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Le travail corporel préliminaire à une psychothérapie

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Le travail corporel préliminaire à une psychothérapie

Mon point de départ dans la pratique a été un travail en tant que thérapeute en relaxation et en expression corporelle avec des psychotiques en institutions d'enfants et d'adolescents et c'est cette pratique de thérapie corporelle qui m'a moi-même amené à devenir psychothérapeute et psychanalyste. Je vais essayer de vous montrer l'importance qu'a pour moi une pratique de thérapie corporelle comme travail préliminaire à une éventuelle psychothérapie cette fois, verbale ou encore à une psychanalyse.

Un autre cheminement

Dans le travail corporel quel qu'il soit, que ce soit un travail de musique, un travail de relaxation, dans le mouvement, avec du matériel extérieur, (avec des enfants, on peut travailler sur des ballons par exemple), sur le contact avec le sol, quel que soit donc le travail, que ce soit un travail de clown également, ou un travail qui passe par la gestalt, un travail de jeu de rôle, il y a une concordance, pourrait-on dire, entre les mouvements, la façon d'être, la façon de respirer, de dessiner, de se tenir et la place que quelqu'un prend. Cela, nous le voyons très bien dans le jeu de rôle par exemple. Il y a donc là un travail au niveau de ce qui va se passer dans une thérapie corporelle, que ce soit le ramper, la façon de rouler, de se déplacer, même à quatre pattes pour un enfant, qui va être une approche par un chemin qui est celui du travail corporel, d'un autre cheminement plus intérieur. Travail qui va être également une approche d'une façon d'appréhender le monde dans le recul, ou dans le mouvement vers l'avant.
Et c'est à travers un travail corporel qu'une mise en question de cette façon d'être au monde peut commencer à s'opérer. C'est à dire qu'un enfant, un adulte, peu importe, puisse parler de son anxiété, que cela puisse s'exprimer au delà d'une socialisation telle qu'on l'envisage généralement dans l'éducation d'un enfant.

Un rôle thérapeutique

Surtout s'il est dans une place d'éducateur, il y a pour le thérapeute un rôle social, qu'il prend dans la réalité; mais il y a aussi, pour l'éducateur, et cela dépend de la place qu'il prend, un rôle qui peut être thérapeutique, même s'il n'est pas thérapeute désigné. Ce rôle, il peut le prendre à travers n'importe quelle activité, qu'il soit ergothérapeute, qu'il fasse du travail de kiné ou d'éducateur, l'important, c'est la place qu'il prend. La place qu'il prend pour que quelque chose puisse se faire d'un travail qui va permettre que la personne se dise, entre en relation avec l'autre, pour qu'à partir de son fonctionnement - et cela qu'il soit peu sûr de lui, sûr de lui, qu'il se montre, qu'il se découvre déjà ou pas encore - cela permette qu'il se découvre lui-même autrement que qu'il pensait être. Et cela même avec des psychotiques qui nous mettent exactement en face de notre point faible, même si eux-mêmes perçoivent également notre réalité non pas toujours comme nous la vivons, et qui peuvent nous mettre en face de la façon dont nous nous sentons, qui n'est pas nécessairement la façon dont nous sommes.


Un vécu signifiant

Mais justement, lorsque nous sommes dans un travail thérapeutique avec un patient, qu'il soit psychotique ou pas, d'ailleurs, ce qui me semble important, c'est que nous avons à vivre ensemble quelque chose de signifiant. Ce quelque chose de signifiant va passer d'abord par la rencontre d'un même ressenti, d'un même senti. Ce qui ne veut pas dire que l'on sent exactement la même chose que l'autre et que l'on va se laisser emporter par cela, mais qu'il était important, me semble-t-il, pour qu'il puisse y avoir transfert et puis interprétation, que quelque chose puisse être vécu ensemble, de façon intense même.

Les différents types de contact

Evidemment, le toucher est parfois embêtant dans le cadre du travail corporel qui peut se faire. Et ce qui me semble plus important, c'est de mettre l'accent sur les différents types de contact qui peuvent s'établir, parce que le contact n'est pas simplement le toucher, c'est également le contact visuel, c'est également la façon dont je me positionne par rapport à l'autre et dont j'entre en relation avec lui. Je peux le faire d'une façon envahissante, je peux le faire d'une façon qui respecte sa place à lui.

