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Conseils de psy

L'indispensable vigilance des accueillants d'enfants

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L'indispensable vigilance des accueillants d'enfants

1° Vous avez émis le souhait de faire passer différents messages de prévention aux professionnels de la petite enfance ainsi qu'aux parents et aux pouvoirs organisateurs et politiques. Une prise de conscience est-elle nécessaire ? De quoi s'agit-il ?

Nous pensons que nous vivons dans une société privilégiée où la mortalité infantile est très faible, et les accidents plutôt rares. Néanmoins, c'est le résultat d'années d'expérience et de prise de conscience, et l'adulte ne doit surtout pas relâcher sa vigilance en croyant, abusivement, que nous évoluons dans un monde naturellement sur-protégé.

Nous avons perdu Iris, à l'âge d'un an, dans des circonstances très inhabituelles ; mais son décès aurait sans doute pu être évité s'il y avait eu une plus grande vigilance. Cela nous a soudain fait prendre conscience que nous-mêmes, parents, n'avions pas véritablement pris toute la dimension du danger que court un enfant de cet âge. Cet accident est survenu dans un milieu professionnel (une crèche), au milieu d'autres enfants également exposés au danger.

Il ne s'agit, ni de susciter une psychose, ni de faire croire en un risque zéro : un être qui vient au monde s'expose instantanément aux lois de l'existence, et tout un chacun, tout au long de sa vie, prend toujours certains risques en se déplaçant, en travaillant, en mangeant, etc. Il est simplement question de repousser les limites de ces risques au maximum.

2° Sur quels points avez-vous envie de mettre l'accent par rapport aux professionnels ? Ils prennent de fameuses responsabilités en accueillant des tout-petits enfants ?

Oh oui, les professionnels prennent des responsabilités ! Mais elles sont si peu reconnues. Sans être accusateur - mais la question se pose sérieusement - on peut se demander si ces professionnels bénéficient, non seulement des moyens nécessaires à leur tâche, mais aussi de la formation adéquate ; notamment en Belgique. Le métier de puéricultrice, très exigeant humainement, nerveusement et psychologiquement, mérite sans doute une plus grande valorisation qu'aujourd'hui : études supérieures et émoluments en rapport. Même si les vocations ne se décrètent pas, ce ne doit pas être une voie de garage.

Indépendamment de ce contexte, nous pensons que l'accent mérite aussi d'être placé sur deux aspects essentiels : la relation entre parents et professionnels, et le choix de la méthode pédagogique. Le dialogue avec les parents sur ce qui convient le mieux à leur chérubin n'est sans doute pas toujours facile, alors que, le plus souvent, ils travaillent tous deux et sont stressés par le rythme de leur existence ; et les affinités personnelles avec les puéricultrices dans le milieu d'accueil jouent un rôle évidemment important. Mais les échanges entre adultes sont nécessaires, qu'il soit oraux ou écrits. Iris était dans une crèche qui organisait des rencontres, le soir, avec les professionnels en dehors du contexte souvent limité et rapide du « dépôt » du matin et de la « reprise » du soir ; et sa puéricultrice attitrée (« de référence ») rendait compte de l'humeur de notre enfant, ses progrès, ses interactions avec les autres enfants, ses larmes, ses caprices, etc. tous les jours, dans un cahier de rythme. Cela allait bien au-delà de ce qu'elle avait mangé à midi ou au goûter. –C'est déterminant pour les parents : après tout, la puéricultrice passait plus de temps avec notre enfant que nous-mêmes ! Nous avons mesuré toute l'importance de cet échange entre parents et professionnels lorsque la puéricultrice de référence d'Iris a dû être remplacée, pour un congé de maternité : son successeur, peut-être moins expérimentée, accordait moins d'importance à cette dimension relationnelle.

Il nous faut préciser que la crèche d'Iris fonctionnait selon la méthode Loczy. Plusieurs milieux d'accueil ont adopté cette pédagogie qui laisse beaucoup d'autonomie à l'enfant, lui permettant notamment d'entrer et sortir librement de son lit-matelas sans barreaux dès le plus jeune âge, selon son rythme. Une même puéricultrice, dite de référence, suit l'enfant depuis son entrée à la crèche jusqu'à sa sortie (est-ce vraiment une spécificité Loczy ?). C'est une méthode qui commence à être éprouvée et que nous avions choisie pour Iris en toute confiance. Si l'on en juge par sa progression durant sa courte vie, nous ne regrettons pas ce choix. Seulement il est alors nécessaire de se donner les moyens d'adopter une telle pédagogie.

