Je souhaite...

Conseils de psy

Anorgasmies féminines

/ Par Iv Psalti / Sexualité

Anorgasmies féminines

Pour parler d'un trouble sexuel il faut qu'il y ait une souffrance. Si la personne souffre de son anorgasmie, alors on parlera d'un trouble sexuel. La définition de l'anorgasmie est une absence persistante ou répétée de l’orgasme après une phase d’excitation sexuelle normale.

Introduction

Au jour d'aujourd'hui les femmes veulent obtenir un orgasme. Il y a bien sûr celles qui disent : "Je n'ai jamais obtenu d'orgasme de ma vie, mais je prends beaucoup de plaisir lors des relations sexuelles". J'ai souvent entendu ce genre de propos, mais seulement chez des femmes qui n'ont pas une grande expérience sexuelle. Je n'ai encore jamais rencontré une femme dans la cinquantaine, avec à son actif plus de 5000 relations sexuelles, dire une chose pareille. Soit c'est elle qui se mettra une pression pour obtenir ce fameux orgasme, soit c'est son partenaire. D'ailleurs, la santé sexuelle organique suppose : "une bonne santé des organes sexuels (externes et internes) et leur bon fonctionnement en ce qui concerne : une réponse physique correcte, la capacité d’éprouver du plaisir et d’avoir un orgasme, la capacité reproductive. La protection de la santé sexuelle impose l’acquisition d’un style de vie responsable et mature visant à préserver ce bien subjectif des dommages, malformations, maladies et risques de contagion"  (Coglitore MT, Sexologies 2004 ; 49).

Les femmes peuvent développer 3 types d'orgasmes : clitoridien, vaginal/utérin, et rectal. En général, quand on parle d'anorgasmie chez les femmes, il s'agit de celles qui n'atteignent pas l'orgasme clitoridien et vaginal. Quant aux types d'anorgasmies, il y en a 4 :

- Primaire (n’a jamais atteint l’orgasme, avec ou sans partenaire)

- Secondaire (aboutissement d’une autre dysfonction négligée ou pathologie de la relation)

- Situationnelle (à certains moments ou avec certaines personnes)

- Coïtale (des femmes qui y parviennent pourtant alors qu’elles sont seules)

 

D'après les statistiques, entre 1 et 10 % de l’ensemble des femmes n’auraient jamais atteint l’orgasme (Orgasmic Disorder, 2003), mais elles sont 5 fois plus nombreuses parmi les femmes qui ne se masturbent pas (Masters & Johnson, 1971). Seulement 30 à 44 % des femmes mentionnent qu’elles atteignent l’orgasme par la pénétration vaginale sans recourir simultanément à une stimulation clitoridienne (Kaplan, 1979).

 

Causes de l'anorgasmie

Trouble de l’excitation

- L’absence d’orgasme découle d’un trouble au niveau du plaisir sexuel (avec ou sans lubrification)

- Une difficulté sexuelle reste rarement isolée et s’inscrit parfois dans un processus évolutif, passant d’une difficulté à une autre (par ex., une dyspareunie entraine un trouble du désir, lequel évolue vers une anorgasmie).

           

Causes organiques

- Endocrinopathies : diabète, hyperprolactinémie, hypothyroïdie

- Maladies générales et chroniques graves : cardiopathies, néphropathies, neuropathies, cancers

- Médication : neuroleptiques, hyperprolactinémiants, certains progestatifs, drogues, alcool

- Psychiatrie : dépression.

           

Causes de troubles de l’apprentissage

- Pas ou peu d’information sexuelle ou corporelle

- Fausses idées sur l’orgasme

- Manque d’apprentissage personnel dans la recherche du plaisir

- Sujet qui a laissé passer la période sensible infantile…

- Craintes de l’échec et d’être anormale

- Manque d’expérience satisfaisante à deux.

 

Causes psychologiques

- Facteurs traumatisants (abus sexuel durant l’enfance, inceste, viol, avortement) et relation homo ambiguë

- Mauvaise intégration du corps sexué (problèmes d'images corporelles)

- Culpabilité par rapport au plaisir sexuel

- Crainte d’être abandonnée par l’autre

- Manque de confiance en soi

- Pas de lâcher-prise (probablement la cause la plus importante).

 

Causes psychologiques (peurs)

- Peur de mourir en atteignant l’orgasme

- Orgasme équivaut à une absence de maîtrise de soi 

- Crainte d’être obsédées par le sexe au point de coucher avec n’importe qui…une fois cette volupté découverte

- Peur que cette expérience bouleversera plus ou moins dangereusement leur existence.

