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Conseils de psy

Vous avez dit thérapie… ?

/ Par info psy.be / Psychothérapies

Vous avez dit thérapie… ?

Avertissement : Je suis la 100.001ème  personne à tenter de répondre à cette question. La raison en est que nous sommes constamment interpellés par nos patients à ce sujet. Je m’engage à approfondir le sujet si vous n’avez toujours rien compris après avoir lu mon texte.

Préliminaires : Je n’aime pas le mot thérapie, il est inadéquat pour décrire ce que nous faisons. Personnellement je n’utilise ce substantif que par défaut. Thérapie vient du grec therapeia ce qui veut dire soin. Le mot soin fait couple avec le mot maladie or nos patients ne sont pas malades, ils souffrent. La souffrance n’est pas une maladie, elle ne se guérit donc pas. Les médecins guérissent et sont aussi dans l’obligation de soigner, nous non.

Et la souffrance, c’est quoi au juste ? C’est un état de mal-être qui se manifeste dans la relation de soi à soi et de soi au monde. Les deux étant ,bien sûr, liés. Ce mal-être fait partie de nous et il nous arrive souvent d’avoir envie de nous en débarrasser à bon compte. Comme ces patients qui disent au psy : « que voulez-vous, c’est les nerfs ». Le mal-être est si difficile à supporter que ces patients préfèrent considérer que la cause se trouve dans leur corps. Comment feraient-ils s’ils ne pouvaient pas incriminer leur nerfs fragiles ?

Le patient qui va voir un psy souffre, mais de quoi au juste ? Prenons l’exemple d’une jeune femme qui va d’échec en  échec dans sa vie sentimentale. Elle a connu plusieurs hommes et chaque fois le même scénario se reproduit. Au début, tout se passe bien, puis elle tombe folle amoureuse de son partenaire qui finit par la laisser tomber. Elle consulte alors un psy pour cette difficulté. En fait, les patients viennent toujours avec deux problèmes additionnels résultant du premier. En plus du constat de leur problème, se rajoute d’une part la difficulté de la non compréhension de ce problème : « je ne comprends pas ce qui m’arrive » et d’autre part, l’impression de ne pas être comme les autres, de ne pas être « normal ». Notre jeune fille souffre d’aller d’échec en échec dans sa vie sentimentale, elle n’arrive pas à comprendre ce qui lui arrive et elle se demande pourquoi elle subit ces échecs alors que ses amies semblent filer le parfait amour.

 

Alors, que peut apporter le thérapeute ?

Je me borne à donner quelques éléments de réponse personnels, d’autres  psys pourront évidemment vous fournir des réponses différentes en fonction de leur philosophie, de leur expérience et de leur pratique.

Voici un petit exemple :

Il s’agit d’un petit vieux qui souffre d’énurésie diurne. Il en est désespéré, obligé de porter des couches, de changer fréquemment de pantalon. Il en éprouve une telle honte qu’il n’a plus de vie sociale etc.

Notre petit vieux rencontre un jour dans son quartier un ancien copain qu’il voit très rarement et lui fait part de ses déboires.

-Va voir un psy, lui dit le copain.

-Un psy ? quelle drôle d’idée, comment veux-tu qu’un psy puisse m’aider à résoudre un problème pareil ?

-Va voir un psy, tu m’en diras des nouvelles.

Deux ans plus tard, le petit vieux fait ses courses au marché et tombe nez à nez avec son copain qui entretemps était parti à l’étranger. Son copain lui dit :

- Et alors, comment vas-tu ? Tu as l’air en pleine forme !

- Oui, ça va bien pour le moment, je ne me sens plus déprimé comme il y a deux ans. J’ai suivi ton conseil, je suis allé voir un psy.

- Et alors ?

- Eh bien , je pisse toujours autant dans mon pantalon mais maintenant je m’en fous….

 

Que s’est il passé ?  Ce petit vieux souffre d’un problème physique qui provoque chez lui un vécu difficile ou autrement dit une souffrance. La thérapie a agi sur le vécu de l’énurésie et a permis au petit vieux de mieux vivre avec son problème. Vous me direz qu’il eût été bien plus facile et préférable de soigner directement l’énurésie. Bien sûr, mais j’ai choisi cet exemple parce qu’il est tangible. Quand il s’agit de mal-être ou de mal-vivre psychologique les choses sont malheureusement beaucoup moins tangibles.

 

Comment ça marche ?

Voici quelques éléments de réponse : la photo, le contexte, l’histoire personnelle , le transfert et le contre-transfert.

 

1.La photo.

 

Le patient présente comme une photo de sa situation au thérapeute. Celui-ci, avec ses questions, peut permettre au patient d’y rajouter des pixels. Le travail du psy consiste également à faire prendre conscience au patient que sa situation peut être analysée sous des angles différents, lui fournissant, par conséquent, des photos différentes de celle-ci.

