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Derrière le refus de manger chez l'anorexique

/ Par info psy.be / Mal-être

Derrière le refus de manger chez l'anorexique

Ayant été moi-même anorexique de 12 à 25 ans, je peux désormais affirmer que mon refus de la nourriture signifiait que j’avais accumulé une grande tristesse et souffrais de multiples peurs dont :

• Le regard des autres : Mon affinement reflétait ma peur d’être jugée et critiquée par les autres. Le jugement et la critique me blessant et me terrifiant au plus haut point, je m’isolais le plus souvent possible pour ne pas avoir à soutenir les discussions et surtout faire face aux conflits avec autrui. Mon corps s’amincissant, l’idée d’être de moins en moins visible me rassurait.

• Blesser, échouer et décevoir : Avec un désir viscéral d’être irréprochable pour notamment être acceptée, voire être aimée de tous, j’étais incapable de dire ce que je pensais. Je gardais tout et accumulais en silence car j’étais terrassée à l’idée de décevoir mes proches. J’étais même très dure avec moi-même afin de cacher à mon entourage, et surtout ma famille, toutes mes faiblesses et doutes qui me semblaient inavouables et inadmissibles. Mais à force de vouloir devenir parfaite, j’avais bien évidemment fini par être très déçue de moi-même.

• Etre rejetée : Il m’arrivait ainsi de répondre « oui » alors que je pensais le contraire si bien que je m’en voulais énormément et me sentais lâche. Par ailleurs, après avoir vécu des rejets particulièrement douloureux, j’étais systématiquement méfiante lorsqu’une personne voulait nouer le contact avec moi si bien que je me sentais de plus en plus seule. Cependant, je ne me rendais pas compte que par mon attitude de protection distante et froide, les autres se sentaient rejetés.

• Souffrir : Je m’évertuais à m’endurcir physiquement dédaignant la douleur du sport intensif, la fatigue et la dénutrition avec le secret désir de ne plus jamais souffrir émotionnellement. En outre, l’hyperactivité ayant un effet euphorisant et donnant une impression de surpuissance (le corps sécrétant des endorphines), il peut être très difficile d’abandonner son comportement restrictif.

• M’exprimer : A force de tout retenir et accumuler, j’étais devenue une véritable bombe émotionnelle qui prenait tout au premier degré, qui ne savait prendre aucun recul et « ressentait tout à vif » d’où notamment une sensibilité à fleur de peau, voire une très grande susceptibilité.

• Ne pas être à la hauteur : Tout projet et défi nouveaux entraînant un lot inéluctable d’incertitudes et de risques étaient invariablement à mes yeux des sources de grande anxiété.

• Etre en contact avec mon ressenti : A force de vouloir garder le contrôle coûte que coûte et de masquer un sentiment d’insécurité perpétuel, je m’évertuais à ne jamais montrer mes sentiments, attitude que j’assimilais à de l’indécence et de la puérilité.

• Me laisser aller : Ayant peur des effets du temps, je faisais énormément de sport non seulement pour perdre des calories et être tonique, mais aussi pour oublier mes soucis, voire m’oublier et m’abrutir. Il faut préciser que la fatigue physique permettait de contrer une partie des idées négatives et noires qui m’assaillaient car je ruminais sans cesse à cause de ma nature particulièrement craintive et angoissée.

• Déranger : Après avoir essuyé sans explications plusieurs rejets et abandons, je pensais que j’étais définitivement de trop sur cette terre. A 34 kg pour 1,64 m, j’ai même fini par penser que je faisais 34 kg de trop.

• Se prononcer physiquement, l’âge adulte représentant un danger : Devenir asexuée était une façon de me sentir moins vulnérable quant au regard intéressé de certains  hommes ou de certaines femmes qui alors ne se sentaient pas menacés par mon corps sans caractéristiques féminines.

• Etre responsable de tout, dont surtout ce qui est négatif : La culpabilité étant omniprésente avec l’anorexie, dont une impression inexplicable de toujours mal faire, je me sentais coupable et responsable de tout ce qui était négatif si bien que ce sentiment a fini par devenir insupportable et bien trop lourd pour mes petites et frêles épaules et par me mener à la dépression.