Relation identificatoire et cadre

C'est très important parce qu'une relation thérapeutique commence souvent par une relation identificatoire: "je voudrais être comme toi". C'est même par là que des choses peuvent se dire d'abord et que la suite peut s'amorcer. La suite nécessite, me semble-t-il, et surtout dans un travail corporel, qu'une certaine structure soit mise en place. Ce sera par exemple, de ne pas taper sur le thérapeute, mais de pouvoir le faire sur un coussin, éventuellement; cette structure minimale mise en place, permet qu'une histoire se dise, et que, déjà dans un travail corporel, certaines règles puissent être posées, qui seront elles-mêmes également préliminaires à un travail de parole.

L'interprétation

Et dans ce cadre là, l'identification va aussi permettre aussi que soit interprété le problème de la personne et que soit interprété au fond la jouissance: là où elle se place pour la personne. Mais l'interprétation, dans ce cadre là, ne consiste pas, comme on l'a souvent en tête dans le fait de dire à quelqu'un: "tu vis ceci parce qu'il y a eu cela". L'interprétation, c'est d'abord l'affaire de la personne elle-même, c'est à dire que cela lui appartient. Ce sont les liens qu'elle va pouvoir établir elle-même avec sa propre histoire. C'est même, dans un travail corporel, parfois encore plus a minima que cela, c'est pouvoir mettre en place simplement une alternance. Par exemple, pour quelqu'un qui se mettrait tout le temps à sauter, ce serait de pouvoir mettre en place l'alternance de sauter et puis de tomber. C'est à dire, qu'un plaisir puisse se mettre en place, plaisir qui est fait d'alternances dans le jeu. Et la notion de jeu me semble importante dans une thérapie corporelle pour qu'il puisse y avoir justement un endroit où je dis quelque chose de mon plaisir et non plus seulement de ma dépendance. En cela le corps peut être une mise en train justement par le mouvement, pour pouvoir se centrer sur son intérieur, sur ce contenu. Et l'interprétation trop rapide pourrait venir casser ce mouvement.

Etre dans le symbolique

Il s'agit donc de prendre le temps, d'être dans le symbolique. C'est à dire qu'à partir d'un jeu, comme celui de taper sur un coussin, par exemple, on peut amener quelque chose du symbolique par un, par exemple : "et si ton père et ta mère étaient là?". On est là dans un transfert qui commence par l'identification, où les personnes du père et de la mère peuvent être rejouées avec le thérapeute, dans un jeu qui justement, permet que nous rentrions dans l'histoire du sujet, sans pour autant être la personne sur qui il tape, mais pouvoir être dans le symbolique jusqu'au bout en disant par exemple ceci : "Et le père du coussin, où est-ce qu'il est ?" C'est à dire, d'être vraiment dans quelque chose qui n'est plus de l'ordre "et si l'autre était là ?" et "comment cela se passerait ?", mais d'être vraiment à parler comme l'autre le parle, c'est à dire entrer dans le délire de l'autre. “Et qui c'est, cette personne dont tu parles? Qu'est-ce qu'elle ferait ?” Plutôt que de dire: "Mais non, cette personne dont tu parles n'existe pas, c'est dans ton délire." C'est à dire de pouvoir rentrer dans une compréhension du réel de l'autre. C'est une chose qui est très difficile à établir, que l'on ne peut faire que par petits bouts. C'est à dire d'entendre quelques petits points de son réel à lui. Ce n'est jamais l'entièreté évidemment qui nous parviendra.
Cette mise en train permet d'amorcer tout un parcours, que ce soit dans l'espace ou dans le travail corporel, mais aussi dans un cheminement intérieur qui passe par les différentes identifications de la personne. Ce n'est pas un parcours qui va essayer de rentrer dans son fantasme, mais qui va passer par là où le mène le patient, le rejoindre là où il est dans cette sensibilité commune, qui fait que l'autre peut se dire non pas à travers moi - comme les psychotiques peuvent parfois justement le faire et nous angoisser en rentrant à travers nous, en nous coinçant sur notre point faible - mais en pouvant se dire face à l'autre.
L'interprétation est alors quelque chose qui rend la parole au sujet, qui lui redonne la parole avec ses propres mots, de manière à ce qu'une histoire puisse se jouer.

