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Les désordres amoureux et le corps

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Les désordres amoureux et le corps

Préambule

Ce travail était l’occasion de prende un temps pour réféchir à ce qui traverse notre société en matière de moeurs amoureuses. J’avais besoin de faire un pont entre les perspectives individuelles et sociales dans le domaine de la vie amoureuse, en regard de mes deux axes professionnels, la psychothérapie en analyse bioénergétique, et le planning familial. Dans celui ci il s’agit de travailler à l’objectif collectif de favoriser des attitudes sociales positives envers la sexualité. Concrètement je fais ce qu’on appelle de l’éducation sexuelle et affective dans des écoles primaires et secondaires. J’interviens aussi dans des institutions pour enfants et adolescents afin d’aider des équipes éducatives à assumer la tâche sensible de « gérer la sexualité des enfants et des jeunes ». Ce contexte me confronte plus directement à la dimension sociétale des problématiques amoureuses qui impègnent les expériences  individuelles.

Je vais donc  lancer des pistes de réflexion en m’appuyant sur l’apport de  l’analyse bioénergétique, principalement son fondateur Alexander Lowen, pour éclairer ce qui se joue aujourd’hui. C’était aussi l’occasion de faire le tour de notre approche corporelle au sujet de l’amour.

 

1)    Le corps étalon

Avoir une vue d’ensemble de ce qui est en train de se jouer socialement est difficile : nous n’avons pas encore la perspective que donne le temps et nous sommes nécessairement partie prenante et donc aveugles vis-à-vis de ce qui est à l’oeuvre en nous.

A partir de ma lorgnette j’ai distingué une  tendance actuelle que j’appelle  la  culture du “corps étalon”. Elle n’atteint surement pas tout le monde de la même façon, mais il est clair pour moi qu’elle tend a s’étendre depuis un certain temps et mobilise, peu ou prou,  toutes les attitudes conscientes ou inconscientes des jeunes et moins jeunes d’aujourd’hui. Elle consiste dans le fait que la feminité/masculinité, (la désirabilité) aujourd’hui se mesure à l’aulne de la dimension sexy du corps. Le bonheur sexuel et amoureux semble  promis à celles et ceux qui ont un corps “canon”, aux mensurations assurance de plaisir intense, et à la mobilité qui promet comme l’étalon un plaisir proportionnel à sa beauté et ou a la vigeur qu’il manifeste. Et si le corps n’est pas assez canon, reste la possibilité pour chacun de s’en sortir par la gestuelle et les vêtements de “bombe sexuelle”. Clips musicaux et films hots, sont une source d’apprentissage abondamment suivis, La culture pornographique dans ce contexte fait office de référence en matière de comportements “amoureux”. Les adolecentes se sont arraché le petit manuel “Comment faire l’amour comme une actrice porno” écrit par une star du porno américaine.

Le corps est devenu étalon dans tous les sens du terme: étalon: norme en général, il faut être sexy; étalon: la mesure, au plus on est sexy, au plus on est désirable; étalon: le cheval “entier”destiné à la reproduction par ses qualités: métaphore de la puissance sexuelle. Mais aussi, étaler, exposer, mettre à plat, étaler, montrer avec ostentation, par vanité; et étaler, disposer sur la devanture pour la vendre.

Que le corps  soit investi et utilisé de toutes ces façons n’est pas un fait nouveau en soi, cela a toujours existé, ce qui est nouveau c’est l’ampleur de ces phénomènes aujourd’hui, et le fait qu’ils forment un tout qui se tient au point d’être devenu une culture.(chiffres de la chirurgie esthétique, la pornographie: à 11 ans 50% des enfants y ont été confronté , le commerce du sexe par internet, télé realité, loft etc…)

 

2)    D’ou je parle

Si ma lorgnette est celle des désordres amoureux, sous l’angle de l’enjeu de la sexualité et de son rapport avec l’amour, c’est certainement à cause du croisement de mon histoire personnelle avec celle de notre modernité.

Flash back: je m’appelle Violaine De Clerck et j’ai 15 ans en soixante huit. J’adore cette effervescence, j’y crois: “le monde et les temps changent, sur vos routes anciennes les pavés sont usés, marchez sur les nouvelles ou bien restez cachés...car le monde et les temps changent ”. J’y participe de la ou je peux. J’adore Bob Dylan et je me sens une petite soeur de John Baez. Je suis fascinée par Johnny et Brigitte Bardot, mais c’est en secret. J’ai peur que dieu m’appelle de là haut, et que je sois obligée de vivre dans la prison d’un couvent. Cinq ans plus tard je suis étudiante en psycho et je craque. La liberté sexuelle à vingt ans quand on a voulu être sainte à huit ans,  pas voulu être une putain à quinze, mais surtout pas rester sur la touche du marché des rencontres amoureuses à dix huit, ça fait exploser les repères et les défenses. Se déployer comme femme est la quadrature du cercle, quand profondément en soi, et sans le savoir on s’est figée, habitée par une haine sourde du désir. A vingt ans je fait le plongeon et risque un grand amour la terreur au ventre. Maman rejoint le discours des “libérés” et m’exhorte à la liberté, papa trouve que la morale fout le camp.... Une expérience traumatisante dans un groupe d’évolution m’amène au bord de la décompensation et du suicide.

Comme si j’avais pressenti le danger,  par instinct de survie j’entame une thérapie. En toute logique instinctive, je me tourne vers une « nouvelle thérapie » qui vient d’Amérique. Une thérapie par le corps ça me parle, une partie de moi même étant enfermée dans un profond mutisme.

