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Toi aussi, tu as cette fâcheuse tendance à toujours tout remettre au lendemain ?

/ Par info psy.be / Etre soi

Toi aussi, tu as cette fâcheuse tendance à toujours tout remettre au lendemain ?

Si ce terme est emprunté au latin, son usage, par contre, ne s’est répandu qu’au XXIe  siècle, ce qui porte à réfléchir : notre vie s’est-elle compliquée au point qu’on ait recours, bien plus systématiquement qu’auparavant à ce sursis faussement reposant ? Dans notre société pressée, où les deadlines (lignes de mort, rien que ce mot…) nous tyrannisent, à l’heure où on nous enjoint de travailler plus, la procrastination est considérée par certains comme une tare dont on doit à tout prix guérir, alors qu’elle peut aussi être vue comme un art de la paresse ou une philosophie de vie !

Qui ne procrastine pas de temps à autre ? On prend de bonnes résolutions, mais on ne s’y tient pas. On attend la dernière minute pour acheter les cadeaux de Noël, on repousse de jour en jour un coup de téléphone important, on joue encore un petit peu à la PlayStation alors qu'on a un examen à préparer, on termine la bûche de Noël et on fera régime après les fêtes, on achète des cahiers neufs, on range son bureau, on arrose les fleurs et on taille ses crayons avant de se mettre au travail !

Mais pourquoi diable se gâche-t-on la vie à remettre encore et encore ce qu’on sait qu’on va devoir faire ? Et que parfois même on veut faire !

Est-ce que la tâche nous rebute ? Oui, ça arrive, en effet. Rares sont ceux qui aiment vraiment prendre rendez-vous chez le dentiste ou payer leurs factures. C’est le résultat qu’on veut, pas l’effort. La plupart des élèves n’aiment pas vraiment étudier, surtout certains cours, mais c’est leur chemin, assez incontournable. On peut comprendre qu’ils préfèrent d’abord passer du bon temps sur les réseaux sociaux. Mais ça n’explique pas tout. La procrastination concerne aussi des activités qu’on a choisies et qu’on aime. Comme quand on se fait un petit café, puis un tour au jardin, puis un coup de fil à une copine, puis un tour au frigo avant de se mettre au clavier pour écrire un article !

Aurait-on peur de rater ? C’est assez probable. Il est moins honteux de faire du rase-mottes aux examens quand on n’a rien fichu, que d’avoir étudié consciencieusement et de passer tout juste ! C’est plus facile d’acheter quelques CD pour Noël parce qu’on n’a pas eu le temps et qu’il y avait foule, plutôt que de s’intéresser vraiment aux goûts de chacun et risquer malgré tout de se tromper. À vaincre sans périls, on triomphe sans gloire, mais cela n’explique pas tout.

Aurait-on peur du succès ? Paradoxalement, la procrastination est aussi liée à la peur ou plus exactement au refus inconscient de réussir, c’est-à-dire au besoin, toujours inconscient, de ne pas réussir ! On butte devant un obstacle dont la présence nous arrange bien, parce qu’il nous protège de l’étape suivante, de la prise en main de notre vie, ce qui comporte toujours une part de risque. Ne jamais commencer permet de rester à couvert, en terrain connu. Rester assis dans sa discrète déprime permet de continuer à en attribuer la cause à la difficulté, qu’on n’aborde pas, tellement l’idée même de faire l’effort de marcher en terre inconnue nous paraît pire que de ressasser sa misère. On risquerait de se trouver devant une page blanche, quelle horreur ! On devrait improviser, se mouiller, prendre le risque de se coltiner à la vie.

Heureusement, la procrastination ne porte pas toujours sur des actions qui ont une incidence majeure sur notre vie. Parfois, on assume assez bien les grands choix de l’existence, mais on cale sur des tas de petites actions qui, mises bout à bout, sont loin d’être insignifiantes.

Comment ça marche ? Nous savons que l’action que nous sommes en train de faire, lucidement, est l’inverse de ce que nous devons faire, et nous le faisons quand même. On mange alors qu’on voudrait maigrir, on lit alors qu’on devrait travailler, on traîne alors qu’on est attendu et on donne encore un dernier petit coup de fil alors qu’on est déjà en retard… Pourquoi est-ce si difficile ?

