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Conseils de psy

Education sexuelle des enfants et des adolescents par les parents

/ Par Iv Psalti / Comprendre son ado

Education sexuelle des enfants et des adolescents par les parents

Cet article reprend les points essentiels de l'émission radio VivaCité (RTBF) "La Vie du Bon Côté" du mardi 26 mars 2013, de 14h à 15h30. A la fin de l'article, vous trouverez les questions et commentaires envoyés par SMS par les auditeurs pendant l'émission qui nous semblaient les plus intéressants.

Introduction

L’éducation sexuelle donnée aux jeunes a bien évolué dans le temps.  Auparavant, quand elle était dispensée, il s’agissait surtout d’informations concernant l’anatomie des organes sexuels, les moyens d’éviter des grossesses non désirées (par l’abstinence !), de se prémunir des maladies vénériennes (par l’abstinence !). Sans oublier évidemment les aspects juridiques (perversion, viol, inceste, pédophilie...) de la sexualité. Mais surtout, élever la virginité au rang de valeur suprême. En général, dans les activités humaines, c'est l'effort qui est récompensé. Ici, paradoxalement, c'est le contraire ; il ne faut rien faire. Malheureusement, il y a encore des sociétés qui encouragent cette vertu « au négatif ». Le mérite de la virginité est de ne pas avoir fait quelque chose. Absurde !

Dans les années 1970, l’éducation sexuelle s’est limitée à la biologie de la reproduction. C’est la période de la libération sexuelle et l’objectif est d’éviter la survenue d’une grossesse chez les ados : « le tout pilule ». Dans les années 1980, la préoccupation principale est le SIDA et l’éducation s’est souvent limitée à des informations données sur les IST (infections sexuellement transmises). L’objectif est de prévenir l’infection : « le tout préservatif ». A partir des années 1990, l’OMS prône le message de « la santé sexuelle ». L’objectif est d’élargir le champ de l’information biologique et de parler aussi des dimensions psychoaffectives (amour, tendresse, caresse, désir, plaisir, orgasme, honte, gêne, peur, première fois, identité et orientation sexuelles…) et sociales (aspects culturels, juridiques, religieux, médiatique, internet, pornographie, prostitution…) de la sexualité.

En tant que parent, on donnera des informations à nos enfants suivant notre approche de la sexualité. Les sexophobes sont mal à l’aise pour parler de sa dimension psycho-affective. Les sexophiles ne diront jamais à l’enfant que le sexe est sale. Faut-il parler de la sexualité à son enfant ? Je pense que les sexophobes devraient s’en abstenir. On ne peut donner que ce que l’on a. Nombre d’adultes sont eux-mêmes trop en difficulté pour informer leurs enfants sur ce sujet. Et aux autres parents, je conseillerais de ne donner l’information que quand la question est posée par l’enfant et surtout de répondre à cette question précise et ne pas entrer dans des détails qui ne l’intéressent pas.

L’éducation sexuelle des jeunes enfants

Souvent les parents se plaignent : « Ma fille (ou mon fils) se touche au salon devant tout le monde. Que dois-je faire ? » Le sexophobe, tapera sur la main de l’enfant en disant que ce qu’il fait est sale. Les autres, expliqueront qu’on a le droit de se donner du plaisir, mais que ceci ne peut se faire qu’en privé, dans la chambre, la porte fermée. Le rôle du toucher de l’enfant est important pour sa sexualité future (Ferroul Y., Sexologies. 2007, Vol 16, p. 236) :

(…) l’immaturité à la naissance de l’organisation nerveuse du réflexe orgasmique : une partie de ses connexions n’est pas encore fonctionnelle, et demande, pour devenir mature, la stimulation précoce des zones réflexogènes. Celle-ci doit s’effectuer au cours d’une période sensible, entre trois et cinq-six ans, par l’intermédiaire des tripotages enfantins de la verge ou du clitoris.

Beaucoup de parents me posent des questions sur la nudité en famille. Le message que je voudrais passer est simple. Si vous êtes à l’aise dans votre nudité, vous ne devez pas vous cacher. Ceci permet aux enfants de découvrir le corps de l’adulte. Il faut évidemment distinguer nudité et sexualité. L’enfant, l’ado doit apprendre à contrôler son excitation en toute occasion. Si vous voulez être nu, l’enfant doit vous respecter dans votre choix. Il n’y a pas deux poids deux mesures, il faut aussi respecter la pudeur de l’adolescent qui ne veut pas se promener à la maison dans le plus simple appareil, lui qui n’a pas encore intégré les différentes composantes de son corps en transformation.

