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L'écoute du symbolique du corps

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L'écoute du symbolique du corps

LE CORPS PARLE
Comment le corps parle-t-il ? Comment le corps est-il d'abord une façon d'être dans le mouvement, dans la manière de nous tenir, d'être présent dans la place que nous occupons dans une pièce ! ? Et donc nous pouvons approcher la personne dans sa façon d'appréhender les autres, d'entrer en relation, avec le monde : cette façon peut être simplement dans le recul par rapport à l'autre, dans l'approche, dans «l'allant vers » ou dans l'hésitation. Et l'écoute de l'inconscient du corps, c'est tout ça : tous ces aspects, ces différentes façons de parler à travers le corps : "la geste".
Il s'agit aussi dans un travail d'accueillant et dans une écoute, non seulement d'écouter et de percevoir tout cela mais de vivre avec ces différentes façons de parler ; de vivre ensemble avec l'autre quelque chose de signifiant, non pas simplement de réel, mais qui ait du sens. Essayez donc de vivre avec ce corps, avec cette personne en sentant quelque chose de ce qui se symbolise. Cela implique d'abord d'avoir un grand respect pour la place qu'occupe l'autre, et qu'occupe ce qu'il vient de dire à travers son corps.
C'est la première chose pour que nous soyons présents, pour qu'il accepte que nous soyons présents avec lui dans le symbolique : respecter et puis éveiller quelque chose pour que l'autre puisse se laisser aller à venir vers vous, à venir se confier.
Cette attitude qui permet à l'autre de venir à soi est déjà présente dans l'invitation que je fais à l'autre dans ce qu'il vit. Il ne s'agit pas tellement d'être l'écoutant qui "fait " quelque chose mais c'est dans la mesure où je vais inviter l'autre à venir, à pouvoir y aller, se confier, parler que je vais pouvoir aussi en retour écouter et ensuite confirmer ce qu'il m'a confié.
Cette attitude de confirmation dont on parle peu en psychologie et en psychanalyse, si peu présente dans notre civilisation, peut se traduire par un geste. C'est à l'occasion la main sur l'épaule qui vient dire "mais oui, voilà ce qui s'est vécu, voilà ce qui s'est dit, je te le confirme" et d'une certaine manière à ce moment là la parole s'incarne dans le corps, la parole prend place, est ressentie et est vécue. Cette confirmation peut être un regard ou tout simplement une parole mais qui vient reprendre, redire, redonner à l'autre ce qu'il est, ses qualités d'être : "voilà qui tu es, ce que nous avons vécu ensemble, ce qui s'est passé". Donc cette parole vient "prendre corps" à l'intérieur du corps, elle est vécue, elle est ressentie, si elle est juste, c'est à dire si elle vient au bon moment, dans un temps d'intuition de ce qui s'est passé.
C'est certainement une des choses pour laquelle j'insiste le plus en formation, c'est cet outil de la sensibilité auquel l'écoutant a à donner toute sa dimension, particulièrement dans la sensibilité, non seulement des différents organes de sens mais aussi de l'intuition, cette sensibilité du cœur.

QUELQU'UN D'AUTRE
Lorsque quelqu'un nous parle, c'est lui qui parle mais aussi parfois à travers lui, quelqu'un d'autre, il se fait que : qui je suis, passe d'abord par le fait d'être quelqu'un d'autre.
Pour l'enfant c'est tout le processus d'identification qui va donner lieu au fait qu'il parle et au fait qu'il soit à la fois lui-même dans sa gestuelle, dans son caractère (qui est déjà perceptible dans la période fœtale, chaque enfant ayant sa façon d'être), mais qu'il incarne aussi ce qui lui sera donné à voir et à entendre par ses parents et par les personnes qui lui sont proches.
Et dans tout le travail psychologique il y a quelque chose qui vient se répéter, qui se transfère, de la façon dont il a été avec les autres et dont ils ont été avec lui qui, inévitablement, fait que l'enfant vous prend aussi pour quelqu'un d'autre. Il va nous faire incarner justement différents personnages. C'est en parlant à nous-mêmes, autre que la personne qu'il nous fait incarner, en mettant ce décalage, (il nous parle comme à sa mère mais ce n'est pas sa mère) que quelque chose d'autre : du tiers, va advenir et que, peut-être, il pourra en retour parler à sa mère autrement.
Ainsi non seulement mon corps est en partie identifié au corps de l'autre, mais il a aussi plusieurs vécus. Je peux également être différents corps moi-même, non seulement ces corps physiques mais également émotionnels, psychologiques, spirituels : ces différents corps, ces différentes qualités de corps dont on peut parler, qu'on peut sentir aussi à l'occasion. Donc il y a ces différents corps vécus à différents moments de ma vie ou ces différents états dans lesquels j'ai vécu mon corps.