Dans la tourmente, je me raccroche à ce fil, je parle de Lowen a mes amis qui cherchent une aide et des repères : « lui, il pousse pas, il travaille à intégrer... » Pour moi il est un « visage humain » dans cette révolution sexuelle qui brise les tabous et les défenses. Je lit “Le bonheur sexuel” sa vision que “la sexualité est l’expression physique de l’amour” est une réponse forte à mes aspirations. Je tiens autant à être libérée que j’en suis terrorisée. Il existe donc une liberté sexuelle compatible avec un grand amour qui dure et se transforme en une vie de couple durable et surtout vivante. Déjà en 1965 il bat en brèche la fausse libération sexuelle.Le libertinage n’est pas la liberté. Pour mon coeur de « vénus de la vieille école », bercée aux poèmes d’amour d’Aragon, et de « que serais je sans toi » il y avait une issue. Le plus rassurant pour moi étant que Lowen vivait vraiment une histoire d’amour de toute une vie, avec sa femme Leslie.

C’est finallement le pays de mon corps que j’ai retrouvé, et un mari lors d’un séminaire d’été de l’institut international.

La vision de Lowen de la sexualité et de son rapport avec l’amour a été déterminant pour ma vie professionnelle et personnelle, et est toujours restée une source d’inspiration. Je n’ai découvert et compris l’apport de Reich que plus tardivement.

La contribution de Lowen, à la suite de Reich dans la compréhension des problématiques amoureuses est ce qui a fait leur renommée et a en même temps été le plus déformé.Le nom de la bioénergie, est associé à celui de Reich. Celui-ci continue d’évoquer ce qu’on appelle le mouvement de libération sexuelle et des positions radicales sur la morale sexuelle. On en retient encore souvent le travail de “déblocage” des émotions et de la sexualité.

Reich comme Freud auparavant avaient déjà amorcé au début de ce siècle le grand changement des moeurs qui a aboutit à l’explosion des années septante. Celle ci n’était que l’émergeance dans le grand public, d’un processus sous-jacent qui avait auparavant gagné des sphères sociales limitées. Dans les années soixante les théories de Reich connaissent une renommée post mortem et ses techniques thérapeutiques sont utilisée parfois de façon radicales (communauté AAO, pour ceux qui s’en souviennent).Elles sont à cette époque avec la bioénergie et quelques autres “nouvelles thérapies”, vues comme une alternative à la psychanalyse et un outil de “libération”. Certes Reich a partir de 1925 a pris des positions sociales fortes dans le conflit entre l’amour et les conventions sociales. Communiste et thérapeute il prônait la “révolution sexuelle”comme propédeutique à la lutte des classes. Sa lutte contre la répression de la sexualité avait des allures radicales quoique par certaines de ses actions il peut être considéré comme le précurseur de la sexologie, et du planning familial.

Ces deux mouvements, somme toute salutaires, font actuellement partie de notre paysage social. Le mouvement sexpol était en fait constitué d’équipes pluridisciplinaires, des centres d’hygiène sexuelle comme il les appellait. Elles organisaient des séances d’éducation sexuelle, diffusaient de l’information sur la sexualité et la contraception pour tous et en particulier les jeunes.  Pour ceux ci Reich réclamait une liberté que nos jeunes ont aujourd’hui.

La masturbation n’est plus combattue, l’ infidélité et l’homosexualité ne sont plus des crimes etc. Ne disait il  pas quelque chose de juste  en disant qu’une société pour être véritablement démocratique devrait“soutenir et protéger la sexualité des enfants, des jeunes, et des adultes” Ceci se passait dans les années trente et quarante. Je ne vais pas m’étendre plus sur cette dimension de l’apport de Reich (même si elle mériterait d’être mieux comprises). Lowen n’a pas suivit Reich dans cette voie là, mais il s’est toujours intéressé aux tendances culturelles qui influencent les comportements individuels.

 

3)    Mon approche des désordres amoureux

-Avant de poursuivre sur le thème des questions amoureuses, je vais présenter les concepts de base de notre approche corporelle thérapeutique, ceci afin de permettre aux professionnels extérieurs présents de comprendre nos présupposés.

-Concernant les désordres amoureux, je reprendrais les apports de Reich et de la source freudienne avant d’en arriver à Lowen.  Pour ce travail j’ai relu « Le bonheur sexuel »(1)et « La peur de vivre »(2) , J’ai  redécouvert dans ces ouvrages la modernité de sa compréhension de la nature de l’amour humain et des mécanismes psychocorporels des difficultés amoureuses.

1)“Love and Orgasm”MacMillan publishing co.,Inc.Traduction française: Tchou editeur, 1977,1979.

2) “Fear of live” MacMillan PublishingCo., Inc.Traduction française EPI éditeurs, Paris, 1983)

. J’ajouterais une contribution de Virginia Winck-Hilton, analyste bioénergéticienne de la première génération après Lowen 

-J’aurais voulu, mais n’aurai pas le temps d’aborder la question du développement en l’analyse bioénergétique du courant récent qui consiste à considérer les problématiques 

d’attachement comme centrales et à développer la dimension relationnelle du travail d’analyse bioénergétique. Je crois que Jaime Perez va développer ce point de vue.

-Je terminerais en  revenant aux problématiques actuelles, avec une hypothèse de Lowen qui m’est parue très éclairante pour comprendre une dynamique qui les sous tend.

 

4)    Pour comprendre notre approche corporelle des perturbations psychiques

En analyse bioénergétique on considère que tout trouble de la personnalité, qu’il se manifeste dans  la vie amoureuse et sexuelle  ou dans toute autre sphère de la vie affective, est  le résultat d’une histoire, des évènements relationnels et émotionnels  qui ont jalonné la vie et en particulier l’enfance et l’adolescence de la personne et vis à vis  desquels elle a mis en place des défenses devenues chroniques. Ces défenses sont appelées le caractère. Elles ont aidé la personne à dépasser les évènements mais deviennent des entraves à la réalisation personnelle, entre autre amoureuse.