3° Les enjeux sont-ils les mêmes selon l'âge des enfants ? Y a-t-il une période plus critique où l'enfant est davantage en danger ? Comment gérer cela ?

Notre petite expérience nous fait dire qu'il y a un âge vraiment critique chez l'enfant : celui où il acquiert les moyens de marcher, plus encore que la progression à quatre pattes ; il se déplace soudain très vite, mais il est encore trop jeune pour avoir une quelconque conscience des dangers. A ce moment-là, la méfiance des adultes doit être de mise. La première cause de mortalité infantile, en France, n'est-elle pas la noyade, quand un enfant échappe à la vigilance de ses parents ne fut-ce que quelques instants ?

4° En tant que parents qu'attendez-vous des puéricultrices ? C'est quoi une « bonne » puéricultrice pour vous ?

Une bonne puéricultrice doit échanger beaucoup avec les parents, leur parler de ce qu'elle vit avec l'enfant et les faire parler de ce qu'ils vivent eux-mêmes. Le dialogue est fondamental. En outre, une professionnelle va remarquer et indiquer les changements notables, et les conséquences – pas seulement en matière de repas : l'enfant marche, il se déplace beaucoup plus vite, cela mérite une attention particulière, par exemple ; ou bien, s'il s'isole, s'il interagit moins avec les autres, y-a-t-il une raison familiale ? Etc.

Et l'absence d'hommes dans les milieux d'accueils ?

Nous manquons d'expérience pour en parler, mais ce serait sûrement une bonne chose d'accueillir plus d'hommes – faut-il pour autant pratiquer une discrimination positive ? Pour être plus précis, si nous avions dû confier Iris à un homme plutôt qu'à une femme, cela aurait demandé une certaine adaptation de notre part, à cet âge-là. Même si les pères d'aujourd'hui ont une place très grande dans la vie de famille, y compris dans le portage, l'alimentation et les soins aux tout-petits, la relation mère-enfant ne reste t-elle pas déterminante dans les premiers mois ? Mais il existe d'autres fonctions dans la crèche que celle de puéricultrice qui pourraient être confiées à des hommes, pour le bénéfice de tous : direction de la crèche, cuisine, assistance sociale, formation, etc.

6° L'autonomie est souvent à l'ordre du jour des projets pédagogiques. C'est certainement une bonne chose mais ne risquons-nous pas « d'oublier » que nous avons à faire avec de très jeunes enfants ? Quelles sont les limites ? A quoi être attentif ?

Aider l'enfant à acquérir son autonomie est important mais cela signifie aussi : aider l'enfant à devenir lui-même, en l'entourant d'affection, en lui offrant une sécurité et une stabilité affective, en étant à l'écoute de son évolution. Nous avions fait beaucoup d'haptonomie pendant la grossesse, même si l'accouchement d'Iris avait eu lieu avec l'aide d'une kiné « classique ». La crèche adoptait la méthode Löczy. Elle était aussi notre premier enfant. Autant d'éléments qui, ajoutés à son caractère, en faisait une enfant particulièrement vive ; et plutôt intrépide.

Mais l'objectif d'autonomie ne doit pas amener à pousser les enfants qui ne sont pas prêts. Nous sommes effrayés d'entendre qu'un pédiatre, sous prétexte qu'un de ses petits patients, pourtant tout à fait éveillé, ne bouge pas encore beaucoup à 11 mois, préconise déjà une série d'examens et analyses pour déceler une éventuelle insuffisance motrice ou mentale… .La règle, c'est : chacun son rythme. Ce sont aux adultes de s'adapter, c'est bien la plus grande exigence.

Surtout, se repose la question de l'âge de l'enfant. Laisser des enfants de moins d'un an entrer et sortir de leur lit suppose de se donner les moyens de gérer une plus grande mobilité des petits: cela requiert une attention accrue, évidemment. Certains enfants bougeront peu à cet âge. D'autres, s'ils apprennent vite et font preuve d'initiative, ils doivent certainement être plus surveillés.

7° Les professionnels estiment manquer de moyens, d'avoir trop peu de personnel pour vraiment offrir un accueil de qualité, qu'en pensez-vous ?