UNE SERIE DE REGISTRES
L'écoute de l'inconscient du corps va donc passer par toute une série de registres : le corps de l'autre, le corps de la personne, les différents corps de la personne, les différentes qualités de corps aussi. J'amène cela pour essayer de vous faire sentir combien ce travail va être complexe et combien il va être ancré dans l'histoire de la personne et dans l'histoire précoce. Il m'arrive que de plus en plus de patients viennent parler, revivre le vécu de leur vie fœtale et, combien suis-je frappé de ce que bon nombre de personnes dans leur façon de se comporter, de vivre leur corps viennent incarner cette période de leur vie sans s'en rendre compte le moins du monde si ce n'est lorsqu'ils se mettent à l'aborder.

LE SYMBOLIQUE
Personne dans aucun cadre théorique qui soit n'a la vérité, mais c'est là où différentes théories se rejoignent que l'on peut sentir combien il y a des intuitions humaines qui sont là, dans les histoires bibliques, dans les histoires traditionnelles : l'homme a perçu à certains moments de son histoire certaines vérités que l'on peut retrouver à d'autres moments.
En ce même temps je ne suis pas de ceux qui croient que le symbolique est quelque chose de tout fait. J'entends trop souvent les thérapeutes dire : "oh ! oui, s'il y a un eczéma, c'est qu'il y a un problème avec la mère", "C'est qu'il y a un problème de peau donc c'est un problème du poumon, un problème de tristesse", si l'on suit soit l'embryologie, soit la médecine chinoise. Et tout ça est vrai, mais là où je rejoins tout à fait la phase de LACAN : « à mettre trop de sens, on ne fait qu'entretenir le symptôme », c'est qu'il ne sert à rien de dire à l'autre : "si vous avez un eczéma c'est que vous avez un problème de peau, de tristesse et de poumon " et ainsi de suite.
Là où cela devient intéressant, c'est de voir ce que ça veut dire pour l'autre lui-même et ce que lui va pouvoir créer comme sens, mais sens qui va pouvoir amener à drainer, dirait-on en homéopathie, avant de faire disparaître ou de vouloir faire disparaître le symptôme.
Si vous donnez le médicament "juste" pour un eczéma, vous risquez d'avoir une flambée, en effet au niveau pulmonaire si vous n'avez pas drainé auparavant. Ici aussi si on travaille rien qu'avec le toucher ou les mots, et également avec des doses homéopathiques mais avec le mot juste ou avec le toucher juste, il y a lieu de prendre son temps pour que les mots puissent se drainer avant d'avoir l'effet fulgurant.

L'IMAGINAIRE
Je voudrais développer l'autre sphère : du fantasme. Il est évident que tout ce langage n'est pas seulement là parce que c'est comme cela dans le corps. C'est comme cela dans le corps parce que ça passe par l'image que j'en ai, l'image inconsciente du corps, (même si certains psychanalystes l'ont désincarnée), ce que DOLTO avait bien repéré là, n'est pas démodé, c'est à réactualiser.
Par le fantasme de la mère dévorante, par exemple, d'autant plus dévorante qu'elle était ressentie déjà in utero comme peu affectueuse. Et ces fantasmes, celui-ci ou d'autres se baladent, un peu comme des radicaux libres qui font qu'à la fin, non seulement je me bats contre ces fantasmes, mais je peux en avoir des signes dans le corps, d'abord dans mon immunité. L'immunité qu'est-ce, si ce n'est peut-être l'image que j'ai de moi-même justement. Beaucoup d'enfants ont très tôt des problèmes d'immunité, d'allergie, qui viennent signer combien ils ont dû déjà se battre pour exister : parce que : menace de fausse couche ou un jumeau décédé en cours de grossesse…Et cette lutte intérieure vient signer cette image de soi déjà en lutte pour son immunité.
Si je n'arrive pas à trouver cette identité de moi-même, il se peut que ce fantasme me dévore tellement que je développe une maladie auto-immune ou j'irais moi-même "me manger" mes propres cellules avant que de développer peut-être dans tout "son fruit" un cancer qui est la mère dévorante qui me dépasse complètement.
Il y a intérêt à pouvoir faire exprimer à l'autre, non seulement le vécu du corps mais aussi de toutes les émotions qui l'accompagnement et qui sont vraiment le moteur de la production fantasmatique. FREUD lui-même avait déjà bien repéré que le mot n'était rien sans l'émotion et que l'émotion était justement cette espèce de radical libre qui était à repérer.