L’analyse bioénergétique est une forme de thérapie qui combine un travail corporel à un travail d’analyse verbal. Au niveau verbal le travail est semblable à ce qui se fait dans les thérapies analytiques. Mise en mots, analyse des attitudes psychologiques et interprétations. En analyse bioénergétique on considère le transfert et la relation thérapeutique comme deux leviers thérapeutiques fondamentaux. Ils sont aussi abordés verbalement et corporellement.

Le  travail corporel thérapeutique s’appuy sur la conception de Reich du lien entre le corps et l’esprit de considérer que dans la personne le corps et l’esprit sont profondément reliés. Pour lui le psychisme humain, (parce qu’il s’enracine dans les  expériences affectives émotionnelles), n’est pas une entité séparée du corps. Il est constitué à partir d’un continuum psychosomatique dans lequel processus corporels et mentaux sont profondéments reliés. Reich est considéré comme le fondateur de cette conception qu’il appelle : « l’identité fonctionnelle du corps et de l’esprit »

 

Identité fonctionnelle du corps et de l’esprit

On admet généralement que le corps et l’esprit s’influencent mutuellement, et que l’un soit le reflet de l’autre. Dejà dans l’antiquité on reliait un esprit sain et un corps sain ...plus près de nous Ferenczy avait mis en évidence que la détente musculaire favorisait la conscience de soi, et  Freud considérait que l’esprit était le lieu de représentations au niveau mental des pulsions ayant leur source dans le corps. Reich va plus loin en concevant que dans le psychisme, les processus corporels et mentaux, distincts au niveau de la conscience, sont indissociables dans l’expérience, l’éprouvé émotionnel.(voir shéma)

L’être humain au niveau de la conscience de soi, peut séparer expérience corporelle et mentale. En effet il a cette capacité spécifique de pouvoir s’observer comme de l’extérieur, et de se dissocier de l’expérience pour la nommer. A ce niveau nous sommes divisés entre l’instance qui analyse ce que nous ressentons et l’instance qui éprouve des sentiments, passions, émotions. Cette division inhérente à la condition humaine est liée à la faculté du langage et de la pensée faite de mots et de symboles et capacité de créer des concepts. Cette division est à la base du développement de cette instance psychique que nous appellons le Moi. (c’est une expérience de surface). Elle nous permet de nous séparer de notre expérience. Si la pensée nous permet de mettre des mots sur les sentiments, l’émergence du sentiment lui même échappe à notre volonté.  Notre conscience a le pouvoir de bloquer les sentiments.Le Moi de la personne peut se placer au dessus de sa condition instinctive. L’humain  est le seul organisme vivant qui possède une volonté consciente et une conscience de soi qui lui permette de post poser une action. Ses pensées peuvent intervenir dans le sens de contrer ses instincts. Certes pouvoir dominer ses instincts est nécessaire, de même que faire preuve de volonté même au dépend du corps.

Au niveau de l’existence de l’émotion et du sentiment, le corps et l’esprit, sont indissociables. Quand une personne est en colère, ce n’est pas son esprit qui est fâché et son corps qui frappe. A ce niveau les pensées sont déterminées par l’expérience émotionnelle. 

Cette unité du corps et de l’esprit est liée à la faculté de nous émouvoir.  Nous ne devons pas penser pour vivre une émotion. De la même façon , nous captons immediatement et sans passer par la pensée qu’une personne est triste quand elle pleure.  Nous ne pouvons pas créer le sentiment par la pensée.  Nous ne pouvons pas décider de tomber amoureux de telle personne à tel moment.

Le travail verbal a des limites lorsqu’il s’agit de produire un changement à ce niveau involontaire dela personne. Reich et à sa suite Lowen considèrent qu’un travail par le corps le permet. Cette unité corps esprit  est à la base de l’instance psychique qu’on appelle le Soi  elle est vécue comme un expérience située en profondeur (on va désigner le ventre comme le lieu de cette instance). Le Soi s’enracine dans les sensations corporelles. Elles fondent l’expérience d’être un individu, et d’être à la fois séparé et relié aux autres êtres humains. C’est par elles que nous nous sentons vivants et que la vie fait sens.

Dans l’expérience émotionnelle les frontières du Moi s’estompent. Cette expérience est ressentie comme un « abandon », un « lâcher prise », on ressent qu’on « se laisse aller ». Ce sera fort difficile voire impossible à faire pour les personnes dominées excessivement par leur volonté.

De la même façon que le bois et la corde de l’arc, doivent être solidement attachés l’un à l’autre, et suffisamment tendus pour permettre le lancement d’une flèche, les deux dimensions de la personnalité (Moi et Soi) doivent être à la fois suffisamment reliées et suffisamment tendues de façon à procurer équilibre et force. La métaphore de l’arc est de Lowen, je la trouve parlante. Si la tension est trop forte, comme l’arc, l’équilibre de la personnalité risque de rompre. Trop peu de tension produit une faible impulsion. Si les deux éléments ne sont pas profondément reliées, la personnalité peut se fracturer.

La particularité de notre civilisation occidentale une tendance culturelle à s’identifier plutôt à l’esprit, au Moi et à la faculté de penser, (“je pense donc je suis”).

Pour Lowen, l’homme moderne est trop identifié à son Moi et une rupture s’est produite dans sa personnalité entraînant  le clivage corps esprit à l’origine de troubles psychiques et corporels.  