- Incapacité de la femme d’être objet de désir pour l’homme (cela la renvoie à la soumission, à la dépendance)

- Incapacité d’érotiser le corps et le vagin

- Incapacité de s’abandonner à son propre plaisir et/ou au plaisir de l’autre

- Incapacité d’utiliser les fantasmes (peur du contenu, peur de tromper l’autre).

 

Théories sexoanalytiques (Crépault, 1987)

- Certaines anorgamisques vaginales sont incapables d'érotiser l'agressivité masculine, l'homme pouvant menacer l'intégrité corporelle de la femme. La puissance phallique masculine n'est pas suffisamment investie.

- L'incapacité de s'abandonner lors du coït, de se départir de tout contrôle. Dû à la méfiance face à l'homme.

- Les femmes qui n'ont pas été suffisamment aimées par leur mère maintiennent à tout prix un contrôle sur le réel.

 

Causes relationnelles

- Stimulation inadéquate du partenaire

- Ne pas oser de le (se) toucher lors du coït

- Partenaire souffrant de dysfonction érectile

- Partenaire souffrant d'éjaculation rapide

 

Méthodes thérapeutiques

D’abord déculpabiliser

- Phénomène paradoxal, le fait d’amener la patiente à réaliser que son aptitude à l’orgasme n’apportera pas à son existence une amélioration spectaculaire, s’est avéré le moyen le plus efficace de venir à bout du blocage orgastique.

- Elle se rapprochera de son mari. Tous deux prendront un plaisir intense aux rapports sexuels, elle sera plus sûre d’elle et plus heureuse.

 

Information sexologique

- Faire un petit exposé didactique, anatomique et physiologique

- Déculpabiliser la masturbation et les orgasmes clitoridiens

- Certaines femmes se disent frigides pourtant elles ont un orgasme clitoridien

- Insister sur le fait que la simulation orgasmique est une mauvaise habitude.

 

Entretien ou ravivement de l’appétit érotique

- Il faut stimuler une joie de vivre générale avec des sorties, voyages, petits cadeaux etc.

- Il faut réhabiliter le fantasme qui donne un sens aux étreintes brutales, aux jeux de bouche, aux différentes positions, mais aussi permet l’abandon et la perte de contrôle nécessaire à l’orgasme.

 

Désensibilisation systématique

- On peut l’utiliser en imagination et dans ce cas, la femme doit apprendre la relaxation. But = réduction de l'anxiété.

- Une hiérarchie est construite allant de la situation sexuelle la moins anxiogène à la situation sexuelle la plus anxiogène. La femme doit imaginer aussi clairement que possible les scènes lorsqu’elle est en état de profonde relaxation.

- Lorsqu’elle peut exécuter cette tâche sans ressentir d’anxiété, elle peut alors passer à la scène suivante et ainsi de suite.

           

Exercices de masturbation

- Le traitement ne peut se faire que par la femme elle-même.

- Elle doit réinventer l’autoérotisme clitoridien en trouvant le doigt qu’il faut, la pression, le tempo, les stimulations concomitantes (seins) efficaces.

- Kaplan suggère l’utilisation du vibrateur (un ami précieux) que la femme appliquera autour de son clito tout en ayant des fantaisies sexuelles.

- Si la femme a encore de la difficulté à parvenir à l’orgasme, elle peut atteindre cet objectif en simulant ou en exagérant les mouvements de l’orgasme. On lui suggère alors de tendre ses muscles, en devenant rigide, en berçant son pelvis et en poussant des cris. Elle doit non seulement simuler, mais également exagérer les réactions qui se produisent durant un orgasme. Cet exercice a pour but de donner plus de confiance à la femme et d’éliminer certaines inhibitions.

 

Rééducation sensorielle

- Solliciter les zones érogènes primaires et secondaires

- Explorer toutes les zones érogènes qui font de l’effet, surtout les seins

- Dans le cas où le ‘clitoris fonctionne’, la femme doit se « laisser aller » pour l’orgasme vaginal

- Le traitement sera l’abstention d’orgasme clitoridien pendant quelques temps.

 

La rééducation musculaire

- Bien que délaissée actuellement la méthode ‘pipi-stop’ de Kegel a été utilisée pendant longtemps.

- Le renforcement du plancher pelvien est primordial chez la femme pour une réponse sexuelle adéquate.

 

« Expériences » en couple

- Le sensate focus peut agir sur les 3 phases de la réponse sexuelle. L'effet bénéfique du sensate focus tient au fait que ces exercices fournissent au couple la possibilité de donner et de recevoir du plaisir sexuel et non sexuel de façon mutuelle.