L'ETHIQUE DU FORMATEUR
Je vais continuer sur quelques considérations que je vais reprendre de l'éthique du thérapeute et du formateur et que je vais paraphraser à partir de l'excellent livre qu'une de mes collègues Cl. KEBERS vient de publier : « Mort, deuil, séparation. Itinéraire d'une formation. » Dans les formations à l'écoute, dans d'autres formations, le vécu corporel a sa place. Il ne s'agit pas d'un savoir à communiquer mais d'un éveil comme je le disais en commençant, pour que chacun puisse faire un chemin qui lui est propre et créer ce qu'il pourra pratiquer et éventuellement lui aussi éveiller chez d'autres, et transmettre, quelque chose qui reste.
Le corps se trouve entrelacé entre les mots.
"Exister en sécurité avec son corps et avec ses mots" me semble une préoccupation et une priorité majeure dans les formations, pour arriver à ce qui peut être tenté pour un écoutant et si pas requis pour un thérapeute, qu'elle qu'il soit, : que lui-même puisse trouver les "épousailles" entre les mots et les corps qui sont les siens, de manière à pouvoir aussi aborder l'autre, le patient, le souffrant avec respect, avec beaucoup de tendresse, avec cette intuition dont je disais qu'elle est pour moi la qualité première du thérapeute. Avec beaucoup de légèreté, là où justement je suis à l'écoute des différentes "palpitations" de l'autre : sa respiration, son rythme cardiaque… Donc une infinie tendresse, une «humaine tendresse »…
Mais en même temps le verbe s'incarne dans le corps. Alors cela requiert une empathie, mais une empathie encore différente de celle qu'on retrouve dans les jeux de rôle, une empathie corporelle. Qu'est-ce que c'est ? Si ce n'est peut-être justement sentir avec mon propre corps, comme outil de résonance, ce qui se passe dans le corps de l'autre à ce moment là.
Ce corps où l'âme est à fleur de peau.
Parfois c'est à travers un seul regard que ce moment d'intuition va se manifester. Moment où, les épousailles du corps et du mot vont se relier, se croiser : le corps, les mots en un croisement qui est peut-être celui du cœur. C'est là cette place juste, non seulement ce mot, mais cette place juste que je peux vivre auprès de l'autre en lien avec son vécu, en lien peut-être avec le sacré de la personne, à ce moment là aussi.
On parle de "reli-gion" comme de ce qui me "relie" à l'autre et au-delà de la religion au sens propre du terme, de ce qui me relie au vécu spirituel, aux questions essentielles de l'homme.
C'est là où nous avons à substituer autre chose à "une loi du savoir" ou même de l'être ou du savoir-être, ou encore à une loi de l'énonciation. On a toujours envie que l'écoutant soit celui qui aie la bonne énonciation au bon moment. Et j'irais plus loin, être écoutant ce n'est pas seulement avoir une bonne énonciation au bon moment, c'est pouvoir entrer dans une loi, qui est une loi plus humaine, pas seulement du savoir, mais qui est faite d'incarnation. Où j'incarne non seulement qui je suis mais où j'incarne, et dans le transfert et dans le ressenti que je peux en avoir, ce qui vient se dire du corps et des mots de l'autre, dans mon propre ressenti et dans mon propre cœur.

IMAGINATION ET CROYANCE
Oui, ça peut être dangereux : il y a toujours une difficulté à faire une différence entre l'intuition et l'imagination parce qu'elles se logent quasiment au même endroit, dans la sphère émotionnelle. On peut se tromper évidemment. Ce n'est pas de l'ordre de la croyance mais du senti : c'est quand je sens quelque chose. Bien sûr je peux sentir des choses pour moi, qui soient de l'ordre du transfert, si l'autre transfère sur moi, et l'intuition que je peux en avoir peut être juste. Mais si c'est d'ordre de ce qu'on appelle le contre-transfert, c'est à dire ce dont au fond on n'a pas tellement à s'occuper quand on écoute l'autre mais dont on a plutôt à s'occuper en dehors du moment où on l'écoute, là on sent bien que nous avons tout le temps à être en cheminement. Et pour être écoutant, il est nécessaire d'être écouté soi-même très souvent pour pouvoir justement faire cette part des choses entre ce que je sens de mon histoire qui entre en résonance avec l'autre et ce qui est de son histoire à lui.

Elle s'exerce, aussi, l'intuition ; c'est quelque chose qui se travaille, qui s'opérationnalise progressivement avec les différents organes de sens qui se développent, c'est un senti qui se développe.