D’autres sociétés ont développé des tendances culturelles à ne pas opposer corps et esprit et ont gardé contact avec cette réalité du lien profond entre corps et esprit. Ce qui est remarquable c’est qu’elles donnent une place au corps et ont toutes développé des pratiques corporelles dans la quête de l’équilibre psychique ou la sagesse Le yoga, le taichi, le souffisme etc....en sont des exemples.

Notre tendance culturelle remonte à l’antiquité ou elle a non seulement envisagé que corps et esprit étaient séparés, mais opposés.  Stoïciens, Esséniens, gnostiques, prônaient la supériorité de l’esprit, et reléguaient le corps au mieux au rang d’un instrument utilitaire, au pire à celui d’un fardeau qui inspire horreur et dégoût. Cette conception a su imposer ses lois de façon fluctuante au cours de l’histoire et selon les différentes couches sociales. A l’époque ou Freud et Reich développent leurs concepts et leur pratique, elle avait atteint un paroxysme.

 

La dimension corporelle de l’affectivité

Une autre façon de présenter les choses est de dire que Reich permis de mieux comprendre certains  mécanismes corporels de l’affectivité.

Cette réalité que les expériences affectives, sont des évènements corporels, chacun en fait l’expérience. Les expériences affectives englobent les émotions intenses comme la peur, la colère, la joie, ou celles plus subtile comme la confiance et la sécurité. Les évènements corporels dont on parle ici ne concernent pas ce que la science et en particulier les neuro- sciences nous révèlent ces dernières années, à savoir les mécanismes biochimiques impliqués dans les émotions. En élucidant ces mécanismes il ne dévoilent pas le mystère de ce qui déclenche les émotions, ni la question de savoir si ces mécanismes biochimiques sont cause ou résultat, mais il confirment aux yeux de tous la dimension corporelle des émotions.

Les processus corporels mis en évidence par Reich sont des évènements perceptibles et observables. Il s’agit de mouvements musculaires, impliquant la musculature lisse ou striée, des mouvements respiratoires, des réactions végétatives et énergétiques.

Reich  conçoit  que ces évènements corporels sont sous tendus  par des mouvements de l’énergie vitale, dont on perçoit les effets sous forme de sensations de courant, de flux,  de pulsations, de vibrations et frémissements. Il a appelé cette énergie  la « bioénergie »

Les perturbations psychologiques, résultant des chocs et des expériences émotionnelles  difficiles, ainsi que les défenses mises en place lors de ces expériences sont également des évènements corporels.

Ceux-ci sont faits de crispations musculaires chroniques pouvant atteindre la musculature lisse ou striée. Les émotions étant liée à du mouvement, la crispation chronique musculaire réduit, ou même supprime les sensations, en même temps qu’elle empêche l’expression en bloquant la poussée énergétique. En cela elle fonctionne comme un bouclier interne, c’est celà qui a conduit Reich a appeller l’ensemble des crispations chroniques d’une personne: une “cuirasse”. Et comme une cuirasse, ces crispations protègent des impacts venant de l’extérieur mais elles entravent tous les mouvements. Elles ont pour effait de bloquer et restreindre l’énergie vitale.

Imaginez un chevalier du moyen âge, qui garderait sa cuirasse au lit la nuit lorsqu’il se retrouve avec sa dame pour lui faire l’amour, et vous n’aurez pas de mal à vous représenter comment les mouvements seront entravés et la capacité d’exprimer et de recevoir l’amour aussi....

Ces crispations sont à  la base d’attitudes physiques rigides et figées. Le repérage de ces attitudes s’appelle la lecture du corps.

Les crispations chroniques  peuvent aussi altérer à bas bruit  le fonctionnement de certains organes en perturbant chroniquement leur spasticité. (l’appareil digestif, génital, etc.)

Nombre de nouvelles approches thérapeutiques “psycho-corporelles” font références aux crispations chroniques comme substrat des difficultés émotionnelles et des malaises existentiels. Les crispations chroniques réduisent en retour, parfois de façon  dramatique la capacité de gérer les émotions. Elles réduisent entre autre la fonction du corps d’être un contenant pour les émotions

Elles sont à la fois résultat de l’histoire et la cause de la perduration du passé dans le présent.

Ce sont ces crispations chroniques qui sous tendent le clivage corps esprit ainsi que toutes les perturbations du continuum psychosomatique de la personne. 

Le travail corporel thérapeutique consiste en une série de manoeuvres destinées à réduire ces crispations chroniques. Globalement il y a trois techniques de base pour ce faire: étirer, mobiliser par du mouvement, expressif ou non,  appliquer des pressions manuelles.

(Exemple la nuque ou les mâchoires).

Ce travail a pour effet de produire parfois de fortes décharges émotionnelles. Ces décharges sont liées aux évènements qui ont produit les crispations chroniques. Lorsqu’il s’agit, comme c’est souvent le cas,  de chocs émotionnels ou d’expériences intenses, la décharge est le traitement naturel de l’évènement. Mais la décharge n’est pas un but en soi dans la thérapie.

En analyse bioénergétique le travail corporel est aussi plus large que la réduction des crispations chroniques. Il y a du travail corporel de perception conscience, développement des limites, de contenance et d’intégration émotionnelle, d’enracinement.  Lowen le résume bien en disant qu’il s’agit de restaurer les fonctions de: perception de Soi, expression de Soi et possession de Soi.