- L’homme ayant atteint l’orgasme peut stimuler sa partenaire manuellement dans le but de lui procurer un orgasme. Sinon, on peut suggérer à la femme de se masturber devant son partenaire.

- L’élargissement des scripts sexuels (oro-génitale et anale).

 

Concentration pendant l’acte sexuel

- Surtout pas sur son orgasme

- Sur quelque fantasme érotique (et non en observant sa progression vers l’orgasme)

- Sur les contractions de ses muscles vaginaux

- Sur les mouvements du coït

- Sur sa respiration ou celle de son partenaire.

 

Obtention de l’orgasme vaginal

- Un jour « béni » certaines femmes y arrivent (comme l’apprentissage de la bicyclette)

- Si on échoue, ce n’est pas la faute du prof qui guide le vélo

- Ce n’est pas le partenaire qui donne l’orgasme à la femme !

- C’est elle-même, qui, à force d’entraînement, reconnaît les réponses de son corps aux différentes stimulations.

 

Conseils aux femmes

- Érotisez le vagin lors de la masturbation (enfoncez un doigt ou un sex toy)

- Touchez-vous le clitoris lors du rapport !

- Pendant le coït, s’il faut, fantasmez…

 

Conclusion

La plupart des femmes jouissent seules, mais sont incapables d'obtenir un orgasme pendant un rapport sexuel (absence d'orgasme vaginal). Il faut alors stimuler le clitoris. Malheureusement, peu de positions permettent la stimulation directe du clitoris pendant le rapport. L'Andromaque (où la femme chevauche l'homme) permet de frotter le clitoris sur le pubis de son partenaire. En dehors de cette posture, la meilleure méthode est que la femme prenne soin de son clitoris avec ses doigts. Aux hommes qui se plaignent "et moi je sers à quoi", je rétorque qu'ils sont là pour donner beaucoup de plaisir à leur partenaire grâce à leurs mouvements de va-et-vient. Messieurs, c'est elle qui sait le mieux la vitesse, la pression qu'il faut appliquer sur cette "boule nerveuse" pour parvenir à la jouissance. Mesdames, vous êtes responsables de votre clitoris. J'espère que ce message passera aussi auprès des hommes.

 

Quelques commentaires des auditrices pendant l'émission (envoyés par SMS)

- Oui, l'anorgasmie je l'ai lorsque j'ai l'impression que mon copain m'observe pendant qu'on fait l'amour et qu'il attend que je vienne ; ça me met la pression !

- Bonjour. Votre émission me touche car mon mari trouve que j'ai un problème. Mais maintenant je me comprends mieux. Il faut du lâcher prise, mais c'est difficile.

- Pour moi l'aboutissement du rapport est l'orgasme. Régulièrement je n'y arrive pas (je dois dire que mon conjoint est éjaculateur précoce), alors je me sens très frustrée.

- J'ai toujours dit à mon mari : "Si tu joues seul et que tu apprends à aimer ton corps, alors tu pourras prendre plaisir à deux. Et le fait de jouer avec des jouets, c'est également apprendre à en savoir plus sur les besoins de l'un et de l'autre". Malheureusement beaucoup de femmes ont envie, mais sont gênées de proposer des jeux.

A chaque émission, je reçois aussi un ou deux messages de la part de "grands connaisseurs" de la sexualité humaine. Une Dame écrit :)))

- Monsieur le sexologue, vous êtes à côté de la plaque. C'est faux de dire que celui/celle qui n'a jamais pratiqué la masturbation peut avoir des soucis tôt ou tard. Quand une personne se masturbe, avec qui se connecte-t-elle pour développer cette sensation qui l'emmènerait à cet orgasme? C'est de la perversité ! Juste avoir de l'Amour sincère l'un et l'autre et tout roule sur les rails...

 

Iv Psalti

Iv Psalti (www.ivpsalti.com) est Docteur en Sciences Biomédicales, Sexologue Clinicien, auteur belge, conférencier et formateur en sexologie. Il est l'auteur de Migraine ou gros câlins ? et de Sexe : savez-vous vous y prendre avec les hommes ? Il est enseignant à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et à l’Université Catholique de Louvain (UCL) pour le « Certificat Universitaire en Sexologie Clinique ». Il est co-créateur de la formation professionnelle en psycho-sexologie appliquée (FPSA) avec Yvon Dallaire, formation réservée aux intervenants en thérapies conjugale et sexuelle (www.formationsexologue.com).

Iv Psalti -  Sexologue clinicien(ne)

Iv Psalti

Avenue Paul Hymans 127-1 - 1200 Woluwé-Saint-Lambert
Articles publiés : 5