Les jeunes et la pornographie

La question que se posent beaucoup de parents est de savoir comment ils peuvent empêcher leurs enfants d’avoir accès à la pornographie. Comme je l’ai déjà souligné précédemment (Iv Psalti, Sexe : savez-vous vous y prendre avec les hommes, Ixelles éditions, Bruxelles, 2011, pp. 47-48) :

Il ne faut pas se voiler la face : à partir de neuf, dix ans, les jeunes, sur Internet, visionnent des films « cochons », même si les parents placent des filtres de contrôle. Chers parents, que vous le vouliez ou non, vos enfants et ados regardent ces films, chez vous ou chez leurs amis. Que faire, alors ? La coercition n’a aucun effet, on le sait. Mais il faut au moins expliquer au jeune que ce qu’il voit est loin de la réalité. La sexualité se déroule avant tout dans un environnement amoureux et, si l’adolescent veut reproduire avec sa copine ce qu’il voit sur ces images, il risque fort de se voir repoussé. Insistez sur le fait que ce genre de films est conçu pour des « adultes avertis » et que l’amour entre jeunes (ou moins jeunes) est tout différent, sans contrainte, pratiqué dans la douceur et surtout en respectant la partenaire. Point. Si vous essayez de donner des explications moralisatrices, le jeune risque de ne plus vous écouter et le message ne passera pas.

L’éducation sexuelle des adolescents

Je pense que le parent ne devrait pas jouer au professeur, du genre : « Moi, je sais et je vais t’expliquer » ! L’ado se braque. Au contraire, il faudrait l’écouter et attendre que les questions viennent et répondre à celles-ci. Pas trop d’information au moment inopportun. En consultation, la maman, peut-être de bonne intention, à propos de sa fille 14-15 ans nous raconte : « Ma fille vient de connaître un garçon, j’aimerais qu’elle prenne la pilule tout de suite » ! Surprotection de la mère ! Attention à la peur que l’adulte a et qu’il transmet au jeune. Pourtant, la jeune fille, le plus souvent, n’en est pas encore là. Il s’agit souvent d’un flirt et non d’une relation sexuelle. Le premier baiser survient en moyenne à 14 ans 6 mois et la 1ère relation sexuelle chez les filles à 17 ans 6 mois et chez les garçons à 17 ans 3 mois (ces chiffres ne bougent pas depuis 10 ans en Europe Occidentale malgré l’accès facile à la pornographie sur internet). Le jour où elle aurait vraiment besoin des conseils de ses parents, elle se taira, en pensant qu’ils exagèrent chaque fois qu’on leur pose une question.

Voici, la façon du sexophile de donner des conseils sur la sexualité (Iv Psalti, Migraine ou gros câlin ? Editions Anne Carrière, Paris, 2007 ; et aux Livres de Poche, Paris, 2008) :

Il dit aux jeunes de se laisser aller dans la passion, que les premiers moments de la vie amoureuse sont merveilleux pour la sexualité. Mais, il n’oublie pas de faire comprendre à ses interlocuteurs que, une fois la période amour-passion passée, le sexe n’est plus aussi facile, instantané, et que l’amour n’est pas forcément magique et ne se fait pas naturellement. Dans la sexualité, tout est à découvrir, à apprendre, à maîtriser ! Tout le monde peut parvenir à une vie sexuelle riche et épanouissante en faisant l'effort d'acquérir la connaissance et le discernement nécessaire sur le sexe.

C’est seulement après que le sexophile se lance dans un petit exposé didactique, anatomique et physiologique. Il souligne les différences entre les sexes et montre que même si la sexualité de l’homme et de la femme se structurent sur différents niveaux, finalement les traits de convergence sont beaucoup plus nombreux. Ses explications sur l’orgasme féminin sont claires. Il recommande aux jeunes filles d’être patientes en appelant l’orgasme vaginal, tout en leur avouant que cela peut prendre des années. Il déculpabilise les orgasmes clitoridiens. Il insiste sur le fait que la simulation orgasmique est une mauvaise habitude. Aux garçons il dira qu’ils doivent apprendre à différer leurs orgasmes et à érotiser la totalité de leur corps comme les filles. Et, pour être complet dans son exposé, il parlera enfin des grossesses non désirées et des I.S.T. et préconisera l’utilisation des préservatifs.