 

5)    L’analyse bioénergétique et les désordres amoureux

Ah, l’amour, pourquoi une tendance si naturelle pose t’elle tant de tracas aux humains que nous sommes? Lowen et Reich à la suite de Freud sont d’accord pour dire que la raison est à trouver dans l’enfance. Chaque être humain, fait l’expérience de deux premières expériences d’amour, particulièrement intenses, avec ceux qui s’occupent de lui. La première avec la mère et la seconde au moment de l’oedipe. Ces expériences primaires, comme elles se produisent dans la toute petite enfance, à l’époque de la plus grande dépendance, et avant l’avènement de la conscience de Soi, vont marquer l’individu de façon indélébile dans les zones de lui inaccessibles à la conscience, dans son cœur, son corps et sa psyché. Comme ces expériences amoureuses se soldent souvent par des sentiments parfois très pénibles, voire traumatiques, on comprend aisément que, devenu adulte, se relancer dans l’aventure amoureuse, et risquer les  râteaux, les pelles  et autres vicissitudes que la vie amoureuse ne manquera pas de mettre sur notre route, sera une sine cure pour beaucoup

Alors qu’au niveau de sa conscience tout sera oublié, au plus profond de son inconscient l’histoire reste vivante et détermine les choix et comportements amoureux.

Reich et Lowen, s’intérressent à la façon dont le corps va être marqué par ces expériences. 

Dans la suite des travaux de Reich et dans le sillon creusé par Freud, Lowen considère que la sexualité a un place fondamentale dans l’origine des problèmes de personnalité.

A l’époque ou Freud et Reich développent leurs concepts et leurs méthodes thérapeutiques nous sommes dans les premières décades du vingtième siècle. Cette époque est profondément imprégnée de l’apogée de la tendance culturelle à opposer corps et esprit, à s’identifier aux oeuvres de l’esprit, à idolâtrer la culture occidentale en y voyant par nature, la civilisation la plus “évoluée” car ayant dominé ses bas instincts. Les deux guerres mondiales vont montre le contraire.

Un élément central de cette culture du mépris du corps, est le rejet voire le mépris pour la sexualité en elle même. Ceci entraînait d’autres clivages : on opposait amour et sexualité (désirer une femme était lui manquer de respect, même son épouse), sexualité et spiritualité (l’abstinence étant indispensable à tout démarche spirituelle), féminité et sexualité, (avec l’avènement de la double morale sexuelle).  Les spectaculaires symdrômes hystériques étant la partie visible de cet iceberg (civilisation bâtie sur la honte de soi, du corps, des désirs). Contexte pathogène s’il en est, dans laquelle la rencontre amoureuse ne pouvait qu’être entravée.

Pas étonnant que Freud et Reich se soient donné tant de mal pour donner à leur contemporains des réponses aux problèmes posés par leur sexualité.

Certains ont  peut être l’impression que j’évoque une époque très ancienne et révolue. Ce n’est pas mon avis, et je pense au contraire que cette tendance reste vivace. C’est à mon sens une tendance lourde qui nous influence encore beaucoup. Elle est manifeste dans certains milieux qui sont resté hermétiques à l’évolution des mœurs. Elle se tapit dans les inconscients, dans les profondeurs de nos tripes, masqué par des comportements nouveaux. Si on y réfléchit bien, entre Freud et nous il y a à peine trois générations, (tout au plus quatre), ce n’est pas beaucoup de temps pour opérer des changements en profondeur. Ces tendances  nous influencent dès la naissance et dans la construction de notre personnalité. La clinique nous montre quotidiennement ces tendances de fond, qui côtoyent bien sur des tendances nouvelles. Les réponses données par Reich et Freud, à leurs contemporains, restent valides pour les nôtres.

 

Freud   

De quoi est fait le sillon Freudien dans lequel Reich et Lowen s’inscrivent:

-L’existence d’une sexualité infantile, à l’oeuvre dès la naissance. Il élargit la notion de sexualité jusque là identifiée à la génitalité. Dans l’enfance jusqu’ à la phase dite génitale la sexualité n’est pas séparée du reste de ses expériences.

-L’existence de l’inconscient par lequel Freud bat en brêche la haute idée de ses contemporains de leur civilisation et leur croyance en la maîtrise de leur destin par la volonté consciente. Il révèle que nous sommes dominés dans nos motifs par une part de nous même inconsciente que nous refoulons pour qu’elle reste inconsciente.

Cette part de nous est faite de pulsions, des pulsions sexuelles et meurtrières.

-Une conception des perturbations de la personnalité qui réduit la distance entre le “normal” et le pathologique, celui ci n’étant pas le fait d’une nature dégénérée mais d’une fixation à une étape de développement par laquelle nous passons tous.

-La mise en évidence qu’il existe une étape du développement psychosexuel qu’est la phase oedipienne.dans laquelle tout enfant vit une passion amoureuse pour l’un de ses parents et rivalise avec l’autre. Etape qu’il devrait résoudre en renoncant à cet objet d’amour impossible pour aller aimer ailleurs et fonder une famille à son tour.

-Le développement d’une méthode psycho-thérapeutique qui permet de lever le refoulement par une approche verbale d’analyse, par l’interprétation des associations et des rêves, combinée avec l’analyse du transfert sur le thérapeute des désirs inconscients.

L’apport de Freud fut et reste considérable. Par l’analyse le hiatus corps esprit peut être réduit, car le Moi va pouvoir intégrer une part plus grande de sa part “instinctive”. Par l’analyse la personne redevient “sujet de ses désirs”.  

 

Reich

Reich est au départ enthousiaste vis à vis de Freud (qu’il rencontre jeune, alors qu’il est étudiant en médecine) de ses concepts et de sa “méthode”.Il va rapidement pratiquer la psychanalyse. Il est progressivement interpellé par les difficultés posées par les personnes souffrant d’une forte inhibition émotionnelle. Il observe que celle ci accompagne toujours  l’inhibition sexuelle. Pour ces personnes, les interprétations ne produisent pas beaucoup d’effets, et les changements sont maigres. Il découvre aussi que ces personnes ont des  attitudes corporelles figées et une forte restriction de la respiration. (Il raconte comment un patient lui fait découvrir cela). De fil en aiguille il comprend que ces attitudes rigides et figées sont la dimension corporelle de l’inhibition sexuelle et émotionnelle. Cette découverte lui fait prendre sa direction spécifique, au niveau des concepts et de la pratique.