Le travail corporel est une demande

Dans un travail corporel, il y a une part importante de jeu, de jeu de son histoire qui peut se faire par exemple dans les jeux de rôle et il y a toute une part du travail corporel qui est aussi une demande. Généralement, le travail corporel est un préliminaire parce que la demande est d'abord une demande d'être cajolé, une demande que l'on s'occupe de soi, de son corps, une demande d'être aimé et d'être comme l'autre parce que l'autre est aimé également. Il est important dans cette demande d'amour, évidemment, de garder ce rôle thérapeutique où comme thérapeute, je ne suis pas l'autre, ce qui est d'autant plus difficile à faire que nous nous situons dans un domaine où la prise de conscience, le senti est important, de pouvoir être à la fois dans le maintenant, dans l'ici, et dans le rôle, c'est à dire avec le désir du thérapeute. Mon désir ce n'est pas d'être comme l'autre, ce n'est pas uniquement de ressentir la même chose que le patient, c'est de maintenir ce cadre qui permette à l'autre de se dire. Qu'il puisse s'exprimer lui à travers cette histoire qui est la sienne, cette histoire qui est aussi ce qu'il est en train de vivre dans son travail thérapeutique. Et donc, dans ce jeu de rôle et dans ces jeux corporels, de délimiter une scène qui permet que le rôle qui est en moi puisse se dire et que mon histoire puisse se refléter sur cette scène.

Des règles

Alors je parle donc de mettre un cadre, de mettre là des règles, il est évident que si je les impose, ce sera très difficile. Et que je risque moi-même de ne pas accepter ma propre frustration d'imposer une règle. Donc là aussi, il est important dans cette mise en place du cadre d'avoir une concordance entre moi, entre “comment je me sens, moi, avec cette règle et ce cadre”, et comment le patient va pouvoir l'accepter. C'est pour cela qu'il est très important me semble-t-il, dans un travail corporel préliminaire, que le thérapeute puisse mettre en place des techniques qui, pour lui aussi, font partie de son cheminement.

S'autoriser soi même

Pouvoir y aller de son propre désir, s'autoriser soi-même et on ne peut le faire que soi-même, à mettre en place pour soi et donc pour l'autre, dans un atelier, quelque chose que moi, je désire réellement mettre en pratique. Ce n'est, je pense, que dans cette condition là, lorsque le thérapeute y va de son désir, qu'il peut permettre à l'autre d'aller lui aussi au bout de sa parole, qu'il peut lui laisser la parole parce qu'il a pu s'autoriser, lui, le thérapeute, à mettre en place quelque chose qui est de l'ordre de son désir. Alors le cadre viendra de lui-même, il se reprécisera au fur et à mesure de la pratique, et la parole du patient pourra y trouver sa place.

L'invitation et la confirmation

Dans une écoute, il est important qu'il y aie un travail d'invitation, chose dont on parle peu en psychologie et en psychanalyse: il est important d'inviter l'autre à pouvoir y aller, de le reconnaître dans ce qu'il a pu produire comme travail, de reconnaître sa production, et aussi à partir de là, de pouvoir le confirmer dans sa production. Il ne s'agit pas simplement de le reconnaître, cela me semble une première étape, mais aussi de le confirmer, de le réaffirmer pour qu'il puisse aller plus loin. Pour qu'il puisse trouver au fond en lui non seulement ce qui l'oppresse, ce qui le préoccupe, mais aussi ce qui va le détendre. C'est là l'intérêt justement d'un travail corporel, c'est de pouvoir partir de la plainte, du symptôme, et de pouvoir faire une expérience concrète, non pas simplement de se cacher, comme parfois peuvent prêter à cela les mots, mais de pouvoir faire une expérience sensible où le patient fait l'expérience que il peut être détendu: il peut lâcher certaines tensions et donc à partir de là, il peut aussi se dire par une parole qui est vraie et qui est sienne.