Si tel est bien le cas, c'est fort malheureux. Les enfants d'aujourd'hui seront les adultes de demain. Beaucoup se joue dès le plus jeune age, sans même parler de risques d'accidents. Voilà un enjeu qui devrait mobiliser tout le monde et obliger les pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires. La règle en Belgique n'est-elle pas de six enfants par puéricultrice, alors que, le plus souvent, ils sont huit ou neuf ? Cette règle n'est malheureusement qu'une recommandation de l'ONE.

Cependant, tout ne se réduit pas à une question de moyens financiers : tous les secteurs publics et para-publics souffrent de tels manques, aujourd'hui. Plus importants, encore, sont l'organisation physique du milieu d'accueil (agencement des pièces, barrières, lits, , etc.), la disponibilité psychologique du personnel, son emploi du temps, son professionnalisme. Iris serait peut-être encore avec nous si la crèche avait fonctionné différemment, avec les mêmes ressources, sans plus de moyens financiers.

8° Quels conseils avez-vous envie de donner aux parents ? A quoi faut-il être attentif ?

Personne, nulle part, n'est complètement à l'abri du danger. Le risque zéro n'existe pas. Les parents doivent en être conscients. C'est pourquoi, idéalement, même dans un lieu hyper-sécurisé, il est sans doute essentiel de ne pas perdre un enfant de vue plus de deux minutes à partir du moment où il marche, jusqu'à un âge suffisant pour lui faire prendre conscience des plus grands dangers. Cela peut bien commencer à 9 mois et durer jusqu'à 24 mois ! Iris marchait à 9 mois, elle courait à 11 mois… Deux minutes, c'est très peu ; mais au-delà, il peut déjà être trop tard.

Un autre conseil, certainement pas superflu, est d'apprendre les premiers gestes de survie : le jour où un accident se produit, malgré toutes les précautions, les parents doivent savoir quoi faire pour gagner du temps avant que les secours arrivent. La Croix-Rouge en dispense partout en Belgique, en une courte formation de quelques heures. C'est peut-être aux pédiatres, gynécologues, sage-femmes, kinés, haptonomes de diffuser systématiquement cette information. Pourquoi, d'ailleurs, ces professionnels ne pourraient-ils pas dispenser de telles formations aux futurs parents ?

9° Et qu'attendez-vous des directrices des crèches par rapport à leur rôle ?

Prendre le temps de la réflexion sur l'organisation du lieu d'accueil, les conséquences de leur choix pédagogique, sur les relations entre professionnelles et parents et sur l'emploi du temps de leur personnel – une puéricultrice ne peut décemment pas passer 8-10 heures à s'occuper d'enfants en continu, sans plusieurs pauses.

10° Et des pouvoirs organisateurs et politiques ? Les normes de sécurité sont-elles assez strictes ? Qu'avez-vous envie de leur demander ?

L'ONE recommande un contact visuel permanent avec les petits, pendant les siestes. Bien souvent, les crèches se contentent d'une écoute avec baby-phone, ce qui doit convenir dans la plupart des cas. En revanche, ce n'est pas du tout adapté à la pédagogie Löczy quand les enfants peuvent sortir seuls de leur lit. Le jour de son décès, Iris a quitté son lit, sans faire de bruit, en l'absence de la puéricultrice. Quelques mois avant l'accident, il nous est aussi arrivé de la trouver dans son lit de la crèche, le soir, sans surveillance ; et nous n'avons pas réagi, faisant confiance au personnel. L'ONE a la responsabilité d'imposer la présence physique d'un adulte pendant la sieste pour gérer une pédagogie ambitieuse comme celle-là.

Nous tentons depuis le décès d'Iris de dialoguer avec les pouvoirs organisateurs et politiques dans l'espoir qu'un tel événement ne se reproduise pas. Nous avons rencontré le ministre Nollet. Très à l'écoute et au fait des circonstances de l'accident, il nous a informés de son souhait d'agir auprès de l'ONE, dont il a la tutelle, pour faire en sorte que les enseignements que nous tirons de cet accident ne restent pas lettre morte. Cela suppose une information systématique de toutes les crèches et milieux d'accueil sur le danger de certaines barrières mais, bien au-delà, il s'agit d'une vraie réflexion sur la vigilance auprès des tout-petits qui découvrent l'autonomie. Cette réflexion est aussi nécessaire aux parents et professionnels de la petite enfance (formateurs, psychologues, pédiatres, etc.).

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