 

Réflexe orgastique et impuissance orgastique.

Reich va se mettre en évidence qu’au paroxysme du plaisir, au moment il se produit un mouvement spécifique tout à fait involontaire et qui implique le corps en entier. Il  appelle ce mouvement : le réflexe orgastique. Lorsque ce mouvement  se produit,  les sensations de plaisir envahissent profondément tout le corps (et pas seulement les zones génitales et érogènes). Il est l’expression que la personne s’abandonne à l’amour dans ses dimensions sexuelles et affectives. Les limites du moi s’ouvrent et permettent une profonde union avec le partenaire. Ce réflexe orgastique ne joue son rôle que lorsqu’il se produit spontanément comme un résultat. Son rôle étant la décharge d’énergie psycho-physique.

La réalité de ce réflexe orgastique ne fait aucun doute. Pour un observateur averti il est facile d’observer que ce mouvement “orgastique “est présent dans toutes les danses de tradition africaines, sud-africaine  et orientales. La pratique de la danse est sûrement une façon de cultiver ce réflexe orgastique. Celui-ci peut se vivre en dehors de l’expérience génitale,  comme une expression naturelle de notre sexualité non génitale.

Reich trouve dans ce mécanisme une clef importante pour comprendre la dimension corporelle des perturbations amoureuses et aussi une voie pour les traiter. Les peurs engendrées par la violence exercée sur la sexualité, entravent littéralement la capacité d’aimer, en bloquant ce réflexe orgastique. La cuirasse de tensions peut atteindre tous les segments du corps et en particulier celui du ventre du bassin et de la sphère génitale. Il appelle cette condition l’impuissance orgastique. Celle ci concerne les femmes comme les hommes. Il  la différencie  de l’impuissance sexuelle classique. En effet elle peut être présente en cas de réaction sexuelle  normale. Reich parle dans ces cas d’orgasme partiels. (il appelle orgasme total celui qui est accompagné de ce réflexe orgastique) L’intensité et la satisfaction éprouvée dans l’acte est dans ces cas plus ou moins réduite. L’expérience de l’orgasme est pour lui l’expression physique de l’amour, la puissance orgastique est synonyme de capacité d’aimer. C’est cette liberté là qu’il voulait retrouver pour lui et pour ses patients.

Reich met en évidence que toutes les névroses produisent un certain degré d’impuissance orgastique, et que l’impuissance orgastique est le mécanisme qui maintient la névrose. A partir de là Reich va aider ses patients résoudre leur impuissance orgastique  en les guidant dans leurs pratiques sexuelles, et en s’attaquant à leurs crispations chroniques pour restaurer le réflexe orgastique par du travail corporel. La  restauration de  la puissance orgastique est un nouveau but thérapeutique qui s’ajoute à l’analyse. 

 

Emotion-sexualité

Cette découverte du réflexe orgastique est un élément clef pour comprendre le lien entre émotion, sexualité et respiration .Reich met en évidence que ce réflexe orgastique se produit  dans toute décharge émotionnelle et de façon subtile dans chaque respiration. Cette découverte permet de comprendre le mécanisme du lien direct entre inhibition sexuelle et inhibition émotionnelle que Reich  avait observé comme une constante chez ses patients. Le mécanisme de blocage des émotions est aussi sous tendu corporellement par le bloquage du réflexe orgastique.Ceci explique pourquoi un blocage émotionnel entraîne un blocage émotionnel et vice versa. De même une décharge émotionnelle peut entraîner une décharge sexuelle et vice versa. On connait l’effet érotique qu’une expérience d’émotion profonde a l’occasion d’un deuil peut susciter, inversément il n’est pas rare qu’une expérience de satisfaction sexuelle profonde déclenche un flot des larmes. On peut comprendre par là que la vie  sexuelle d’un couple sera conditionné par la qualité des échanges émotionnels entre les partenaires .

La cuirasse qui  réduit  la capacité d’aimer réduit du même coup celle de s’abandonner aux émotions. De là vient l’insistance de Reich  sur la décharge émotionnelle dans la thérapie.

 

Respiration

L’importance de la respiration est aussi un élément fondamental des découvertes de Reich. Dans l’expérience sexuelle comme dans les expériences émotionnelles il se produit une modification de la respiration que le blocage de la respiration empêche. Dans toute respiration, non restreinte, le réflexe orgastique se produit. Reich et à sa suite Lowen accordent une grande place au travail sur la respiration dans la thérapie. Il ne s’agit pas d’apprendre une technique respiratoire, mais d’encourager une respiration profonde, comme celle qui se produit naturellement dans toutes les émotions intenses. Lowen a même conçu un outil pour faire ce travail qui s’appelle le « tabouret » bioénergétique.

Reich ne remet pas en cause de l’existence de l’oedipe ni de l’inconscient, pour lui les crispations chroniques sont le mécanisme corporel de du refoulement. Ce qu’il remettait  en cause par contre la conception de Freud qu’une névroses soit le résultat d’un déséquilibre interne (entre les forces du Moi, du Ca et du Surmoi) du a une difficulté  à intégrer la dimension de la sexualité “traumatique par nature”. Pour Reich et à sa suite Lowen, la sexualité est devenue traumatique pour des raisons sociales et culturelles.  Il considère que les personnes souffrant de problèmes affectifs ont subit des traumatismes au niveau de leur sexualité du à la violence sociale à l’encontre de la sexualité, répercutée dans la famille par les parents. L’ensemble des concepts que je viens de présenter sont élaborés entre 1922 et 1930. (Reich élabore le concept de puissance orgastique en 1922, “la fonction de l’orgasme” en 1927, “l’analyse caractérielle” en 1928, la “révolution sexuelle”en 1930).