Travail de relaxation

Et parfois, lorsqu'il y a un travail thérapeutique alors qui s'enclenche, un travail psychothérapeutique, ou un travail psychanalytique, il est néanmoins nécessaire encore qu'un travail de relaxation, par exemple, puisse à un certain moment prendre le relais dans l'après-coup pour que quelque chose d'autre puisse être écouté aussi au niveau du corps. Il y a des choses qui n'arrivent pas à se dire avec des mots, pour lesquelles les mots n'existent pas, parce qu'on est au niveau justement de la pulsion, au niveau du foetal, au niveau du préverbal, et qui viennent se dire autrement. Qui viennent se dire et qui sont à être prises justement avec beaucoup de respect dans le travail corporel, dans une psychothérapie corporelle, des choses qui sont là d'avant, d'avant peut-être la sensation d'avoir un contenu et qui ne peuvent se comprendre que dans l'être-là, que dans l'accompagnement, dans la proximité avec l'autre. Parfois à partir de ce qui se dit, mais parfois aussi, non pas à partir de ce qui se dit, mais à partir d'une complicité, c'est à dire au moment où on éprouve quelque chose de vrai en même temps que l'autre. Et peut être que le symbolique peut s'articuler là aussi. C'est à dire à partir de ce qui permet de se détacher d'une répétition - on fait toujours la même chose que ce qu'on a fait jusque maintenant dans sa vie sans avoir pu en parler - c'est à partir de ce qui est éprouvé que quelque chose peut aussi être dit, mais alors le mot est quelque chose qui est aussi éprouvé, le mot est quelque chose qui prend corps je dirais à l'intérieur de la personne, le mot est quelque chose qui fait corps avec soi-même, et c'est là que justement comme interlocuteur dans un travail thérapeutique, quelque chose de réellement signifiant se passe. Sinon, on est dans le corps-à-corps. Il y a une différence entre du travail thérapeutique et du corps-à-corps, c'est dans la mesure où je ne suis là que pour permettre au patient de pouvoir s'auto-materner, de pouvoir trouver justement cette indépendance qui est déjà présente dans le mouvement du tout-petit, même du foetus, qui lui-même répond à l'invitation, se met en mouvement, et puis va se relover par lui-même. Il y a déjà là une indépendance de se materner par soi-même et c'est là tout le but, je dirais, d'un travail thérapeutique qui est aussi de créer quelque chose de nouveau pour l'autre.

Création

Cette création peut passer par mille et une choses, cela a été évoqué tantôt à travers les différentes techniques possibles, je pense par exemple à un patient qui, dépressif, s'était mis à inventer, c'était pour son propre maternage, de créer un masque de fleurs. Ce masque de fleurs est vraiment ce qui lui a permis de commencer à parler, c'était son instrument à lui, parce que c'était à la fois une manière de se cacher, et à la fois une manière de se dire et d'être reconnu par l'autre à travers ses propres sensations, des fleurs qui au fond parlaient de lui. C'est aussi une métaphore.

Contact, respect et désir

Et lorsqu'un patient souhaite être aimé mais aussi être désiré par l'autre, il est important de pouvoir le dire, mais parfois cela ne peut pas se dire par des mots, parce qu'il est là au niveau justement du fait d'être objet de désir de l'autre, donc non pas encore sujet mais encore objet. Et ce désir là, il peut se dire par le jeu, il peut en tout cas se dire je pense, lorsqu'une relation, lorsqu'un contact a été établi avec le thérapeute, et cela ça me semble vraiment primordial, c'est qu'une fois que le contact a été établi, un contact qui respecte l'autre, qui le laisse venir vers soi, à ce moment là les choses peuvent se dire. A ce moment là , la pulsion peut s'exprimer et ce qui se vit à l'intérieur de la personne peut se parler en retrouvant son propre désir à elle qui n'est plus alors “occupez vous de moi”, mais qui est “j'ai pu être réaffirmé dans ce que moi je sentais et je peux maintenant le dire avec mes propres mots”.

Ce texte a été proposé comme conférence lors de la journée de mai 1995 de l'ABS (Association Belge de Somatothérapie), cette intervention orale est ici retranscrite.

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