Mes conseils aux parents

Quels messages peuvent passer les parents aux jeunes ? D’abord déculpabiliser la « sexualité personnelle », les fantasmes et la masturbation, d’expliquer que cette dernière aide à structurer la sexualité et à érotiser son corps. De rappeler ensuite que la « sexualité relationnelle », relation sexuelle entre deux personnes, évolue dans le temps. Dire aux enfants, par exemple : « N’essayez pas de brûler toutes les étapes et essayer de tout faire en même temps. Réalisez peut-être vos fantasmes, mais sûrement pas tous. Laissez encore quelques uns pour vos 20, 30 ans… Et n’oubliez surtout pas vos 70-80 ans ». Il faut aider le jeune à se projeter dans l’avenir. Quand j’ai la possibilité de parler aux ados, j’aime bien leur rappeler l’histoire de « Kevin le blasé » qui a brûlé la chandelle par les deux bouts (Iv Psalti, Sexe : savez-vous vous y prendre avec les hommes, Ixelles éditions, Bruxelles, 2011, pp. 209-210) :

Kevin, jeune homme de 29 ans se présente un jour à ma consultation. Dépité, il est en pleure : « Docteur, faites s’il vous plaît quelque chose pour moi. Je n’ai plus de plaisir sexuel. Ni de désir d’ailleurs ». Son histoire sexuelle n’est pas triste. A 10 ans, début de masturbation ; à 13, première relation sexuelle ; à 15, rapports sexuels réguliers avec plusieurs partenaires ; à 17, il décide de pimenter sa vie sexuelle : il demande à sa copine d’inviter une amie. Triolisme jusqu’à 19 ans ; à 20, fréquentation de clubs échangistes et à partir de 25, organisation d’orgies à grande échelle. A 29 ans, il a tout fait ! Il n’a plus ni désir ni fantasmes sexuels. Il a fait le tour de la sexualité, il a réalisé tous ses fantasmes, il est dans le vide ; avant la trentaine, il a tué son désir, sa sexualité.

Je pense que dans l’éducation sexuelle des jeunes et des adultes il n’est pas vain d’insister sur le fait que la sexualité, comme d’autres activités hédonistes, se découvre lentement, sans précipitation. La vie est longue et nous devons prendre le temps de déguster les bonnes choses. Et puis, tout fantasme ne doit pas obligatoirement être réalisé.

Le plus grand danger, c’est après. Quand on a essayé tous les partenaires, toutes les pratiques, tous les fantasmes, que reste-t-il à faire ? On tentera de pousser les limites toujours plus loin. Le risque, c’est de glisser vers la perversion !

Quand on me demande, ‘quelle est la meilleure éducation sexuelle que peut donner le parent’, je réponds que je préfère les gestes aux mots : « Montrez à vos enfants que vous vous aimez. Touchez-vous, embrassez-vous devant eux. Ils verront des parents aimants. Expliquez que quand la porte est fermée on n’entre pas : papa et maman s’aiment et ils font l’amour… Ils ne sont pas asexués ! »

 

Iv Psalti

 

 

Quelques questions et commentaires des auditeurs pendant l'émission (envoyés par SMS)

- Bonjour, j’ai un garçon de 12 ans que j’ai surpris en train de se masturber. Je suis partie choquée et je n’ai rien dit. Depuis, il y a un malaise entre nous.

- Mon fils a 13 ans et est assez secret et ne m’a jamais posé de questions sur la sexualité. Dois-je aborder le sujet ou dois-je laisser venir ? S’il ne me demande jamais rien, est-ce normal ? Capucine.

- Ayant peur de ne pas trouver les mots justes, j’ai glissé dans les jeux de Saint Nicolas un petit livre spécial pour enfant qui explique l’amour et leur changement de leur corps de 6 à 12 ans et plus tard, de 12 à 16 ans.

- J’ai expliqué à mes enfants que c’était important de se caresser pour bien se connaître.

- J’ai un principe, je frappe toujours avant d’entrer dans la chambre de mes enfants et je leur ai expliqué qu’ils devaient se faire respecter et ne pas accepter des choses que les autres voudraient leur faire faire et que leur corps leur appartenait. Véronique.

- Je me masturbe depuis que j’ai 5 ans, ne sachant pas ce que je faisais évidemment. Je me touchais parce que ça me faisait du bien et ça m’aidait à m’endormir. Aujourd’hui je suis adulte et je suis très heureuse d’avoir découvert mon corps très tôt car ça me permet d’avoir beaucoup plus de plaisir lors de l’acte sexuel avec mon partenaire.

Iv Psalti (www.ivpsalti.com) est Docteur en Sciences Biomédicales, Sexologue Clinicien, auteur belge, conférencier et formateur en sexologie. Il est l'auteur de Migraine ou gros câlins ? et de Sexe : savez-vous vous y prendre avec les hommes ? Il est enseignant à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et à l’Université Catholique de Louvain (UCL) pour le « Certificat Universitaire en Sexologie Clinique ». Il est co-créateur de la formation en psycho-sexologie appliquée (FPSA) avec Yvon Dallaire, formation réservée aux intervenants en thérapies conjugale et sexuelle (www.formationsexologue.com).

 

 

Iv Psalti -  Sexologue clinicien(ne)

Iv Psalti

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