Des situations cliniques, montrent que le rejet voire le mépris de la sexualité reste une réalité actuelle.  Voici ce qui arriva à un jeune homme de mes patients, lorsqu’il avait environ 6 ans. Toute la famille, parents, oncles,  tantes, cousins et cousines étaient réunis à la campagne pour un après midi champêtre. Il s’aventure avec une cousine  dans les fourrés, et ils partent à l’exploration des mystères de leur anatomie. Le père de la cousine les surprend et fou de colère empoigne le garçon par le collet, l’amène dans le cercle de la famille en hurlant: “sale porc que fais tu à ma fille!”  Personne ne prend la défense de l’enfant qui  s’en ira honteux et cassé, le coeur empli d’effroi et de haine. Cela se passe il y a peu de temps, dans une famille moderne et large d’esprit. L’enfant devenu adolescent et puis jeune homme, n’aura de cesse de rendre folle de lui des jeunes filles pour se venger du père. Il développera aussi le syndrome de dissocier amour et sexualité, il est incapable de vivre la dimension sexuelle de sa passion avec la femme qu’il aime. Il a un besoin compulsif d’être accueilli dans son désir,  qu’il ne peut assouvir que  chez des prostitutées.

Je pense à une femme qui se sent damnée ou diabolique si elle se laisse tenter par le plaisir en solo. Tous les milieux sociaux n’ont pas été atteints de la même façon par l’ évolution vers une attitude positiv envers la sexualité. Et comme je le disais un peu avant, la société dans son ensemble reste marquée par cette tendance profondément enracinée dans notre culture.

 

Lowen

La sexualité est l’expression physique de l’amour

Vers la fin de sa vie Reich abandonne progressivement  la dimension d’analyse dans la psychothérapie, et s’attache surtout à  restaurer le réflexe orgastique et à améliorer le niveau d’énergie par la voir corporelle. Il espère trouver une méthode thérapeutique à grande échelle. Lowen s’en sépare et ne le suit pas dans cette voie. Lowen se base sur la même conception que Reich que : amour et sexualité sont profondément reliés. Notre affectivité est profondément liée à notre destin biologique.Ce sont deux dimensions d’une même expérience qui entretiennent entre elles le même rapport que le corps et l’esprit. Les considérer comme des domaines distincts est une tendance culturelle pathologique de l’occident liée à cette opposition entre le corps et l’esprit. Cette dissociation de l’amour et de la sexualité est présente de façon plus ou moins marquées selon les individus en fonction de leur histoire particulière. Elle est sous tendu et entretenue par des mécanismes corporels.

 

Puissance orgastique

Dans son entrée en matière pour son livre“Love and Orgasm”, le premier qu’il consacre à la sexualité, Lowen annonce qu’il s’inscrit dans les pas de Reich et de  son concept de puissance orgastique-capacité d’aimer:

Si la psychanalyse donne à l’homme éclairé de nombreuses réponses aux problèmes posés par sa sexualité, elle fait peu pour dissiper son sentiment de culpabilité ou le délivrer de ses frustrations; ces dernières n’étant pas dues à quelque difficulté à accomplir l’acte sexuel, mais à une aptitude à en tirer la joie et la satisfaction promises par l’amour physique” (3)

Si Lowen part du même concept de puissance orgastique c’est pour l’élargir, et ce de plusieurs façons.

 

Sexualité et personnalité

Premièrement, il élargit la perspective de la sexualité, en tant que conduites et activités génitales. C’est son expérience de thérapie personnelle avec Reich qui l’y conduit Il raconte souvent comment après quelques années de thérapie chez Reich et le rétablissement de sa capacité orgastique, ses problèmes sexuels n’étaient pas suffisamment résolus car subsistaient des  problèmes de personnalité. Il estime que Reich était trop focalisé sur la génitalité, hors dit il: “le comportement sexuel d’un individu ne peut être compris que par rapport à sa personnalité” (3)(page 13). “On ne peut séparer le comportement sexuel de la personnalité de l’individu: la sexualité en est une partie ou un aspect qu’on ne peut non plus modifier sans modifier aussi la personnalité”.

Toute dissociation dans la vie amoureuse est reliée à un problème de personnalité.En analyse bioénergétique, les troubles de la personnalité sont compris comme le résultat des défenses mis en place lors d’évènements relationnels et émotionnels trop pénibles. On appelle l’ensemble de ces défenses la structure caractérielle. Les structures caractérielles sont liées au type d’interférences perturbantes  spécifiques rencontrées dans l’enfance jusqu’à l’adolescence.Toutes les structures caractérielles produisent une rupture dans le continuüm psychosomatique qui va se  répercuter dans la sphère amoureuse et sexuelle, et dans le corps.”Le terrain commun de la sexualité et de la personnalité est le corps. »dit Lowen.

Les trois ruptures fondamentales dans la personnalité sont : la dissociation de la tête et du corps, de l’agressivité et de la tendresse, du coeur et du sexe.

 

Les personnes dominées par la coupure tête et corps se sont senties dangereusement menacés à l’aube de la vie  quand elles avaient un besoin fondamental de sécurité.(exemple de la couveuse). Elles se sont figées profondément et se sont désincarnés. Elles ont remplacés leur vrai soi, par des images de Soi  auxquelles elles se sont identifiées. Elles surinvestissent le monde intellectuel au détriment du monde subjectif. Les émotions et sentiments sont vécus comme des défaites pour le Moi. 

