voyageuse à trouver notre chemin ? La peur au ventre, je décide alors de prendre le risque du paradoxe et, avec le plus de soutenance possible et la voix la plus chaleureuse qui soit, je lui dis : "C’est un sage, votre mari ! Il a compris que cette perte va donner lieu à la naissance d’une autre femme, il doit avoir peur, moi aussi d’ailleurs !"

Elle me regarde hébétée, comme réveillée elle atterrit, et me foudroie du regard. "Vous êtes sûre d’aller bien ?" me demande-t-elle ? "Oui, je vous rencontre autrement, je ne vous connaissais pas cette rhétorique." Un grand silence s’installe, l’énergie est tombée d’un coup ! Des minutes s’égrainent... Des larmes coulent sur ses joues et enfin, elle pose un regard présent sur moi. "Je crois que nous sommes prêtes pour un véritable échange !" me risquais-je. Ses yeux changent. Je continue à m’impliquer dans cette rencontre en lui décrivant la curiosité qu’éveille chez moi son regard que je projette être triste. Sans nous quitter des yeux, nous laissons de nouveau s’installer le silence. Je me laisse émouvoir par la transformation qui s’opère sur son visage. Je suis bouleversée, quelque chose se tricote d’elle à moi, et pour le moment il me semble inopportun de lui demander ce que c’est, même si je nomme ma croyance. D’une toute petite voix, elle me dépose dans cet espace qui est redevenu nôtre : "Oui, maintenant, je me rends compte que je ne veux pas le laisser partir. Par cette conscience, je suis déjà quelqu’un d’autre."

Durant les séances suivantes, grâce à la confiance que ma cliente me fera, nous mettrons en lumière toutes les résistances qu’elle avait mises en place pour ne pas faire le deuil de son père. Laisser partir son père, c’était revêtir les habits d’une femme et assumer tout ce qui va avec... Ce fût l’objet d’autres séances, d’autres naissances... Quelle richesse que d’être Gestaltiste, et de pouvoir   être témoin de ces accouchements !

Annie Autome-Van Pevenage, Psychothérapeute

1020 Laeken

 

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