Voici un exemple : une mère m’amène son fils de 10 ans pour troubles du comportement. Il est infernal à la maison, n’obéit pas et refuse d’étudier. Après avoir dit au fils que je n’étais pas le père fouettard, je lui propose des hypothèses (des photos) pour expliquer son attitude. J’ai appris au cours de la conversation avec la mère en présence du fils que son père a été renvoyé de son travail et éprouve beaucoup de difficultés à en retrouver. Je dis alors au fils que son attitude est l’expression de son inquiétude pour la situation de son père. En faisant l’idiot il détourne l’attention de son père par rapport à ses propres problèmes.

Vous voyez que la photo à laquelle nous arrivons est très différente de celle qui m’avait été présentée au départ.

Ce garçon va rentrer chez lui avec une image de lui-même complètement bouleversée et la réflexion va se poursuivre chez lui de son plein gré (et à son insu !). On peut espérer  que la dynamique vitale puisse reprendre son cours après avoir été ralentie par les difficultés familiales.

 

2.Le contexte.

 

Je donne souvent à mes patients l’exemple suivant :

Nous allons ensemble dans la forêt vierge à la découverte d’une peuplade primitive, votre famille. Primitive parce que inconnue de moi et paradoxalement aussi très peu connue de vous. En tant que thérapeute, je vous précède et je coupe les lianes pour que nous puissions avancer. Quand nous découvrons la peuplade, nous essayons de voir ensemble comment ils établissent des relations entre eux, comment ils font l’amour, comment ils mangent, comment ils prient. Un vrai travail anthropologique.

Ceci permet souvent au patient de prendre conscience des croyances et des valeurs qui déterminent son comportement et de les nommer.

Exemple : si vous êtes de sexe masculin, si dans votre famille il y a un clivage important entre hommes et femmes et si les hommes de votre famille parlent des femmes en disant qu’elles veulent tout diriger, ceci devrait vous apporter un éclairage important si vous avez consulté un psy parce que vos relations avec la gent féminine sont tumultueuses.

Ce travail sur les croyances et valeurs est un travail de pondération et de relativisation. Cela permet de remettre les choses à leur juste place. Cela provoque souvent chez le patient une déculpabilisation. Cela introduit aussi une certaine distance par rapport au vécu dans lequel il est empêtré.

Voici un autre petit exemple. J’ai reçu un jour un patient d’une trentaine d’années assez déprimé et je lui ai demandé quels étaient les proverbes et dictons les plus fréquemment utilisés dans sa famille. Il a répondu « tu as déjà mangé ton pain blanc ». Comment ne pas être déprimé avec un dicton pareil ! Je me souviens qu’il a beaucoup ri, signe pour moi qu’il avait pris distance par rapport à son vécu.

 

3.L’histoire personnelle.

 

Au cours de la thérapie le patient se raconte au psy. Il raconte ce qu’il connaît de son histoire et qu’il n’a peut-être jamais raconté auparavant. Le thérapeute l’entend et le croit, ne porte pas de jugement et n’est pas dérangé, il peut entendre des choses que ne peuvent pas entendre les membres de son entourage.

Quel effet tout cela peut-il produire ? Quelque chose se construit et s’assemble comme un puzzle en présence d’un témoin. Ce témoin, le thérapeute, aide le patient dans cette construction en lui demandant de développer certains éléments, en établissant des liens entre les différentes parties de cette histoire etc. Tout cela tend souvent à donner une cohérence, un fil conducteur, une trame à cette histoire et le patient prend peu à peu conscience que son histoire tient debout, qu’il tient debout et qu’il n’est peut-être pas aussi « anormal » qu’il le pensait. La cohérence retrouvée lui permet aussi de se resituer dans la communauté des hommes. C’est libératoire, un peu comme quand nous sommes détenteurs d’un lourd secret et que nous pouvons enfin le partager avec quelqu’un.

Voici quelques phrases qui expriment cela :

-       « vous n’allez pas me croire, mais… »

-       « c’est la première fois de ma vie que je raconte cela à quelqu’un… »

-       « je ne suis donc pas folle…»

 

4.Le transfert et le contre-transfert.

 

Ces concepts appartiennent à la psychanalyse qui est une forme particulière de thérapie. Lors de la thérapie le patient revit avec le thérapeute des manières d’entrer et d’être en relation acquises dans son enfance. Ce domaine est très vaste parce qu’il existe de très nombreuses manières différentes d’être en relation. C’est le transfert.

La relation commence dès le coup de téléphone pour la demande de rendez-vous. A ce moment là les indices sont nombreux déjà permettant au psy de formuler des hypothèses sur la manière dont le patient entre en relation avec lui.

Il y a le patient qui s’excuse de déranger, celui qui veut déjà tout expliquer en long et en large ou encore la dame qui exprime sa crainte de se trouver à devoir parler seule à un inconnu etc.

