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Conseils de psy

Pratique de la bienveillance vis à vis de soi

/ Par Valérie Henrotte / Mal-être

Pratique de la bienveillance vis à vis de soi

Emilie, 25 ans, déguste assise son petit déjeuner le jeudi d'une semaine entière de vacances. Elle a eu plusieurs jours de détente et a pu décompresser, prendre de la distance face à ses habituelles contraintes quotidiennes (travail, formations qu'elle suit en cours du soir, etc.) Elle se sent zen. Soudain, elle se rappelle qu'elle avait rendez-vous le jour même, pour un cours lié à un loisir auquel elle tient beaucoup. Comme on est en période de vacances, l'horaire habituel a été modifié, ce rendez-vous était pour...il y a 1heure, et elle l'a complètement oublié !

Le stress monte en 1 seconde : Emilie rougit, sa maman la voit se lever d'un bond, se mordre les lèvres de rage, taper sur la table, enfoncer ses ongles dans ses mains en serrant les poings, et l'entend dire "mais bon sang, qu'est-ce que je suis conne ! Comment peut-on être aussi stupide ? Oublier le seul moment de loisir auquel je tiens un maximum et qui est si important pour moi, mais quelle idiote je suis, je vais être éjectée du cours, je vais tout perdre !" Des larmes de colère coulent sur ses joues, elle tourne en rond.

Visiblement, ses émotions l'ont tellement submergée qu'elle n'arrive plus à réfléchir à ce qu'elle peut faire pour régler ce problème le plus efficacement. Sa maman lui suggère d'appeler son professeur de sport pour présenter ses excuses. Emilie s'exécute, demande s'il est possible de reporter son cours, et, suite à la réponse négative du professeur visiblement agacé de s'être déplace pour rien, raccroche rapidement en pleurant de plus belle. Sa maman lui suggère de rappeler en précisant qu'elle paiera tout de même le professeur pour la leçon à laquelle elle ne s'est pas présentée, et en demandant s'il lui est possible d'aller s'entrainer sans cours, ce qui lui serait presque tout aussi agréable. Emilie n'y avait pas pensé, et se sent encore plus stupide. Elle rappelle et son professeur qui accepte ces propositions. 

Analysons cette scène sous l'angle de la gestion des émotions et de la bienveillance vis à vis de soi. Emilie eu du mal à gérer ses émotions qui étaient intenses. La surprise tout d'abord lors de la prise de conscience de son oubli. La colère ensuite car elle se considère "coupable" d'une faute inacceptable (l'oubli), et la tristesse encore (certitude qu'elle a perdu toute possibilité d'avoir le plaisir qu'elle aurait eu a suivre ce cours). La peur, enfin (danger que ce professeur ne veuille plus d'une élève qui lui fait perdre son temps et son argent). Sous le coup d'émotions fortes, nous perdons la capacité de raisonner efficacement, et ne réagissons plus qu'avec notre instinct (combattre-soi-même éventuellement-, fuir, se replier).

Si comme Emilie, il vous arrive de vivre ce type de désagrément, la 1ère étape de gestion des émotions est de prendre conscience de ces émotions qui vous submergent, de leur intensité (par exemple en constatant que vous serrez les poings jusqu'à la souffrance physique). Si vous y arrivez, vous pouvez entamer la seconde étape, qui consiste à faire baisser le niveau de l'émotion, par exemple, en effectuant une ou plusieurs respirations abdominales. Lorsque le niveau a suffisamment baissé, vous serez alors à nouveau capable de réfléchir. Et vous pourrez alors gérer le message précieux que véhiculent ces émotions : comment gérer (dans l'ordre des émotions listées + haut), la vision que vous avez de votre oubli (est-ce en effet une faute inacceptable ?)  et le mécontentement du professeur, le risque d'exclusion du cours (est-il réel) ?

Emilie aurait alors pu soit arriver seule à trouver les idées qu'a eues sa maman, soit demander conseil à son entourage pour les trouver.

En ce qui concerne la bienveillance vis à vis d'elle-même, Emilie n'en montre aucune, se montre même violente vis à vis d'elle-même. Dans le cas présent, les conséquences s'arrêteront peut-être à la souffrance qu'elle s'inflige (morsures, blessures aux mains, amour-propre atteint par les insultes). Si elle a par contre également ce type de comportement en public, imaginons, sur son lieu de travail, et même à moindre intensité (uniquement les insultes), elle court le risque que certaines personnes de son entourage se permettent plus facilement de la critiquer ouvertement et sévèrement, voire même de la malmener verbalement, puisqu'elle ouvre la voie en montrant l'exemple d'une faible estime d'elle-même.

Si comme Emilie, vous avez tendance à vous juger bien sévèrement lorsque vous commettez une erreur, je vous suggère de retenir les 2 principes suivants, et d'y revenir par la suite lorsque vous sentirez que c'est nécessaire. Premièrement, responsabilité n'est pas culpabilité. Et ensuite, faute et erreur sont deux concepts bien différents. "Erreur" est communément utilisé pour désigner quelque chose qui peut arriver, et qui n'est pas trop grave. Pour donner suite à une erreur, la réaction qu'on attend de nous est mettre en place quelque chose pour régler le problème et permette d'être rassuré quant au fait que l'erreur ne se reproduira pas. Le terme « faute » a une connotation bien plus culpabilisante. On s'attend à ce qu'une forme de punition s'ensuive, une fois identifié le coupable à qui attribuer faute et punition. Lorsque vous vous sentez coupable, vous serez enclin à chercher comment vous punir de vos fautes. Lorsque vous vous sentez responsable, vous serez davantage enclin à chercher la meilleure solution pour gérer le problème et pour que vous ne reproduisiez pas la même erreur à l'avenir. Et cette façon d'appréhender la situation difficile que vous venez de vivre vous sera en général bien plus profitable. 

Emilie peut essayer à l'avenir, dans ce genre de cas, de penser directement à sa respiration, ne pas la bloquer, et être attentive ensuite aux mots qu'elle utilise lorsqu'elle se parle à elle-même. Elle peut par exemple se sentir fâchée d'avoir été distraite -plutôt que stupide-. Si elle est parvenue à se calmer, elle prendra sans doute conscience que sa distraction est le résultat de la détente nécessaire qu'elle a pu s'apporter pendant ces vacances. Et elle pourra par exemple décider de noter à l'avenir ses engagements par écrit même lorsqu'elle est en vacances. Sa colère n'aura alors plus de raison d'être. Elle pourra alors se consacrer à la gestion de sa peur : chercher des solutions pour pouvoir tout de même vivre son loisir différemment, plus tard dans la journée, et pour soigner sa relation avec son professeur (assumer la responsabilité -et non culpabilité- de son oubli en payant le professeur qui s'est déplacé et a perdu son temps).