• Etre dépendante : En écoutant en permanence mon ego particulièrement tenace et blessé par une accumulation d’expériences malheureuses (cf. trahisons, déceptions, injustices, etc.), j’avais fini par vouloir toujours me débrouiller seule et ne pas pouvoir demander de l’aide que j’assimilais à une faiblesse honteuse et impardonnable.

• Mon corps : Méprisant totalement la notion de plaisir, alors synonyme pour moi de laisser aller et d’abandon indignes, manger avait fini par devenir à mes yeux un acte plus du tout normal et tout simplement primaire, vulgaire et bestial. En vivant dans les extrêmes, me nourrir est même devenu une corvée. Mon entourage croyait que je faisais un caprice et qu’il suffisait de volonté pour me remettre à manger. Or il se trouve que ce n’était plus que je ne voulais pas m’alimenter, c’était que je ne le pouvais plus. Il n’était même pas question de volonté (dont j’étais d’ailleurs trop bien pourvue), en fait c’était que la peur me dominait et finalement c’est elle qui « me mangeait ».

Pour apprendre à s’exprimer, on peut avoir recours à une thérapie pour apprendre à être de nouveau en contact avec son ressenti, oser dire ENFIN ce que l’on éprouve, oublier son ego surtout lorsqu’il est trop inflexible et apprendre à gérer ses émotions dont relativiser pour savoir prendre de la distance et se soulager.

Pour être moins dans le regard de l’autre, il faut aussi apprendre à revenir à soi notamment en retrouvant confiance en soi et renouant avec l’estime de soi.

Ainsi une personne qui a peur de se nourrir peut tout simplement craindre de prendre de la place. Or cela s’apprend grâce à des exercices d’affirmation de soi dont oser dire « je », « oui mais » et enfin « non ». Ces positionnements permettent tout simplement de prendre peu à peu « sa » place. Plus l’anorexique est tenaillée par les doutes, peurs et angoisses, plus son estomac se noue et plus son mental l’isole du reste du monde, la poussant à se replier de plus en plus sur elle-même. Et plus on a confiance en soi et sait s’exprimer pour s’affirmer et défendre ses idées et opinions, moins on a besoin de se cacher, voire de disparaître d’une façon ou d’une autre.

On peut enfin refuser de se nourrir car la notion d’espoir s’amenuise. La contradiction entre une apparence décidée, voire un certain entêtement et un for intérieur fait de sentiment d’être anormale, d’insécurité et de terreurs multiples peuvent aboutir à une vie émotionnelle trop lourde à supporter, d’où un désir inconscient de fondre pour ne plus se faire remarquer à force de se sentir submergée et dépassée.

Il peut ainsi arriver qu’une personne, qui a au début une simple peur de grossir ou qui veut se différencier de ses parents face à plusieurs contrariétés, finisse, sans même le réaliser, par être dépassée par sa peur qui contrôle complètement son mental et lui ôte de plus en plus la capacité de raisonner normalement quant au besoin tout simplement vital de se nourrir.

Paradoxalement, mon entourage pensait que je m’aimais en me voyant déployer mille et un efforts pour ne pas grossir et avait de moi une image de personne sérieuse, raisonnable et responsable avec mes bons résultats scolaires puis mes bonnes appréciations dans le milieu professionnel. Mais en réalité, mon refus de manger était le reflet d’un non-amour de moi-même dont je n’avais même pas conscience. Plus particulièrement, m’alimenter de moins en moins était une façon de rejeter mon droit à l’existence.

Par conséquent, les parents doivent comprendre que le refus de manger n’est pas juste un caprice ou un rejet de la part de leur enfant, mais avant tout un rejet de l’anorexique elle-même qui ne s’aime guère. L’anorexique peut rejeter ce qui vient de l’extérieur en pensant se protéger, mais elle ne réalise pas qu’elle se rejette elle-même tout autant.

Et avec du temps et de la patience, une thérapie peut véritablement aider à reprendre la place que l’on ne croyait pas devoir mériter, non seulement au niveau physique en n’ayant de nouveau plus peur de s’alimenter, mais aussi émotionnel avec la fin du déni de l’anorexie et la prise de conscience de problèmes de confiance en soi et d’estime de soi trop longtemps enfouis et perfidement camouflés par les désirs de perfection et de contrôle du corps.

Vittoria PAZALLE
 

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