Je souhaite...

Conseils de psy

Enlever les étiquettes

/ Par Catherine Lemoine / Etre soi

Enlever les étiquettes

En thérapie les patients arrivent souvent avec des étiquettes, qu’ils se sont patiemment  collées pendant des années, tels « phobique sociale » « psychotique »  « borderline » « pervers sexuel »  « femme qui aime trop »… ou qu’ils ont appliquées sur les autres comme « manipulateur »  « pervers narcissique » « hystérique »…

Sentences, plus ou moins définitives, renforcées par le verbe être qui comme chacun sait est un verbe d’état par opposition aux verbes d’action qui rendent possible un changement. Certes la perversion existe, de même que les phobies, ce serait naïf de le nier mais c’est la banalisation de ces termes et leur appropriation par beaucoup de patients qui me frappent parce qu’ils les privent souvent de l’optimisme thérapeutique nécessaire au changement. Un jeune homme se dit phobique social.

Pourtant il travaille, il a des amis. Son problème se situe au niveau de ses relations amoureuses qui se font toutes via des sites informatiques de rencontre. Le premier pas vers une amélioration a consisté à recadrer sa phobie sociale en comportements d’évitement par rapport aux jeunes femmes. Un autre garçon vient consulter parce qu’il a des fantasmes et a eu une brève relation extraconjugale, dernièrement il a embrassé une autre femme que la sienne. Il est terrorisé par l’idée d’être un pervers sexuel et annonce que le traitement va sans doute être très long. Trois séances plus tard, il est apaisé.

Grâce à ce que nous appelons en thérapie brève la demi-heure du pire, il a pu « ouvrir le placard aux fantômes » et reprendre le contrôle de sa vie. Une femme vient me voir car elle est persuadée que son mari est un pervers narcissique. Dans ce cas, c’est la conjonction de malentendus dus à une absence de communication et de la lecture d’un article dans un magazine féminin qui ont conduit cette femme à remettre en question la santé mentale de son mari. Après lui avoir demandé d’observer et de consigner par écrit les événements qui lui font penser que son mari est un pervers narcissique, nous avons décortiqué, en séance, plusieurs séquences de communication à la suite de quoi le problème a été redéfini en « j’aimerais que mon mari passe plus de temps avec moi ». Enfin un autre obstacle au changement est la phrase « c’est plus fort que moi ».

Un couple se présente à un ami thérapeute. La femme est sur le point de quitter son mari, violent et il veut éviter qu’elle parte. Elle aimerait croire au changement mais craint d’être de nouveau déçue. L’homme fataliste assène un « c’est plus fort que moi » peu encourageant pour la suite. Le thérapeute reformule : « Si j’ai bien compris vous voulez dire que lorsque vous frappez votre femme, c’est plus fort que vous et que vous ne pouvez vous contrôler », l’homme hoche de la tête un peu penaud et le thérapeute lui demande alors : « Imaginez que quelqu’un entre dans la pièce, braque une arme sur la tête d’un de vos enfants et vous dise : si tu n’arrêtes pas tout de suite je tire ». L’homme reconnaît alors qu’il cesserait certainement sur le champ de s’en prendre à sa femme. La violence est redéfinie en « comportement » agressif  perfectible et non plus en « nature » violente incontrôlable. Un travail sur la maîtrise de ce comportement déviant peut alors commencer. En définitive, les étiquettes limitent notre espace, alourdissent notre marche, assombrissent notre horizon. Les décoller redonne une énergie nouvelle et crée un territoire plus vaste à conquérir.

Catherine Lemoine (psychothérapeute Interactes)    

 

Catherine Lemoine -

Catherine Lemoine

avenue des Citronniers 22 - 1020 Laeken
Articles publiés : 5