La manière dont le patient appuie sur la sonnette quand il vient pour la première fois est un autre exemple : c’est très différent si le patient appuie  longuement et de manière insistante sur la sonnette ou s‘il le fait d’une manière à peine audible. Le thérapeute pourra supposer que le premier est quelqu’un qui prend beaucoup de place et est très exigeant dans la relation, un aîné ? Alors que le deuxième préfère se faire tout petit, un cadet peut-être ?

Une fois que la relation s’installe dans la durée d’autres choses apparaissent.

Exemple : si vous avez eu un père très sévère avec lequel vous avez beaucoup souffert il est probable qu’au cours de la thérapie vous allez retrouver dans le thérapeute le père sévère de votre enfance. Le thérapeute devra mettre cela en évidence et nommer ce qui se passe.

Un autre exemple : la patiente qui tombe amoureuse de son psy. En fait elle ne tombe pas amoureuse du psy mais de l’image qu’elle se fait de lui. Le rôle du psy consistera alors à interroger la patiente sur ce qu’elle croît percevoir chez le psy et qui la rend amoureuse de lui.

En bref, le cabinet du psy devient donc l’établi sur lequel la relation peut être décrite, analysée, travaillée.

 

Quant au contre-transfert, c’est la manière dont le psy entre en relation avec son patient. Il est évident qu’il est susceptible d’éprouver des tas de choses en présence de son patient. L’instrument des psys c’est ce qu’ils voient, entendent et surtout ressentent par rapport au patient. A mon avis le psy doit pouvoir, dans la mesure du possible, dire au patient ce qu’il vit.

Exemples : Il m’arrive fréquemment de me sentir impuissant par rapport à ce que dit le patient. Ou bien je ne comprends pas ce qu’il me raconte. Ou bien je n’arrive pas à voir comment je pourrais l’aider par rapport à son problème.

Dans des thérapies de couple je dis parfois : le seul qui a besoin d’une thérapie ici c’est moi parce que je ne comprends rien à vos histoires. Ceci n’est pas feint, mon espoir c’est qu’en reconnaissant mon impuissance je leur permette de reconnaître la leur.

 

Conclusion : que peut attendre un patient d’une psychothérapie.

 

Pour expliquer ce qu’est la thérapie et comment ça fonctionne, nous avons commencé par définir le problème pour lequel les patients consultent. Ce problème est une souffrance, pas une maladie, dont le patient n’arrive pas à comprendre les tenants et aboutissants et qui lui donne l’impression d’être différent des autres et parfois même « anormal ».

Ensuite, nous avons vu comment ce problème peut être analysé et décortiqué par la formulation d’hypothèses qui visent à le rendre intelligible, par l’analyse du contexte dans lequel il a surgi pour le relativiser et enfin par l’analyse de la relation que le patient établit avec le thérapeute, relation qui souvent est une répétition d’une relation problématique  vécue dans son enfance. En nommant et en décrivant ce qui se passe dans cette relation difficile le patient est supposé  pouvoir faire le deuil d’une relation idéale. On pourrait dire qu’il se réconcilie avec la réalité. C’est sans doute pour ce motif que fréquemment des patients parlent de leur thérapie comme d’une seconde naissance !

Tout cela vise a améliorer la qualité de vie du patient. Voici encore un exemple : a une mère qui avait écrit à Freud pour lui demander ce qu’il pouvait faire de son fils homosexuel il répondit : « n’attendez pas, Madame, que je fasse de lui un hétérosexuel, peut-être arriverai-je à faire de lui un homosexuel heureux ! » .La thérapie a donc pour but d’améliorer la qualité de vie des patients en leur permettant de mieux se comprendre et de mieux s’accepter. En fait les patients acquièrent un regard différent sur eux-mêmes et sur le monde.

 En guise d’épilogue et comme clin d’oeil, voici une histoire relatée par le fameux thérapeute Milton Erickson : un bègue vient en thérapie pour se débarrasser de son bégaiement. Comme profession, ce bègue fait du porte à porte pour vendre des produits sanitaires. Le thérapeute parvient à lui faire comprendre tous les avantages qu’il y a à bégayer quand on exerce un métier pareil. En effet avez-vous déjà remarqué comme vous écoutez attentivement quand vous avez affaire à un bègue ? Vous tentez sans arrêt de l’aider à trouver ses mots. Ce thérapeute est parvenu à provoquer un changement chez ce patient, il lui a permis de porter un autre regard sur son bégaiement. Suite à cela le patient a arrêté  de bégayer. Malheureusement le monde n’est pas parfait et notre patient, débarrassé de son bégaiement,  a perdu son travail, il n’arrivait plus à vendre sa marchandise !

En bref, quand le patient arrive chez le psy, il vient avec une question ou une demande et souvent il repart avec une réponse qui n’est pas une réponse à sa question. L’étonnant dans cette histoire est qu’en général le patient est satisfait de la réponse qu’il a obtenue. C’est simple et compliqué à la fois. Une fois le processus entamé il sait que dorénavant autre chose est possible.

 

Thierry Ducarme
Psychologue, Psychothérapeute

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