LE PLAISIR
Le danger de croyance, se serait d'idéaliser et dire : "C'est ça qui est bon, c'est comme ça que ça doit se passer," alors que c'est quelque chose qui est en continuelle ouverture et fermeture. Et je n'ai pas encore parlé du plaisir mais c'est aussi important.
Ecouter c'est un excellent travail de relaxation pour soi-même parce qu'à force de ressentir les vibrations de chaque personne qui parle et de les ressentir, avec le ventre, avec tout le corps, l'ossature, si je laisse l'autre venir à moi et "passer" et que je ne me tends pas avec cela, c'est un formidable travail de massage à longueur de journée pour soi-même. Et en même temps mon instrument de musique peut vibrer et sentir parfois des choses dès l'entrée. Sentir dans mon corps : "Tiens ça tire là, il a probablement un problème là, mais c'est trop tôt pour le dire".
Une fois que l'instrument vibre et est accordé, plus ou moins, c'est vrai qu'il y a du plaisir à laisser résonner l'instrument.
Pour ne pas vivre d'intoxication, c'est vrai que cela renvoie encore plus loin à la santé de l'écoutant peut-être même à l'histoire des générations avant soi : ce que soi-même on a reçu de ses parents, qu'on a vécu. Ce n'est pas pour rien qu'un écoutant doit faire un travail thérapeutique ou de formation pour se nettoyer un peu de ce qui l'intoxique déjà d'avant. Et c'est vrai que lui-même acquiert alors une sécurité et prend soin de lui-même, parce qu'être écoutant, c'est aussi prendre soin de soi à tout niveau, tant dans son alimentation que dans son hygiène de vie et de désencrassement. Et j'insiste beaucoup en formation sur ces deux temps qui me semblent importants : un temps de libération pour soi et de décharge, à chacun de trouver ses modes : par la nature, la peinture, la
marche et la parole… et des temps de ressourcement : se revivifier. Ca me paraît vraiment indispensable pour pouvoir se permettre de vivre plein de conflits : parce que c'est ça finalement être écoutant : c'est pouvoir se permettre «d'être » tout le temps. Les gens me disent souvent : "mais comment fais-tu pour, tout le temps, écouter des gens qui ont des problèmes, franchement ?". Mais ça nécessite de pouvoir se permettre d'être en bonne santé soi-même et d'y trouver du plaisir au point que ça devient riche.

LA SECURITE AFFECTIVE DE BASE
J'ajouterais qu'il y a là, ce que DOLTO déjà avait repéré dans l'image inconsciente du corps et qui a été repris par l'haptonomie : la sécurité affective de base qui se situe non seulement au niveau du ventre aussi à la base de la colonne. C'est tout cet espace de bassin, avec toute sa dimension osseuse, et en même temps basique sur laquelle TOMATIS insistait aussi dans la position d'écoute. Il disait qu'il est important d'avoir le bassin en équilibre et la colonne dégagée pour que la vibration se passe de l'oreille jusqu'à la base.
C'est très important : à la fois se soutenir et pouvoir résonner.
Il y a aussi les ischions : ces petits os sur lesquels on est assis. J'insisterais sur cette conscience des ischions qui donne la résonance. Si je ferme au niveau du bassin, si je ferme les ischions et croise les jambes notamment, je ne peux écouter quelqu'un au niveau affectif, je ne résonne plus au niveau affectif.

LE TRANSFERT ET LE CORPS
Geneviève LIENARD et moi-même avons écrit un article dans le n° 33 de la revue de "Somato" qui parle du transfert et du contre-transfert. Il pourrait ainsi que le livre "les somatothérapies" écrit par G. LIENARD et Richard MEYER être un point de départ à cette question. Je ne l'ai pas beaucoup développée ici mais cela pourrait être tout à fait passionnant de voir comment le transfert se manifeste aussi par le corps du patient et comment on le rejoint par les positions même du corps. Ce que les Chinois avaient déjà trouvé au niveau psychologique, on peut le retrouver avec quelqu'un qui a un symptôme : ce n'est pas le symptôme qui est à soigner, c'est le fait qu'il y ait de la tristesse, de l'air qui pèse, c'est là qu'on trouve en définitive la vraie souffrance.

ECOUTE ET CONTACT AFFECTIF
Comment allons-nous pouvoir nous-mêmes écouter ce qu'est le symbolique du corps pour nous ou pour l'autre ? Dans un travail de senti corporel de ce que le corps peut symboliser : travail du contact, du regard…

Texte réécrit à partir de la conférence donnée à la journée de l'Association Belge de Somatothérapie du 20/03/99

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