Une expérience célèbre et délicatement cruelle a été mise en scène des centaines de fois, avec des petits enfants, et déclinées sous diverses formes, toutes aussi subtilement sadiques. Elle s’appelle le test du marshmallow.

Vous prenez un gentil petit enfant qui n’a pas demandé à jouer au rat de laboratoire, vous l’installez devant une table sur laquelle vous disposez un gros marshmallow bien tentant (ce sont des enfants américains, conditionnés aux marshmallows, chez nous on utiliserait plutôt un chokotoff !) et vous quittez la pièce après avoir expliqué au bambin que s’il reste assis et ne touche pas au bonbon, il en aura le double quand vous reviendrez. L’enfant, innocent, ne sait pas combien de temps il va devoir attendre (dix à quinze minutes, le pauvre) mais de toute façon à son âge la notion du temps est vague. Bien sûr, on l’observe derrière un miroir sans tain et il est filmé, ses efforts courageux pour résister à la tentation seront décortiqués et feront le tour du monde.

Certains enfants sont assez vite incapables de résister : ils restent héroïquement pétrifiés quelques minutes, les yeux fixés sur le marshmallow et tout leur petit visage se crispe sous l’effort considérable qu’ils fournissent. Ils se tortillent les mains comme pour les empêcher d’agir, manifestent une souffrance évidente suivie d’un abandon navré, puis ils tendent la main vers le marshmallow et le mangent, plus ou moins soulagés. Ce sont les futurs procrastinateurs.

Les autres enfants, qui ont attendu de longues minutes, ont tous agi pour se donner les moyens de résister à la tentation : ils ont mis leurs mains sur leurs yeux, se sont distraits, se sont planqués sous le bureau, ont chipoté à leurs vêtements, exploré la pièce ou chanté des comptines tout haut. Leur désir n’a pas disparu, mais ils se sont focalisés sur autre chose pour éviter de penser à la tentation.

Ce test s’est avéré de très bonne prédiction dans la maîtrise des comportements futurs. Ces enfants ont été suivis durant toute leur jeunesse et ceux qui avaient pu résister à la tentation avaient de meilleurs résultats scolaires et moins de problèmes de comportements. Si l’intelligence est importante à l’école, elle semble l’être moins que la maîtrise de soi. Bien sûr, de nombreuses autres influences agissent sur le bon développement des enfants, mais ce qu’il est intéressant de retenir, c’est qu’ils avaient acquis dès leur plus jeune âge la capacité de résister à un plaisir immédiat pour un intérêt plus grand.

C’est exactement cette clé qui manque aux procrastinateurs. Ceux-ci ne prennent pas vraiment conscience, au moment où ils le font, qu’ils sont en train de donner priorité à un plaisir sans grand intérêt, une tentation, plutôt qu’à la réalisation d’un projet plus intéressant, mais qui demande de la maîtrise de soi, la base de l’autodiscipline.

C’est une impulsion, comme de prendre une cigarette, contre laquelle on doit s’entraîner à lutter, en apprenant à utiliser son esprit, comme on apprend à utiliser un ordinateur : par essais et erreurs. Tout le monde a de temps à autre une tendance à la procrastination, mais ceux qui le reconnaissent et l’admettent utiliseront des moyens efficaces pour parvenir à surmonter cette difficulté.

L’impulsion est naturelle, la maîtriser est un entrainement, un apprentissage. Notre cerveau reptilien, le plus primitif, est efficace pour répondre aux besoins immédiats, ceux qui ont permis à l’espèce de survivre. « J’ai faim, je mange » est instinctif. Repousser la satisfaction d’un désir, parce qu’on a compris qu’une satisfaction plus grande en résultera n’est pas naturel. C’est une frustration. Il faut apprendre à s’y contraindre. Ce n’est pas une simple question de volonté, c’est le produit d’une éducation, auquel il n’est jamais trop tard de s’atteler, ni de l’introduire dans la formation de nos enfants, qui baignent dans une ère du plaisir immédiat.

En conclusion, nous procrastinons parce que nous n’avons pas appris, enfant, à maîtriser nos pulsions, et que la suite de notre développement ne nous a pas vraiment confronté à la nécessité de l’apprendre par nous-même. Mal entraîné, nous ne résistons pas facilement aux tentations. Et la peur de l’échec (ou de la réussite) fait le reste.

Marie Andersen, Psychologue et Psychothérapeute

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