3) Lowen “Le bonheur sexuel” Tchou editeur, 1977,1979,page 11)

L’intimité amoureuse et sexuelle est menacante  car elle risque de submlerger le Moi.  

Sa conscience l’empêche de s’abandonner.Au niveau corporel les sentiments sexuels sont réduits par une condition physique  figée Il y a une sévère tension profonde à la base du crâne.  S’abandonner à l’amour équivaut à perdre la tête, dans tous les sens du terme: perdre le controle, devenir fou, être submegé par des sensations et sentiments et y être anéanti. Au niveau énergétique il y a une coupure entre la tête et le corps.

La coupure entre la tendresse et l’agressivité est sous- tendue par une ambivalence “amour/haine” non résolue. Les sentiments d’amour court-circuitent l’agressivité et vice versa. Il en résulte une division dans les comportements entre une attitude “doucereuse” et sans passion, et des comportements rudes voire violents. La passion amoureuse résulte du mélange d’un courant tendre et d’un courant agressif. Les personnes dissociées à ce niveau vont soit manquer de cette énergie pulsionnelle que donne l’agressivité au point parfois d’éteindre le feu de la passion, soit manquer de cette tendresse qui rend la pulsion humaine.

Au niveau corporel, des sévères tensions enserrent les deux lieux du corps ou agressivité et tendresse se rejoignent: dans le bassin et dans la région orale (comprenant la mâchoire, les scapulaire du cou et de la nuque). Il y a dans ces cas une rupture énergétique entre l’avant du corps et le dos.

La coupure entre le sexe et le coeur, est le résultat d’expériences oedipiennes qui ont représenté une difficulté primordiale, et desquelles la personne est ressortie profondément blessée dans sa masculinité/féminité. Ce clivage est celui qui conduit des hommes ou des femmes, à ne pas pouvoir s’engager sexuellement avec les personnes dont ils sont amoureux, et vice versa. En amour ils ne peuvent pas “mettre tous leurs oeufs dans le même panier”et engager leur coeur et leur sexe simultanément. Au niveau corporel, on trouve un diaphragme sévèrement tendu, des tensions pelviennes et thoraciques. Au niveau énergétique, il y a une coupure entre le haut et le bas du corps. La littérature et le cinéma mettent abondamment cette condition en scène et on la rencontre dans nombre de situations clinique. C’est une tendance d’aujourd’hui, même si elle ne date pas d’hier.

Dans le même livre Lowen décrit ce qui lui semble les problèmes de personnalités sous-jacent aux difficultés sexuelles classiques comme l’éjaculation précoce, tardive, le sensualisme, (il entend par là cette tendance a rechercher l’excitation ou l’assouvissement plutôt  que la satisfaction, le paroxysme localisé, les difficultés féminines,(anorgasmies vaginale et totale), l’insensibilité sexuelle (masculine et féminine). La conception tout à fait discutable au sujet de l’homosexualité se trouve ici présentée: l’homosexualité quelle soit féminine ou masculine est synonyme d’immaturité sexuelle.     

 

Maturité sexuelle

Deuxième élargissement de la notion de puissance orgastique : Lowen préfère parler de “maturité sexuelle”.

“…. le plaisir réel…ne peut être que le produit d’une certaine façon de vivre, l’expérience d’une personnalité arrivée à maturité”(3)(page 12)

La maturité sexuelle est l’expression d’une personnalité mature. Une des marques d’une telle personnalité étant de comprendre que l’accomplissement sexuel est un résultat et non un but. Et c’est vrai que la démarche de Reich, toute valide qu’elle soit, donnait l’impression que l’orgasme était un but en soi. La capacité orgastique devenait une performance à réussir. Les travaux de Reich ont effectivement étés utilisés dans ce sens et dans le mouvement de “libération des moeurs” on a vu se développer une nouvelle tendance culturelle que Lowen appelle la “sophistication sexuelle”. La sexualité au lieu d’être l’expression naturelle d’une personne est transformée en une question d’expertise, de performance, de prouesses techniques. “Cette sophistication contemporaine de la vie sexuelle, dit Lowen, n’est qu’un manteau qui cache l’immaturité, les anxiétés et les conflits de celui qui s’en recouvre »(3) . Il en voit l’origine dans un manque de sensations sexuelles que le comportement sophosiqué couvre et entretien en retour. Corollaire de cette tendance, une hantise d’échouer, qui elle aussi contribue a diminuer les sensations profondes.

Nous sommes en 1965 lorsque Lowen met en évidence cette tendance moderne, qui fut accompagnée de l’émergence d’une abondante littérature décrivant les techniques amoureuses, orientales et occidentales, supposées garantir l’extase, le bonheur sexuel et conjugal. Cette tendance qui est apparue avec la “libération sexuelle”, reste présente dans la clinique et dans la culture d’aujourd’hui. Envisager la rencontre sexuelle comme une performance, n’est pas sans lien avec la montée d’une tendance culturelle narcissique. Ce qui est recherché est l’effet produit sur l’autre. L’image de soi remplace l’identification au Soi.

Autre caractéristique de la maturité sexuelle : elle est le résultat d’un engagement dans la vie amoureuse du corps, de la tête et du coeur, et d’un engagement émotionnel dans l’amour.

L’engagement du cœur dans la sexualité, par la distance psychique et la tension qu’apporte

le sentiment en permet l’intensité la plus forte. L’implication du cœur, au niveau physique et émotionnel participe de sa profondeur.

 

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